Mes carnets australiens (V) - Federer et la carte jeune

Le Suisse, 37 ans, affrontera le Grec Stefanos Tsitsipas pour une place en quarts de finale du premier Grand Chelem de l’année. Un duel symbolique sous forme de passage de témoin entre deux générations ?

<em> (AP Photo/Kin Cheung)</em>
(AP Photo/Kin Cheung)

Les vingt premières années 2000 resteront dans l’histoire du tennis comme une parenthèse presque irréelle où trois joueurs, Roger Federer, Rafael Nadal et Novak Djokovic auront verrouillé les palmarès de tous les rendez-vous majeurs du circuit. Un joug qui leur a permis de remporter 51 titres du Grand Chelem à eux trois, ne laissant que des miettes au reste des troupes.

Dans ces conditions, le renouvellement des générations, l’émergence réelle de talents au plus haut niveau ne se sont pas effectués de façon naturelle. Quand je dis émergence, c’est assister à la victoire en Grand Chelem d’un joueur de moins de 23 ans.

L’omnipotence de notre trio magique à même réussi à inquiéter l’ATP, certes ravie de pouvoir faire exister le tennis sur la carte du sport avec de telles icônes, mais qui doit penser aux lendemains. D’où l’idée de « marketer » ces jeunes pousses sous le concept de « Next Gen » (la prochaine génération) histoire d’aider les fans de tennis à découvrir les futurs grands de demain et de les faire patienter. Et franchement, c’est une réussite.

L’Open d’Australie 2019 peut-il être une vraie bascule ? La question est plus que jamais prégnante : pour la première fois depuis 2004 ici, une éternité en tennis, 10 joueurs de moins de 23 ans se sont hissés au troisième tour. Ce n’est que le troisième tour, me direz-vous, mais 10 sur 32, ce n’est pas neutre, d’autant que la moitié d’entre eux ont une bonne chance de poursuivre leur parcours comme l’a déjà fait Frances Tiafoe par exemple.

Après, ce vendredi soir à Melbourne le Rafael Nadal – Alex de Minaur, l’autre grand match symbole dans ce tournoi de cet éventuel basculement de génération aura lieu ce dimanche entre Roger Federer, qui a disputé ce vendredi son 100e match à l’Open d’Australie, et Stefanos Tsitsipas, 20 ans, 15e mondial. Dix sept ans séparent donc les deux joueurs. Le Suisse, toujours avide de défis, adore rencontrer des adversaires qui pourraient presque être ses enfants s’il avait été un très jeune père.

Écoutons-le : « Moi j’aime bien parce que c’est un nouveau challenge. En revanche, je suis content de ne pas avoir joué Fritz (qu’il a dominé ce vendredi, NDRL) ou Tsitsipas au premier ou deuxième tour, c’est mieux que ce soit au troisième ou quatrième tour. Comme ça, j’ai eu des adversaires que je connaissais dans les deux premiers tours, je préfère ça. Les jeunes, ils n’ont rien à perdre du tout, il vont frapper sur tout et je ne connais pas encore leur tactique, ce qu’ils aiment faire le plus. Eux-même ne le savent pas encore d’ailleurs, car ils sont toujours en train d’apprendre leur jeu. Affronter Tsitsipas, ça me réjouit beaucoup car on a eu un match sympa à la Hopman Cup et il a l’air d’être en forme. Et je pense aussi que ça le réjouit de jouer contre moi. »

Réponse de l’intéressé : « C’est une légende et l’affronter dans une des plus belles enceintes de notre sport, la Rod Laver Arena, c’est formidable. Je suis très excité avant de jouer ce match. »

Qui ne le serait pas évidemment, mais on sent dans les propos du Grec combien l’aura du Suisse reste impressionnante et l’aide à avoir encore un temps d’avance sur les jeunes loups. Cela dit, échange-t-il beaucoup avec les p’tits nouveaux ? « En principe oui, mais Fritz et Tsisipas, ils sont plus calmes. Ils sont très timides et respectueux »

La Next Gen ne manque pas de joueurs de talent. Il leur faut toutefois arriver à ne plus considérer les Federer, Nadal ou Djokovic comme des dieux vivants mais des adversaires comme les autres, arriver à croire que, tennistiquement, ils ont les arguments pour déboulonner ces statues du commandeur, même dans les rendez-vous majeurs. Nombre d’entre eux ont déjà réussi à battre les trois magnifiques en Masters 1000 ou même au Masters. Ce n’est pas rien. La menace se rapproche…

A Melbourne Park, Christophe Thoreau