Mes carnets australiens (X) - Djokovic, génie sans bouillir

Calme, serein, sûr de ses forces, le Serbe a montré qu’il était, et de loin, l’incontestable patron du tennis mondial. Nadal, sa victime en finale de l’Open d’Australie, l’a reconnu sans problème mais demande aussi du temps…

On s’attendait évidemment à tout sauf à ça. Novak Djokovic n’a pas dominé la finale de l’Open d’Australie, il l’a survolée. Rafael Nadal a-t-il mal joué ? Oui, si on s’en réfère à ses 28 fautes directes mais en était-il le responsable, tant la balle proposée par le Serbe était un poison : rapide, longue (c’en est parfois irréel d’être aussi constant dans la longueur en faisant si peu de fautes, neuf !) et quasi systématiquement dirigée dans les zones qui faisaient mal à Nadal. Du bord du terrain, je peux vous dire que c’était impressionnant. L’Espagnol, pris par le temps, n’a jamais pu retrouver de bons appuis pour reprendre la main et diriger les échanges comme il aime tant le faire.

« Quand il joue comme ça, j’ai besoin d’autre chose, a expliqué Nadal. Et ce quelque chose en plus, je ne l’ai pas trouvé, a-t-il ajouté. Face à un joueur de ce niveau, il aurait fallu que je sois meilleur en défense, et ça, je ne l’ai pas encore après m’être arrêté cinq mois. J’ai besoin de temps et de plus de matches. Durant six matches dans ce tournoi, j’ai pu attaquer, mais là, il aurait fallu que je défende, que je le fasse jouer un coup de plus, C’était impossible. »

Djokovic, comme on l’avait déjà vu en demi-finales contre Lucas Pouille (qui n’a pas tant démérité finalement), s’affirme comme l’un des plus grands géomètres de l’histoire de ce sport. Regarder jouer Djokovic est une leçon sur le souci constant qu’il apporte à placer la balle, à ne presque jamais jouer un coup neutre. Plus fort, sa maîtrise est telle qu’il ne rate que très rarement alors qu’il joue en permanence avec les lignes. Il est même assez improbable de le voir s’étonner de manquer un coup alors qu’il vient d’enchainer quatre frappes supersoniques de suite à trente ou quarante centimètres de la ligne de fond. Disons-le, il y a parfois du génie chez ce garçon.

« Je la classe au sommet, a-t-il répondu alors qu’on lui demandait d’évaluer son niveau dans cette finale. Si on considère que je jouais contre Nadal, dans un match aussi important, oui, effectivement, c’est incroyable. Évidemment, quand on voit que coup sur coup, en demi-finale puis en finale, je crois que je n’ai commis que 15 fautes directes, je peux dire que je me suis agréablement surpris, même si j’ai toujours cru que je pouvais jouer de cette manière (…) A ce niveau, comme je l’ai déjà dit, et dans de telles circonstances, ça a vraiment été un match parfait. » Tout est dit ou presque.

Comme avant lui Rafael Nadal et Roger Federer, qu’il continue de suivre à la trace, Novak Djokovic a donc réussi l’épisode renaissance. Il y a presque un an jour pour jour, il se faisait opérer du coude. Douze mois plus tard, le voilà tenant du titre à Wimbledon, l’US Open et donc à l’Open d’Australie, où il trône désormais seul au sommet du palmarès avec sept trophées Norman Brookes. Et le voilà aussi avec 15 titres du Grand Chelem (soit désormais une unité de plus que son idole Pete Sampras), sur les talons de Nadal (17) tout en se rapprochant aussi, évidemment, de Roger Federer (20).

Sur le podium, Djokovic a parlé de résilience. Ce processus psychologique lui a tellement réussi que le Serbe n’a sans doute jamais aussi bien joué au tennis. A 31 ans, il est un numéro un mondial incontestable. Ses défaites en fin d’année passée, ou à Doha début janvier, n’étaient que des leurres. Nole se connait suffisamment bien pour savoir appuyer sur l’accélérateur à bon escient. S’il perd quelques matches de-ci de-là, que ses supporters se rassurent, ça ne sera pas grave. A Roland-Garros, il sera forcément au rendez-vous pour tenter d’aller chercher un deuxième Grand Chelem sur deux ans. « Chez » qui vous savez. Ça promet…

A Melbourne Park, Christophe Thoreau