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A Chelsea, des jeunes pour éviter le blues

LIGUE DES CHAMPIONS - Interdit de recrutement, orphelin d’Eden Hazard, parti au Real Madrid, et d’un propriétaire exilé, le club londonien mise sur une ancienne gloire (Lampard) et de nouveaux talents pour résister au déclin.

Lampard et Abraham (Photo by GEOFF CADDICK / AFP)
Lampard et Abraham (Photo by GEOFF CADDICK / AFP)

Après la sensation de la dernière Ligue des champions (l’Ajax) à la Cruyff ArenA, le LOSC va donc affronter le vainqueur de la dernière Ligue Europa et meilleur club anglais de ces dix dernières années. Oui, c’est bien de Chelsea dont je parle. Entre 2009 et 2019, c’est trois titres de champion d’Angleterre, quatre FA Cup, une Coupe de la Ligue, une Ligue des champions et deux Ligue Europa. Ne cherchez pas, personne n’a fait mieux outre-Manche. Et si Manchester City est sur la bonne voie (dix trophées majeurs depuis 2011), il leur reste deux saisons pour remporter deux coupes d’Europe… Chelsea c’est LE grand club anglais des années 2000, celui de Roman Abramovitch qui a écarté l’Arsenal de Wenger de la bagarre et même fait vaciller la suprématie du MU de Ferguson.

Mais on ne va pas se mentir, beaucoup de choses ont changé depuis quelques années et un peu plus encore depuis cet été. On ne parle plus tout à fait du même Chelsea, vorace, dépensier et ambitieux. Le club a tout d’abord changé d’entraîneur, mais ça c’est devenu une vieille habitude de son propriétaire, mettant fin au bref épisode Sarri malgré une troisième place en championnat et une couronne européenne (tout de même !). L’équipe a également perdu son joyau, Eden Hazard, qui a porté l’équipe à bout de bras la saison passée et dont l’ambition comme le talent étaient devenus trop grands pour un club en léger recul sur l’île et surtout le Vieux Continent (une seule place dans le dernier carré de la C1 en 7 ans).

Mais, surtout, Chelsea a été interdit de recrutement cet été et l’hiver prochain. Et il y a plus simple pour remplacer sa star et bâtir le projet d’un nouvel entraîneur. Les Londoniens doivent donc prendre leur mal en patience, faire avec les “moyens” du bord pour éviter le coup de blues. Or, la patience à Chelsea…

Un mal pour un bien ?

Disons que ça n’a jamais été la tasse de thé de son propriétaire russe. Il n’y a qu’à voir le mode de fonctionnement d’Abramovitch qui pourrait se résumer à : gagne ou crève ! Cela n’a jamais été un problème ni même un frein dans la quête de succès du club où les managers défilent autant que l’argenture dans l’armoire à trophées : onze en dix ans et presque autant d’entraîneurs (neuf avant la nomination de Lampard en juin). Chelsea c’est l’art du rebond permanent.

Les crises sont violentes mais ne durent jamais longtemps et précèdent presque toujours de grandes victoires : arrivée d’Ancelotti en 2009, champion en 2010, remercié en 2011, arrivée de Villas-Boas en 2011, remplacé par Di Matteo en 2012, champion d’Europe, limogé, remplacé par Benitez, Ligue Europa en 2013, retour de Mourinho, champion en 2015, viré en 2016, “welcome” Conte, champion en 2017, “sacked” en 2018. Cette instabilité chronique est autant une marque de fabrique que le secret de sa réussite. Oui mais voilà, celle-ci a souvent été impulsée par un ou deux gros coups sur le marché : Hazard en 2012, Willian en 2013, Fabregas et Diego Costa en 2014, Kante en 2016, Morata en 2017, Jorginho et Kepa en 2018.

Kepa, le dernier rempart des Blues (Photo by OLLY GREENWOOD / AFP)
Kepa, le dernier rempart des Blues (Photo by OLLY GREENWOOD / AFP)

Aujourd’hui, l’interdiction de recrutement a changé les habitudes du club londonien et surtout les plans de ses dirigeants qui avaient, néanmoins, senti le coup venir en recrutant Pulisic dès janvier. Mais c’est peut-être aussi un mal pour un bien. D’abord pour son entraîneur, Frank Lampard, une seule année d’expérience sur un banc de touche, celui de Derby County (D2 anglaise) qu’il a bien failli hisser en Premier League en mai dernier. Son statut de légende vivante à Stamford Bridge, où il a tout gagné, lui offre du temps auprès des supporters et l’absence de renforts une certaine clémence chez Abramovitch qui, dans le même temps, s’est un peu éloigné de son club après s’être vu refuser le renouvellement de son visa au Royaume-Uni. Loin des yeux, loin du cœur ? Pas impossible. Le projet du nouveau stade a été mis en stand-by et la vente du club n’est plus une simple menace en l’air.

Chelsea a dû délaisser le carnet de chèques et miser sur la formation. Lampard en a profité pour faire de la place aux jeunes talents de l’Académie si souvent oubliée et pourtant la meilleure du Royaume. Aujourd’hui, Tammy Abraham est, à 21 ans, l’attaquant numéro un des Blues, devant Olivier Giroud et Michy Batshuayi, et son meilleur buteur (7 réalisations en 7 journées). Mason Mount (20 ans) a, lui aussi, gagné sa place dans le onze et confirmé tout le bien que Lampard pensait de lui à… Derby la saison passée. Enfin, Fikayo Tomori (21 ans) s’impose de plus en plus comme une solution durable en défense centrale d’où il a éjecté Kurt Zouma tandis que Hudson-Odoi (18 ans) est revenu de l’infirmerie.

Evidemment, avec la jeunesse, tout n’est pas parfait et même un peu compliqué. Onze points seulement en sept journées, une première victoire à domicile après quatre tentatives, une seule “clean sheet” et 40 buts au cours de leurs dix premières rencontres toutes compétitions. Autant dire qu’il y aura de place pour un exploit lillois face à une formation londonienne qui ne sait pas fermer le jeu et déjà sous pression après sa défaite surprise à domicile, lors de la première journée face à un Valence en crise. Bref, tous les défauts d’une jeunesse nouvellement promue pour éviter le coup de blues.

Bruno Constant