Liverpool - Manchester City : le foot, à la folie

Habitués à ferrailler en Premier League, les Reds et les Citizens ont rendez-vous mercredi soir sur la scène européenne, pour ce qui est sans doute l’affiche la plus attrayante des quarts de finale de la Ligue des champions. Emmenées par des entraîneurs charismatiques, les deux formations pratiquent en effet un football hautement spectaculaire qui fait les délices des amoureux du beau jeu. Petit inventaire des ingrédients des 180 minutes de bonheur à venir.

14 janvier dernier, à Anfield. Les supporters de Liverpool ne le savent pas encore, mais ils s’apprêtent à vivre la plus belle soirée de football de la saison en Premier League. Orpheline de Philippe Coutinho, la bande à Salah reçoit pourtant un rouleau compresseur, designed by Guardiola, du nom de Manchester City. Intenables depuis le début de la saison, les Sky Blues écrasent alors l’Angleterre du football à grands coups de phases de possession savamment orchestrées et de buts empilés par dizaines. Résultat : en 22 journées, les Citizens n’ont pas connu la défaite.

Pas de quoi donner des complexes à la formation dirigée par Jürgen Klopp, bien décidée à répondre coup pour coup au leader du championnat. Portés par un trio Salah-Firmino-Mané incandescent, les Reds vont d’ailleurs assommer les visiteurs du jour. Pressing tout-terrain, quadrillage millimétré du rectangle vert, contre-attaques éclairs : durant 90 minutes, le bloc bleu construit par le grand architecte espagnol, d’ordinaire si cohérent, va fissurer sous les assauts tranchants de la tornade rouge. Les buts tardifs de Gündogan et Silva n’y changeront rien : au coup de sifflet final, le tableau d’affichage indique 4-3 pour les pensionnaires d’Anfield. City n’est plus invulnérable.

Près de trois mois ont passé depuis l’éclatante victoire de Liverpool contre City, et les deux équipes s’apprêtent à croiser de nouveau le fer sur la scène européenne. Une confrontation so british qui constitue néanmoins la plus alléchante des affiches composant les quarts de finale de la Ligue des champions. Voici pourquoi…

Guardiola/Klopp, un match dans le match

« Federer est le meilleur joueur de tous les temps, mais Nadal est le meilleur des deux. » A peu de choses près, cette astucieuse sentence pourrait actuellement s’appliquer aux charismatiques managers de City et Liverpool. Jürgen Klopp est en effet le seul entraîneur au monde à pouvoir se targuer de mener aux points face à celui que beaucoup considèrent, à raison, comme le meilleur technicien au monde. Depuis que les deux coachs s’opposent par armée de crampons interposées, l’Allemand domine (légèrement) son homologue espagnol. Bilan : 6 victoires pour Klopp et 5 pour l’ex-entraîneur du Barça. Une lutte âpre, propre à alimenter le genre de rivalité dont la PL est coutumière – n’est-ce pas José ? -, qui n’a pas terni les relations qu’entretiennent les deux hommes, dont le respect mutuel ne fait pas de doute. Une estime qui tient en grande partie à l’admiration réciproque qu’ils vouent à la qualité du jeu déployé par leurs équipes respectives.

Football symphonique…

Récemment en conférence de presse, Jürgen Klopp a déclaré que la seule différence entre lui et Guardiola tenait à la qualité des effectifs que l’Espagnol avait jusqu’ici eu sous ses ordres. S’il est clair que les deux techniciens partagent une philosophie de jeu commune, portée sur l’offensive, leurs écuries ne parlent pas exactement le même football. Une différence que la lecture des statistiques de la rencontre qui a opposé les deux équipes lors de la 23è journée de championnat fait apparaître en pleine lumière. Ainsi, avec 64% de possession de balle, les Citizens ont une fois de plus fait la démonstration à cette occasion de leur impressionnante capacité à kidnapper le cuir. Un jeu de possession dont Guardiola a fait sa marque de fabrique à la tête du Barça, et qu’il porte à des sommets de sophistication à la tête des Sky Blues. Interprétée avec brio lors de chaque rencontre ou presque par la bande à De Bruyne, la partition élaborée par l’entraîneur espagnol prend des allures de symphonie lorsque le 11 mancunien est en jambes. Résultat : une ahurissante moyenne de possession de 71,5% par match.

