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Neymar, l’enfant roi mérite un Parc des Princes à sa hauteur

Auteur d’un match stratosphérique contre Dijon (8-0), Neymar a finalement quitté la pelouse de son jardin par la petite porte, vexé des sifflets. Et s’il avait raison ?

Qu’il est facile, pour tous les observateurs, de condamner le vilain Neymar, que l’on taxe bien souvent d’égoïsme, que l’on se plait à opposer à l’altruisme d’un Cavani et qui ne manquera jamais une occasion de faire parler de lui. Oh oui, qu’il est facile aussi, de siffler un joueur qui prend simplement ses responsabilités, qui assume le statut qu’on lui a offert, et saisit le privilège qu’on lui a donné.

Neymar a tiré le penalty final, ce mercredi soir. Le bouquet final d’un récital hors norme mené à la baguette par un Neymar inatteignable, et qui avait bien mérité de fermer les débats. A priori, rien de grave, quand on sait qu’il a été désigné par Unai Emery comme le tireur attitré dans l’exercice.

Mais la scène a visiblement agacé plus d’un consultant, plus d’un « supporter », puisqu’une grande partie a condamné à l’unisson le « manque de classe » du Brésilien, qui aurait pu, aurait dû, laisser ce ballon à son coéquipier Edinson Cavani. Pourquoi ? Parce que ce dernier, en marquant ce penalty, serait devenu le meilleur buteur de l’histoire du Paris Saint-Germain ce soir-là. Ah oui, d’accord, donc certains ont si peu confiance en l’Uruguayen pour estimer qu’il avait besoin d’un penalty pour marquer ? Certains trouvent légitime de condamner la soif de but de Neymar pour encenser celle de Cavani ? Et certains ont tendance à oublier que quelques minutes auparavant, Neymar se tournait pour offrir au Matador un coup-franc qui aurait pu se montrer salvateur.

Neymar n’est ni plus ni moins qu’un joueur de football, un attaquant qui a viscéralement envie de trouver le fond des filets. De vibrer, de gagner, et de sentir son public se soulever au rythme que les buts défilent. Un joueur qui a envie de soigneusement peaufiner ses statistiques aussi, puisqu’un potentiel Ballon d’Or ne se suffit plus du talent. Cette fois, le public a sifflé. Et la critique est tombée.

Incompréhensible. Oui, Cavani est irréprochable, et mérite de tirer mais Cavani le mérite durant tous les matches, partons de ce principe. Mais Neymar, après un match hors du commun, dénoué de tout égoïsme, a-t-il mérité ce traitement ? Auteur de 4 buts et de deux passes décisives, l’international auriverde arrivera rarement à faire mieux, à produire autant, à donner autant de bonheur footballistique sur un terrain. Il fera certainement moins bien, il tentera parfois de faire autant, mais toujours, toujours, il aura besoin de son public pour l’amener vers les cieux. Parce que c’est aussi ce qu’il est venu chercher ici, dans la capitale française : le statut de roi qu’il n’avait pas trouvé ailleurs.
Non, il n’est pas question de faire passer un joueur au-dessus de l’institution, mais qu’il est facile de s’en prendre au joueur pour la déstabiliser. Neymar a choisi Paris, son écusson, son Parc et ses ambitions. Ceux qui ont connu l’écurie francilienne à ses plus sombres heures ont-ils seulement conscience du génie qui évolue dans son jardin ? Sa décision de tirer était maladroite, sa communication en sera peut-être impactée, mais faut-il franchement le conspuer pour si peu ?

« Notre leader sur le terrain c’est Neymar (…) Je crois que l’équipe est meilleure avec lui. L’équipe a fait un grand effort pour avoir des joueurs importants comme lui », a d’ailleurs expliqué Unai Emery en conférence de presse.

Mais c’est finalement Thomas Meunier qui a eu les mots justes en zone mixte : « C’était un petit peu dommage parce que Ney effectuait pas mal de boulot aujourd’hui et les semaines précédentes pour le bien de l’équipe. Et il nous rapporte des points à chaque fois qu’il est sur le terrain. Je ne pense pas qu’on puisse lui en vouloir. Sur le papier, c’était Ney qui devait tirer le penalty. (…) Il a peut être été vexé. La plupart des joueurs aurait réagi pareil. Quand tu mets quatre buts et fais deux passes décisives, tout ce que tu apportes à l’équipe, te faire siffler pour un penalty ? Je trouve cela un peu ingrat de la part des supporters.Si tu hues Neymar parce qu’il ne donne pas la balle, tu ne l’applaudis pas quand il dribble trois joueurs et qu’il met une lucarne. C’est un peu ingrat. »

Le pire étant peut-être finalement qu’Edinson Cavani ne semblait pas du tout en tenir rigueur au n°10, et que certains trouvaient encore à redire au fait que ce dernier soit vexé après les sifflets. Neymar est un humain. Un gosse de 25 ans. Avec ses ambitions, ses joies, et parfois ses déceptions. Nul doute qu’après une telle performance, devant son public, il s’attendait à une belle sortie, et que c’était humain de le penser. Oui, même si ça écorche certains de l’admettre, être touché c’est surtout avoir un coeur.

Alors, si on essayait de célébrer les joueurs quand ils sont géniaux, plutôt qu’essayer de les diviser en prenant leurs égos en otage ?

“Siffler sur nos joueurs, c’est cracher sur nos couleurs”, pensait-on, à une époque, du côté du Parc des Princes. Et il serait temps de mettre les anciennes expressions au goût du jour.

Ambre Godillon