"Lost" : deux cadres de la série réagissent aux accusations de racisme en coulisse

La journaliste américaine Maureen Ryan consacre un livre aux coulisses du tournage de la série Lost et évoque notamment des accusations de racisme. Damon Lindelof, co-créateur, et Carlton Cuse, producteur exécutif, y font amende honorable.

Ambiance toxique, racisme... Un livre de la journaliste américaine Maureen Ryan dévoile les coulisses du tournage de Lost, la série qui fit les belles heures de la chaîne ABC de 2004 à 2010. Vanity Fair a publié le 30 mai un extrait de cet ouvrage intitulé Burn it Down, mettant en cause Damon Lindelof et Carlton Cuse. Accusés d'avoir fermé les yeux sur la souffrance de leurs employés, et parfois d'avoir été les auteurs de comportements répréhensibles, le co-créateur et le producteur exécutif de la série réagissent.

"Le niveau de mon manque fondamental d'expérience en tant que manager et en tant que supérieur, mon rôle en tant que personne qui devait (...) garantir sécurité et confort dans le processus créatif - j'ai échoué", reconnaît Damon Lindelof dans les extraits publiés.

Une partie des reproches faits à la série est le traitement réservé à ses personnages de couleur. Et notamment celui de Michael Dawson, incarné par Harold Perrineau: "Il est (vite) devenu très clair que j'étais le noir", déclare-t-il dans le livre. "Daniel Dae Kim (qui prêtait ses traits à Jin Kwon) était l'asiatique. Et puis vous aviez Jack (Matthew Fox), Kate (Evangeline Lily) et Sawyer (Josh Holloway) (qui avaient droit au plus de temps d'écran)".

Des acteurs négligés

Un membre de l'équipe scénaristique ajoute qu'il leur était régulièrement rappelé que ces trois personnages, tous incarnés par des acteurs blancs, étaient les héros. "Tout le monde se fout des autres: donnez-leur quelques scènes sur une autre plage", était-il répété.

Harold Perrineau rapporte également avoir remarqué que lors des séances photos, les acteurs de couleur étaient systématiquement relégués au second plan, ou disposés sur les côtés du cadre.

Après avoir parlé de son temps d'écran réduit à Lindelof et Cuse, il rapporte que la réécriture d'un épisode a eu lieu, lui offrant plus de scènes, mais qu'il avait dû les tourner en deux jours, quand Josh Holloway avait droit à plus de temps. "C'étaient des journées de 14, 18 heures. Je me suis dit, 'Si vous pensez que je vais me rater, n'y comptez pas. Je vais être excellent'."

Il a ensuite appris que son personnage disparaîtrait en fin de saison 2. Des sources concordantes ont rapporté avoir entendu Damon Lindelof déclarer: "Il m'a traité de raciste, alors je l'ai viré."

Au sujet des allégations concernant le traitement de Harold Perrineau et de son personnage, Damon Lindelof admet "un haut degré de manque de sensibilité".

"Cela me brise le cœur que l'expérience de Harold ait ressemblé à ça". Il ajoute ne pas se rappeler avoir parlé de l'avoir licencié après des accusations de racisme, mais reconnaît: "Je ne vois pas pourquoi quiconque inventerait ça sur moi."

"Il y avait une attention disproportionnée accordée à Jake, Kate, Locke et Sawyer, les personnages blancs. Harold avait totalement raison de le souligner. C'est l'une des choses au sujet desquelles j'ai eu de profonds regrets durant les deux décennies qui ont suivi."

Des propos racistes dénoncés

De nombreux propos racistes sont évoqués dans le livre de Maureen Ryan. Quand un membre de l'équipe était en passe d'adopter un enfant asiatique, quelqu'un aurait déclaré "aucun grand-parent ne veut d'un petit-enfant aux yeux bridés". Un jour, alors qu'une photo de l'acteur afro-américain Adewale Akinnuoye-Agbaje se trouvait sur la table des scénaristes, une personne aurait dit à un membre de l'équipe de retirer son porte-monnaie "avant qu'il ne le vole". Un scénariste d'origine asiatique se serait fait continuellement appeler "le Coréen".

"C'était comme au collège, et constamment cruel", se souvient la scénariste Monica Owusu-Breen. "De toute ma carrière, je n'ai jamais entendu autant de commentaires racistes dans une même pièce."

Et de résumer la philosophie de cet environnement de travail: "Soit je deviens un connard et je commence à faire des blagues aux dépens des autres, soit je suis un emmerdeur sans humour avec qui on ne peut pas s'amuser."

Carlton Cuse assure ne pas se souvenir d'avoir entendu ces propos: "Je regrette profondément que quiconque sur Lost ait pu avoir à les entendre. C'est terriblement insensible, inapproprié et offensant."

D'autres anciens membres de l'équipe se souviennent d'une ambiance de '"boy's club". Melinda Hsu Taylor, scénariste et productrice, raconte qu'elle gardait son eye-liner dans son bureau pour ne pas avoir à se rendre aux toilettes pour une retouche: "Quand vous pleurez au travail, vous ne voulez pas que les gens s'en aperçoivent."

"J'aurais voulu le savoir"

Elle rapporte également que Carlton Cuse aurait tenté de s'attribuer les mérites d'un épisode très bien reçu qu'elle avait écrit, et que Lindelof et Carlton auraient exercé des pressions sur elle afin qu'elle leur offre des cadeaux pour les remercier d'avoir laissé l'épisode à son nom. Là encore, Carlton Cuse assure ne pas en avoir souvenir.

"Cela me brise le coeur d'entendre (que) des gens ont eu une si mauvaise expérience (sur le tournage)", ajoute-t-il. "J'ignorais que des gens ressentaient ça. Personne n'est jamais venu se plaindre à moi, et si des plaintes ont été formulées auprès de ABC Studios je ne suis pas au courant. J'aurais voulu le savoir. J'aurais fait ce que je pouvais pour changer les choses."

Et de présenter ses excuses sur une question bien précise: celle du remplacement régulier des scénaristes. "Je comprends que cela ait cause de la peine, du ressentiment et de la frustration, et j'en suis désolé."

Article original publié sur BFMTV.com

VIDÉO - Lost : les disparus