MMA: Atch-Parnasse, la relation "père-fils" derrière le crack français

On les voit ensemble à l’entraînement, en combat, sur des photos de vacances ou côte à côte au mariage d’un ami commun. Quand on regarde le film RMC Sport Parnasse, l’héritier, consacré à la pépite du MMA français Salahdine Parnasse avant son combat contre Marian Ziolkowski ce samedi soir en Pologne pour devenir double champion incontesté du KSW, on comprend vite la force de la relation qui unit le combattant français et son mentor Stéphane "Atch" Chaufourier. Une histoire qui remonte à loin.

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Parnasse est à peine âgé de onze ans quand il pousse les portes de l’antenne historique de la Atch Academy, du nom de son fondateur, dans sa ville d’Aubervilliers. Ce fils d’un père guadeloupéen fan d’arts martiaux et d’une mère marocain, dont les parents viennent alors de se séparer, s’est essayé au foot avec son grand frère, sans accrocher. Il est aussi un poil bagarreur. "Il a toujours été hyperactif, témoigne Samir, son aîné d’un an. A l’école, il se bagarrait beaucoup. On s’amusait aussi à faire du catch. Et dès qu’un faisait mal à l’autre, ça partait en cacahuètes. Notre mère n’en pouvait plus."

L’intéressé confirme ce côté combattant dès la jeunesse: "Je me bagarrais au terrain de foot. Je faisais des corps-à-corps avec les amis pour voir qui était le plus fort. Et je n’aimais pas perdre. Dès que je perdais, je pleurais et je rentrais chez moi en culpabilisant. Je me demandais comment il avait fait pour me battre. Je me disais que ce n’était pas possible, que c’était un humain comme moi. Je m’entraînais et j’essayais de ne pas lâcher l’affaire jusqu’à ce que je le batte." La conclusion tombe comme une évidence dans la voix de Salahdine: "J’étais un petit avec beaucoup d’énergie donc il fallait que je fasse quelque chose pour canaliser tout ça".

Cela passera par le MMA. Le gamin doit d’abord convaincre maman. "Tous les jours, il me demandait si je pouvais l’inscrire, se souvient Chabia Miftah, sa mère. J’ai fini par lui dire d’accord. Et depuis, il ne fait que ça." OK pour le MMA. Mais il faut le faire sérieusement. Ça tombe bien, Parnasse est motivé. "Je voulais faire plusieurs disciplines en même temps et j’ai choisi le MMA pour ça. J’aime tout dans ce sport. C’est du plaisir et une passion." Il est surtout habité d’un truc en plus. Le jeune Salahdine n’a pas forcément le physique de l’emploi. Mais quelque chose brille dans son œil.

Atch, pionnier de l’organisation d’événements dans la discipline en France (en pancrace avant la légalisation de la disicpline), le voit tout de suite. "C’était un petit gros mais qui était très rapide et qui savait ce qu’il voulait. Il était déterminé à être le meilleur dès son plus jeune âge." A la Atch Academy, aujourd’hui plus gros club de France en nombre d’adhérents avec près de 2500 membres répartis dans les différentes structures en Seine-Saint-Denis, Parnasse va trouver "une deuxième maison" (c’est lui qui le dit). Un exutoire, aussi. "Il avait besoin de se défouler et le MMA lui apportait ça, appuie Atch. Ça se voyait à l’entraînement."

L’adolescent doit gérer ses études, un CAP et un baccalauréat professionnel de technicien en installation des systèmes énergétiques et climatiques. Mais sa tête est surtout à la salle. "Il était là tous les jours", raconte son coach. Après avoir vu sa mère multiplier les boulots pour subvenir aux besoins de ses quatre enfants, Parnasse n’est pas du genre à ne pas travailler. Atch va être là pour mener ce bourreau de travail – "A ce niveau-là, c’est une drogue", en sourit son coéquipier Fabacary Diatta, aujourd’hui combattant au Bellator, rencontré à quatorze ans – sur la voie du chemin sportif. Mais la relation va vite dépasser ce simple cadre.

