Mes carnets australiens (VI) - Barty, ils en sont fous !

En dominant Maria Sharapova lors d’un duel au final très tendu, Ashleigh Barty, 22 ans, a rallié les quarts de finale. Une première pour elle en Grand Chelem. Et du jamais vu ici depuis dix ans pour une Australienne. Portait d’une originale.

<em> (EFE/EPA/JULIAN SMITH AUSTRALIA AND NEW ZEALAND OUT)</em>
(EFE/EPA/JULIAN SMITH AUSTRALIA AND NEW ZEALAND OUT)

Il est toujours amusant, lorsque vous vous trouvez en terre étrangère, de voir le pays en question s’enflammer pour ses champions. C’est spécialement le cas cette année en Australie avec l’accession aux quarts de finale d’Ashleigh Barty. Pensez donc, voilà dix ans et Jelena Dokic que le tennis australien n’avait pas placé l’une de ses représentantes en quarts de finale, une éternité pour ce pays où la passion du sport est totale. « C’est excitant, lâche-t-elle avec son accent typique, un débit mitraillette et un petit signe de la tête une fois sa phrase terminée. C’est pour vivre des moments comme ça que l’on travaille dur. »

Et comme en simple messieurs, côté australien, c’est le calme plat malgré quelques belles victoires dans les premiers tours, toute l’attention est reportée sur ce petit bout de femme de 1m66, native de Ipswich (Queensland), à 50km à l’Ouest de Brisbane.

A tel point que ce dimanche, le Premier ministre australien Scott Morrison était présent dans les tribunes de la Rod Laver Arena avant d’aller féliciter la gagnante en coulisses, une séquence filmée -il y a des caméras partout ici depuis plusieurs années- qui a commencé à faire le tour des réseaux sociaux, à l’image de celle, ce samedi, du vigile demandant son badge à Roger Federer.

Barty, donc. Difficile de passer à côté, si on aime le tennis. L’Australienne dispose d’un service très efficace, d’un coup droit très propre, et d’un slice de revers d’école, un coup devenu une rareté sur le circuit féminin. Et au filet, Barty n’est pas Australienne pour rien. Des qualités qui lui ont notamment permis de d’abord briller en double (elle a remporté neuf titres dont l’US Open l’an passé ) avant de s’affirmer plus encore en simple, comme elle le fait en ce moment.

Désormais 15e mondiale, après un succès dans le Masters bis en fin d’année passée et une finale à Sydney il y a une semaine, battue par Petra Kvitova qui sera sa prochaine adversaire ici, Barty est en train de tranquillement s’approcher du top ten. Surtout si l’aventure se poursuit ici.

Mais le plus intéressant, la concernant, est son parcours. Et notamment ces dix-huit mois d’arrêt après l’US Open 2014. Il est rarissime qu’un joueur ou une joueuse stoppe ainsi sa progression pour aller s’aérer. Il faut dire que Barty n’avait pas tardé à s’affirmer, remportant Wimbledon juniors, à 15 ans seulement, en 2011.

Mais Ashleigh a du mal à voyager loin de chez elle, du mal à fendre l’armure pour aller vers les autres et se faire des amis. Les prémices de sa vie de pro lui pèsent et la dépression pointe. Malheureuse, elle pose donc les raquettes, rentre à la maison, et rejoint le Brisbane Heat, une équipe de cricket, sport pour lequel elle est également très douée, avec le golf.

Elle évolue ainsi à un niveau semi-pro avant que le tennis ne lui manque, au bout d’un an et demi donc. Elle se sent alors prête à de nouveau parcourir le monde et à affronter le circuit. « J’avais vraiment besoin de ce temps pour moi. J’ai le sentiment que je suis revenue en étant devenue une meilleure personne, sur comme en dehors du court, et une meilleure joueuse. Ces 18 mois off, c’était vital, » raconte-t-elle.

Barty, malgré son jeune âge, est aussi une jeune femme engagée. Et dans un domaine très sensible ici en Australie : les Aborigènes. Son père, fonctionnaire, est lui même aborigène, de la communauté des Ngarigo et Ash, son surnom, est devenue l’ambassadrice de Tennis Australia afin de découvrir de jeunes talents parmi le peuple aborigène. Quand on l’interroge sur le sujet, elle n’en fait pas des tonnes. « J’essaie simplement de monter le bon exemple et d’être un modèle par mes actions » ajoute-t-elle. On peut devenir une icône et rester simple.

A Melbourne Park, Christophe Thoreau