Vers un meilleur accueil des personnes transgenres dans les commissariats?

Mi-janvier, la préfecture de police de Paris a réédité une note de service pour "préciser la procédure de prise en charge des personnes transgenres" dans les commissariats. En parallèle, Gérald Darmanin a promis de former les policiers déjà en poste sur les violences contre les personnes LGBT.

Une nouvelle note de service a été envoyée, mi-janvier, par la préfecture de police de Paris à tous les chefs de service pour "préciser la procédure de prise en charge des personnes transgenres" par les forces de l'ordre. "Il s'agit d'une réédition", explique à BFMTV Johan Cavirot, président de Flag, l'association des personnels LGBT des ministères de l'Intérieur et de la Justice.

À l'image de sa première version de 2019, la dernière note de service rappelle plusieurs recommandations aux policiers. Si l'accueil d'une personne transgenre dans un commissariat s'effectue d'abord "selon son apparence", "il convient de prendre en compte le genre selon lequel la personne accueillie se définit", rappelle la préfecture de police de Paris.

Selon cette procédure, un fonctionnaire de police doit donc lui demander "la civilité et le prénom par lequel elle souhaite être appelée à l'oral", mais également, si nécessaire, "le genre des personnes qui réaliseront les fouilles et palpations sur elle". Dans le cadre d'un encellulement, si aucune cellule individuelle n'est disponible, l'agent doit demander à la personne transgenre si elle souhaite être placée avec des hommes ou des femmes.

Un "a priori très négatif" sur les forces de l'ordre

Pour Anaïs, co-présidente d'Outrans, une association de lutte contre la transphobie et d'aide aux personnes trans, si ce rappel était nécessaire, c'est que les agressions de personnes transgenres se sont multipliées, mais pas les dépôts de plainte. En 2022, SOS Homophobie a enregistré 35% de hausse des signalements de cas de transphobies par rapport à 2020 et 27% par rapport à 2021.

"Il y encore très peu de personnes transgenres qui se décident à aller porter plainte, car il y a encore un a priori très négatif sur la compréhension des forces de l'ordre sur la question de la transidentité", estime Anaïs, auprès de BFMTV.com.

Sur l'ensemble des cas de LGBTIphobies recensés par SOS Homophobie en 2022, 27 sont d'ailleurs liés au contexte policier ou judiciaire. "On a eu des remontées, par les associations, de témoignages de personnes transgenres qui se sont senties mégenrées lors d'un dépôt de plainte, d'une audition ou d'un contrôle", reconnaît le président de Flag, à l'origine des recommandations.

"Il y a le fait de devoir expliquer aux forces de l'ordre la transidentité, les refus de certains policiers d'utiliser le genre déclaré, les accusations de provocation et parfois même certaines situations où la victime devient coupable", décrit Anaïs.

La coprésidente d'Outrans évoque des situations où des travailleurs et travailleuses du sexe, venus porter plainte pour agression sexuelle, sont finalement accusés d'exhibition sexuelle: "C'est la double peine."

Un an pour former tous les effectifs

Et la demande vient aussi des forces de l'ordre elles-mêmes, selon Johan Cavirot. "On a également eu des demandes de policiers qui ont besoin d'être rassurés, qui ont peur de faire des erreurs, c'est un sujet qu'ils ne maîtrisent pas toujours, comme la plupart des citoyens", explique le président de Flag.

Pourtant, des formations pour accueillir les personnes LGBTI sont dispensées depuis plusieurs années aux policiers et aux gendarmes, qu'ils soient en école ou déjà en poste. Jusqu'ici, elles duraient entre 1h30 et 2h, en distanciel. Face à l'augmentation du nombre d'actes de LGBTIphobies, le ministère de l'Intérieur a décidé de les étoffer un peu: désormais, policiers et gendarmes suivront 2h30 de formation, en présentiel.

"Nous nous fixons comme objectif de former en un an l’ensemble des policiers et gendarmes au contact du public, qui accueillent et prennent les plaintes en commissariat", a promis Gérald Darmanin, mi-mai.

Le ministre a également annoncé qu'"un référent dédié aux LGBTphobies sera disponible dans chaque commissariat de police et brigade de gendarmerie". En région parisienne, la préfecture de police de Paris s'est déjà doté depuis 2020 d'un officier de liaison LGBT+ pour faciliter les dépôts de plainte.

Une "sensibilisation" plutôt qu'une "formation"

Des annonces évidemment bien accueillies par les associations, mais qui les jugent encore insuffisantes: "Ça va dans le bon sens, on ne peut pas dire le contraire, mais ça ne règlera pas tout", selon Anaïs, qui estime que le temps alloué aux formations reste beaucoup trop court. "C'est plus d'une sensibilisation", regrette-t-elle.

"Il faut beaucoup plus. On ne parle pas du comptoir d'accueil d'une entreprise, on parle de policiers et de gendarmes qui prennent des plaintes, qui accueillent des victimes. Ce n'est pas le même enjeu", considère la co-présidente d'Outrans.

Si Johan Cavirot estime que le travail fait a été bénéfique, il reconnaît volontiers que le chemin est encore long. "Globalement, les policiers se sont améliorés ces dernières années sur l'accueil des personnes transgenres, mais il y a 250.000 policiers et gendarmes sur tout le territoire, ce serait utopique de croire qu'ils sont tous formés", ajoute-t-il.

En revanche, pour le président de Flag, rare sont ceux qui "refusent volontairement d'appliquer ces recommandations". Pour lui "chez les forces de l'ordre, comme dans la société, il y a une vraie méconnaissance de ce qu'est la transidentité, ça conduit à des maladresses".

Article original publié sur BFMTV.com

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