"Je ne pensais pas que vous me retrouveriez": de la prison ferme pour le cyberharceleur de la chanteuse Hoshi

Ni la victime Hoshi, ni le prévenu Maël H. ne sont présents ce vendredi devant le tribunal correctionnel de Paris. Une situation qui illustre parfaitement le ressenti de chacun. D'un côté, une victime qui n'a "pas la force" de faire face à son harceleur et un harceleur qui reconnaît avoir envoyé des messages mais qui n'en mesure pas les conséquences. "Je suis passé à autre chose", lançait-il aux policiers qui l'ont interrogé en garde à vue.

Le tribunal correctionnel de Paris a condamné ce vendredi Maël H. à huit mois de prison dont deux mois ferme. Une peine au-delà des réquisitions - six mois avec sursis - mais aussi avec le prononcé de l'exécution provisoire, à savoir aucune suspension de peine si le jeune homme fait appel. Pour exemple, les onze personnes condamnées pour avoir cyberharcelé Eddy de Pretto avaient écopé de peines avec sursis.

"C'est un petit signal à tous les harceleurs, prévient le président du tribunal. Même caché derrière leur écran, le ministère public veille."

"Pas pensé à mal"

En mars 2020, la chanteuse Hoshi a déposé plainte pour "harcèlement moral et sexuel en meute", "menaces de mort et de viols", "injures aggravées" et "provocation à la haine". Des milliers de messages haineux, des insultes à caractère homophobe, des menaces de mort reçus sur les réseaux sociaux à la suite de sa prestation aux Victoires de la Musique. Sur scène, elle avait embrassé l'une de ses danseuses après avoir interprété son titre Amour censure dont les paroles dénonçent l'homophobie.

L'enquête de police avait permis de relever huit comptes à l'origine de ces messages. Six personnes avaient été identifiées, parmi elles, un seul majeur, Maël H. Entendu à deux reprises par les enquêteurs, en 2022 après son interpellation, cet homme, 18 ans au moment des faits, avait d'abord nié avoir envoyé des messages, puis avait expliqué "ne pas être bien à cette période" assurant "ne pas avoir pensé à mal".

"Tout ça pour un acte qui aurait dû être un acte d’une banalité affligeante mais qui ne l’est malheureusement pas dans notre pays", dénonce la procureure.

Harcèlement en meute

Maël H. a "ordonné la méthode", relève la représentante du parquet. "Je t’avais prévenu, à tous les kheys (ami, NDLR), créez des adresses jetables", a-t-il écrit sur le forum 18-25 de jeuxvideo.com appelant d'autres internautes à se lancer dans le cyberharcèlement de la chanteuse.

"Trois ans de vie brisés pour uniquement une bande de jeunes qui s’est amusée plusieurs soirs à l’injurier, à l’insulter, à la harceler", déplore la procureure.

"On va te saigner grosse truie", avait menacé le jeune homme. "Tu auras beau me signaler je reviendrai la gouine", "Goudou Hoshi", avait envoyé le jeune homme à la chanteuse qui bloquait à chaque message les comptes Instagram qu'il utilisait. A ses messages, "une image d'Hitler avec une chocolatine" était jointe, en référence, selon l'enquête, à son action pour exterminer les homosexuels. La chocolatine servant à remplacer, dans une communauté de harceleurs, un objet, comme une arme, afin de ne pas être poursuivi pour menaces de mort.

"Saigner" quelqu'un? "Je ne vois pas en quoi c'est menaçant", avait répondu Maël H en garde à vue. Comparer quelqu'un à un animal? "Ca ne me choque pas...". Traiter Hoshi, qu'il connaissait à peine en tant qu'artiste, de "gouine" ou de "goudou"? "Vous m’avez bien dit qu’elle était lesbienne, ce n’est pas de la diffamation", s'était-il expliqué. "Lui dire qu’elle est lesbienne ou gouine, c’est la même chose. Godou, c’est un dérivé. C’est un constat, il n’y a pas de diffamation."

Et les menaces de mort? "Elle est toujours en vie à ce que je sache donc il n’y a rien de grave."

"Pour moi, les propos ne sont pas de la violence tant que ce sont des mots", avait enfin assuré face aux enquêteurs Maël H.

"Je ne pensais pas que vous me retrouveriez"

Le jeune homme, assurant être atteint du syndrome d'Asperger - ce qui n'a pu être établi, Maël H. s'étant soustrait aux expertises dans le cadre de la procédure - dit avoir prononcé ces "paroles en l'air" dans une période difficile de sa vie, alors que ses parents venaient de se séparer.

Des "messages peu cordiaux", comme il les qualifiera, prononcé derrière son écran. "Je ne pensais pas que vous me retrouveriez", consent-il.

Dans une lettre lue par son avocate Me Laura Ben Kemoun, Hoshi a évoqué ses "trois dernières années" de sa vie, "brisées". La jeune femme a perdu dix kilos, a dû déménager à trois reprises, n'est plus "jamais sortie seule dans la rue", et doit se faire accompagner d'un garde du corps pour ses tournées.

"Si c’est Hoshi qui est visée par ces attaques, c’est Mathilde (du vrai nom de la chanteuse, NDLR) qui se retrouve à terre et prend les coups", dénonce son avocate.

La jeune chanteuse, aujourd'hui âgée de 26 ans, avait dénoncé ces derniers mois la réponse pénale apportée au cyberharcèlement. "J'aimerais cette fois-ci pouvoir me raccrocher à la justice de mon pays qui ne doit plus fermer les yeux sur la gravité de tels actes", a-t-elle écrit.

Avec cette peine de prison ferme, Maël H. va avoir "d’autres occasions de s’expliquer avec la justice vu qu’il n’a pas jugé nécessaire de venir aujourd’hui", a insisté le président du tribunal. Dans les prochaines semaines, il sera convoqué par le juge d'application des peines, pour l'aménagement de sa peine, et par le SPIP, le service pénitentiaire d'insertion et de probation.

Une obligation de soins, de travailler "pour l’obliger à sortir de derrière son ordinateur", a prévenu le magistrat, et une interdiction d’entrer en contact avec Hoshi, par quelque moyen que ce soit, ont aussi été prononcées. Il devra également verser 5000 euros au titre du préjudice moral causé.

Article original publié sur BFMTV.com