"Salah a trouvé une deuxième famille ici, confirme son coach. On part en vacances ensemble, je connais sa famille. Avec lui, c’est une très grande histoire. Commencer aussi jeune n’était pas commun à l’époque, contrairement à aujourd’hui. Mais des jeunes comme lui, on n’en a qu’un." Et de compléter: "J'ai mon fils, Enzo, et c’est mon deuxième fils. Ça fait treize-quatorze ans qu’on est ensemble. On se voit tous les jours. Bien sûr que je le considère comme le fiston." Parnasse, qui a déjà demandé les clés de la salle à Atch (avec Diatta) pour s’entraîner le plus possible et même dormir dedans, évoque aussi un "deuxième père" quand il parle de son mentor. "Il a ce côté protecteur avec moi, comme un père et un fils."

Dans sa bouche, le mot est fort de symbole. Proche de son père, qu’il évoque en disant qu’il était "toute (s)a vie", Parnasse le perd lorsqu’il a seulement dix-huit ans. Atch est à ses côtés pour servir de béquille dans la tristesse. "Salahdine a perdu son papa très jeune et Atch a aussi été un soutien pour lui de ce côté-là, témoigne Anissa Parnasse, la femme du combattant. Il l’accompagne, il le conseille, il le soutient. C’est un pilier pour Salahdine." "Atch, c’est la famille, appuie Samir, le frère. Il a toujours été là pour nous, il nous a donné de la force."

Ensemble, ils comptent atteindre les sommets du MMA mondial. Main dans la main. Avec presque un petit favoritisme logique vu leur relation. "Atch fait tout ce qu'il peut pour que Salah soit bien dans ce qu'il fait et dans sa vie, pointe Boris Jonstomp, coach de MMA à la Atch Adcademy. Si je dois tenir les pattes à Salah alors que l'heure est dépassée, il n'y a aucune chance qu'il dise quelque chose. Mais si je dois tenir les pattes à quelqu'un d'autre alors que l’heure est dépassée, à la douche. On ferme. Il va rigoler en voyant ça mais Salah, c’est son bébé."

Beaucoup réclament Parnasse à l’UFC pour se tester contre les meilleurs? Coach et manager, Atch est là pour freiner les ardeurs. Pour rappeler combien le duo avance en accord dans un projet qui les place pour l’instant au KSW, où ils sont "très bien traités, sportivement comme financièrement" dixit Atch, avant de rêver plus haut une fois que l’avenir financier du combattant et de ses proches sera assuré. "Il a largement le niveau pour aller à l’UFC. Mais je ne veux pas brûler les étapes. (…) Mettez-vous juste à ma place. J’ai un petit que j’ai vu grandir, qui sort des quartiers, je connais sa famille, son environnement… Je n’ai pas envie de précipiter les choses."

"C’est une gestion prudente et réfléchie, appuie Jonstomp. Atch a un air bourru mais il est très intelligent et il le protège, il protège sa carrière. Et il le fait bien." Dans un sport où une grave blessure peut hypothéquer votre avenir, et où on ne prend pas des coups pour le plaisir mais pour gagner sa vie, Atch ne veut pas lancer son poulain à l’UFC juste pour faire taire les critiques. Le parcours a du sens. Atch souhaite "montrer à la planète que Salahdine est la pépite mondiale" du MMA. Mais il veut surtout l’aider à atteindre ses objectifs sans faire passer les siens devant. La lumière et tout ce qui va avec? Cela viendra quand il le faudra. "Qu’il ne soit pas sous les projecteurs, bien sûr que ça me fout un peu les boules…", reconnaît Atch avec un ton de voix qui dit tout de son attachement à son combattant.

Atch l’aime tellement qu’il n’hésite pas à sortir la carte d’un "Muhammad Ali version française" pour parler de lui. La comparaison semble trop osée osée, car il n’y aura qu’un seul Ali pour tout ce qu’il a représenté, mais elle symbolise là où il imagine voir finir son athlète. Tout en haut, parmi les légendes du sport de combat. "C’est juste un animal, résume Atch. Une denrée rare. Il sait tout faire. Il va vite, il sait lutter, il a un sol improbable, un striking de folie. Qu’est-ce que tu veux de plus?" Il utilise aussi l'expression "machine de guerre" pour le décrire. Mais il peut s’empêcher de revoir le gamin de onze ans quand il pense à lui. "Cet enfant est exceptionnel. Car pour moi, il reste un enfant…" Salahdine Parnasse a bien grandi depuis. Le combattant comme l’homme. Et Atch en est en grande partie responsable.

Article original publié sur RMC Sport