Mes carnets australiens (III) - Murray, l’adieu aux larmes

Le champion britannique, qui souffre à crever de sa hanche, a peut-être disputé son dernier match ce lundi soir à Melbourne Park. Il fallait être de bois pour ne pas avoir les yeux embués. Quel champion, putain !

<em> (AP Photo/Andy Brownbill)</em>
(AP Photo/Andy Brownbill)

Alors oui, pour ce troisième carnet australien, je vous propose de nouveau quelques lignes sur Andy Murray. Il ne peut en être autrement tant le Britannique, à son corps défendant, est le héros, triste et magnifique, de ce début d’Open d’Australie. Ce lundi soir, dans une Melbourne Arena bourrée jusqu’au toit et enamourée pour l’Ecossais, on a assisté à une soirée dont chaque témoin se souviendra toute sa vie.

Murray, qui avait annoncé sa retraite prochaine en raison des douleurs à la hanche qui lui pourrissent sa carrière et plus simplement son quotidien, jouait peut-être l’ultime match de sa carrière face à Roberto Bautista Agut. La dramaturgie était donc à son comble d’autant que l’on savait et que l’on voyait bien combien l’ex-numéro un mondial souffrait le martyr. Et face à un joueur du calibre de l’Espagnol, 22e mondial, récent vainqueur à Doha en battant Novak Djokovic en finale, ce Murray handicapé avait du mal à soutenir la comparaison.

Mais le double vainqueur de Wimbledon n’est pas du genre à rendre les armes. Il a montré tout au long de sa carrière combien son mental et son coeur gros comme ça, son « braveheart », lui avaient permis d’exister -et comment !- tout en étant le contemporain de Roger Federer, Rafael Nadal et Novak Djokovic. Sans que l’on sache trop comment, mais porté par l’envie d’apposer le point final le plus tard possible, soutenu par ce merveilleux public australien qui l’avait vu disputer cinq finales ici-même, Murray a littéralement carotté le tie break de la troisième manche face à un Bautista Agut un brin déboussolé par cette ambiance de corrida.

Il fallait voir le Britannique revenir alors s’assoir sur son banc puis continuer d’haranguer la foule. A ce moment-là, j’ai cru revoir les derniers grands combats de Jimmy Connors -Ah le match contre Michael Chang à Roland en 1991 !- ou les dernières heures sur un court d’Andre Agassi à l’US Open lorsque ces deux autres champions hors normes, ont tout donné, allant au bout du bout, au-delà de la douleur, dans un geste sacrificiel pour ce public qui les avait tant aimés.

Il y avait de ça lorsque Murray, chapardant un deuxième jeu décisif est revenu à deux manches partout dans un brouhaha indescriptible à tel point que les dizaines de mouettes qui viennent souvent stationner sur le toit de la Melbourne Arena se sont envolées dans un même élan. Et tout le monde ici, l’espace d’un instant, s’est mis à croire à l’exploit lorsque le Britannique a mené 1-0 et 0-30 sur l’engagement de son adversaire. C’était en fait les derniers feux. Mais peu importe.

Une bonne heure plus tard, boitant bas alors qu’il arrivait face à la presse, Murray avait évidemment le visage fermé mais il a très vite expliqué combien, si ça devait être son dernier match, il était fier de sa sortie. Car le double champion olympique en est là. Il ne sait pas de quoi demain sera fait et s’il va réussir son pari de pousser encore sa vie de joueur de tennis afin de fouler -au moins une dernière fois- le court qui l’a fait roi : le central de Wimbledon.

La semaine prochaine, il se décidera -ou non- quant à une deuxième opération de la hanche. « Mais c’est sans garantie m’explique-t-on. Je ne sais pas si je pourrai m’en remettre parfaitement et rejouer. Mon objectif premier est de pouvoir mener une vie normale, ne pas avoir mal lorsque je sors mon chien ou si je joue au foot avec des copains ».

Pour tout dire, Murray semblait un peu perdu, mais dans le même temps, lucide. Il n’est pas prêt à pousser plus loin la machine et le payer toute sa vie même si son envie d’être célébré par les siens en juillet prochain demeure forcément très forte. D’une certaine manière c’est presque déjà fait. Comme l’a annoncé à la BBC, Richard Lewis, le directeur général de Wimbledon, Murray, l’homme qui a redonné sa dignité au tennis britannique, aura bientôt sa statue au All England Club. Mille fois mérité, isn’t it ?

A Melbourne Park, Christophe Thoreau