… vs heavy metal

Si Jürgen Klopp partage un même goût du pressing au moment de la perte de balle que Pep – ce fameux « contre-pressing » dont les deux techniciens sont de fervents adeptes -, l’entraîneur allemand n’érige pas la possession de balle en mantra. Avec 58% de maîtrise de la gonfle en moyenne, Liverpool n’affiche pas les statistiques stratosphériques des Citizens en la matière. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les Reds ont abandonné le ballon aux Mancuniens en janvier dernier à Anfield (36%). « Je n’aime pas gagner avec 80% de possession, avait expliqué Klopp en 2015 en conférence de presse, juste avant d’affronter Arsenal. Wenger aime avoir le ballon, jouer au football, faire des passes… C’est comme un orchestre. Mais c’est une chanson silencieuse. J’aime mieux le heavy metal. ». Une métaphore musicale qui trouve son prolongement dans le jeu développé par les Reds. Agressivité, aptitude à attaquer ou contre-attaquer à 4 joueurs – voire davantage – en l’espace de quelques secondes : le Liverpool à la sauce Klopp n’hypnotise pas; il foudroie. Une certaine idée de la « Deutsche Qualität ».

Deux philosophies, un même résultat

D’un côté, la meilleure attaque de Premier League (88 buts). De l’autre, la plus efficace de la Ligue des champions (28 réalisations). Le match qui va opposer Manchester City à Liverpool va aussi mettre aux prises deux des machines à empiler les valises et les cartons les plus prolifiques du Big 5. Et si les Sky Blues comptent dans leurs rangs des artificiers de grand talent, à l’image de Sergio Agüero – 31 pions toutes compétitions confondues -, ou encore Raheem Sterling (22 buts au compteur), les Reds possèdent un trident offensif tout aussi redoutable. Le « Fab Three » a ainsi fait trembler les filets à 78 reprises cette saison (tcc). De quoi faire claquer des genoux pas mal de défenses – même la plus chère du monde -, et faire le bonheur des amateurs de football champagne.

Deux joyaux pour une couronne

Si le talent ne manque pas dans les deux formations, deux joueurs sortent clairement du lot cette saison. A Liverpool, Mohamed Salah marche littéralement sur l’eau. Actuel meilleur buteur de PL avec 29 réalisations, le Pharaon a marqué à 39 reprises toutes compétitions confondues. Des statistiques hyperboliques qui sanctionnent l’étonnante progression de l’ex de la Roma, bien parti pour effacer encore quelques marques avant la fin du présent exercice. Une course aux records qui ne concerne Kevin De Bruyne que de manière lointaine. Pour autant, le meneur de jeu des Citizens n’en demeure pas moins le fluidifiant indispensable de la mécanique de haute précision mise en place par Pep Guardiola. Un rôle que ses 19 passes décisives font apparaître en pleine lumière. Salah/De Bruyne, c’est donc une opposition de styles qui résume à elle seule les approches respectives des managers des deux clubs anglais. D’un côté, une fougue rageuse mâtinée d’inspiration ; de l’autre, une vision à 360° relayée par un sens aigu de la distribution. Le fait que les deux hommes soient les grands favoris à la succession de N’Golo Kanté, sacré meilleur joueur de PL l’an passé, ne fait qu’ajouter du piquant à une confrontation qui ne manque déjà pas de sel. Reste maintenant à savoir qui des deux aura le droit de poursuivre l’aventure européenne. Début de réponse mercredi soir à Anfield…