Milner, moteur éclectique

Longtemps cantonné au rôle d’homme à tout (bien) faire, Milner a changé de dimension cette saison chez les Reds. Après plus d’une décennie passée à changer de costume, le numéro 7 de Liverpool porte enfin celui qui lui va le mieux : celui de shérif de l’entrejeu. Focus sur un couteau suisse qui fait régner l’ordre dans la terre du milieu.

Certains joueurs brillent par leur capacité à habiter pleinement un poste dont ils connaissent toutes les arcanes. D’autres, plus rares, possèdent la faculté d’assurer partout. James Milner appartient clairement à la deuxième catégorie. Depuis ses débuts fracassants avec Leeds en 2002 – il resta longtemps, à 16 ans et 309 jours, les plus jeunes buteurs de l’histoire de la Premier League -, le natif de Worthley a d’ailleurs largement éprouvé sa polyvalence.

À Aston Villa tout d’abord, où Martin O’Neill l’a fait jouer latéral droit, avant de songer à lui donner les clés de l’axe de la défense des Villans. A Manchester City surtout, où Manuel Pellegrini a usé et abusé de son talent protéiforme. Arrière droit, relayeur, ailier, et même avant-centre lors d’un match de FA Cup disputé en janvier 2015 face à Sheffield Wednesday : le gentil James a traîné sa carcasse d’un bout à l’autre du terrain, au gré des besoins, sous les ordres de “l’Ingénieur”.

La faute à un altruisme qui lui a toujours fait privilégier le collectif au détriment de ses ambitions personnelles. La faute, aussi, à une collection d’aptitudes rarement réunies dans une seule paire de crampon. Aussi endurant que rapide – il fut deux fois champion du 100 mètre en scolaire, et triple champion de cross en jeunes -, Milner possède par ailleurs une technique très sûre qu’illustre son aisance à jouer des deux pieds. Ajoutez à cela de vraies qualités défensives, et un sens du sacrifice à faire passer Hiroki Sakai pour un égoïste impénitent, et vous obtenez le portrait-robot du parfait coéquipier. Le genre de travailleur de l’ombre dont on remarque rarement la présence mais dont l’absence est systématiquement préjudiciable.

Arrivé sur les bords de la Mersey en 2016, Jürgen Klopp n’a pas hésité à tester les compétences de la dépanneuse maison. Alors qu’il avait rejoint les Reds en 2015 contre la promesse d’occuper enfin une place de relayeur, Milner a donc dû reculer d’un cran lorsque Brendan Rodgers a cédé sa place au technicien allemand. Résultat : une saison entière passée à protéger le couloir gauche de la maison rouge. Sans broncher.

Meilleur passeur de C1

L’arrivée d’Andrew Robertson cet été, en provenance de Hull City, a heureusement mis fin à l’intérim du vétéran de Liverpool au poste de latéral gauche. Délesté de ses responsabilités défensives, l’ex-couteau suisse de City a néanmoins dû se battre pour obtenir sa place dans l’entrejeu des Reds. Barré par la concurrence de Wijnaldum, Can, Lallana et Henderson, Milner a assidûment fréquenté la guérite avant de s’installer aux commandes du milieu de terrain liverpuldien. Une relégation qui a pris fin à la faveur d’un mois d’octobre XXL, facturé 3 passes décisives en 4 matchs. Depuis, le n°7 a enchaîné les titularisations, s’attirant les louanges d’un Jürgen Klopp admiratif devant la rigueur et de l’intelligence de jeu du trentenaire. “James est un des joueurs les plus professionnels et les plus complets avec lesquels j’ai travaillé. Il est parfait.“, a ainsi fait valoir l’ex-entraîneur de Dortmund lors d’une conférence de presse donnée en avril dernier.

De quoi donner des ailes à l’ancien international anglais (61 sélections avec les Three Lions), dont l’influence n’a cessé de croître au fil des mois. Non content d’assurer la stabilité du bloc rouge, et de fluidifier le jeu des siens à grands coups de passes laser, Milner s’est en outre payé le luxe de distribuer les caviars sur la scène européenne. Au point de devenir, avec 8 assists au compteur, le meilleur passeur de la Ligue des Champions.

Étincelant face à Porto, solide et généreux contre City, excellent contre la Roma – en dépit de son csc au retour -, l’ex-enfant prodige de Leeds est l’un des grands artisans du beau parcours des Reds dans la compétition. Un parcours qui s’achèvera en apothéose samedi soir à Kiev, à l’occasion d’un match qui constitue sans doute le rendez-vous le plus important de sa carrière. Le genre de rencontre où il est de bon ton de briller. Même quand on est un homme de l’ombre.