Nzonzi, pas là par hasard

En décembre dernier, il était à la cave. Cinq mois plus tard, à la faveur de performances solides, le milieu de terrain de Séville a décroché son ticket pour la Russie au finish. Focus sur un grand échalas qui a su attendre son heure.

Il y a les enfants gâtés du foot, les fines bouches qui se transforment en grandes gueules lorsque le réel ne se courbe pas sous le poids de leur volonté. Et puis il y a ceux qui ont sué des années durant dans l’ombre, et qui, à force de travail et de patience, voient leurs efforts justement récompensés. Inutile de préciser à quelle catégorie appartient Steven Nzonzi.

Lorsque Didier Deschamps a donné sa liste des 23 heureux élus conviés à la noce russe, certains ont été surpris par la présence du milieu de terrain du FC Séville. A commencer par lui-même : “J’étais très content et fier au moment de l’apprendre, confiait-il sur la chaîne L’Équipe, peu après l’annonce. Plein d’émotions sont venues, c’est beau. Je n’y pensais pas vraiment à l’équipe de France. Il y a beaucoup de très bons joueurs et je ne me suis pas dit que je méritais d’y être.” Modestie de circonstance ? Pas si sûr, au regard de l’humilité dont le natif de Colombes a constamment fait preuve lorsque le sujet bleu arrivait sur le tapis. “Je ne suis pas encore prêt pour l’équipe de France, déclarait-il ainsi en novembre 2016, lorsque son absence en sélection commençait à être perçue comme une anomalie par les observateurs de la Liga. Si j’étais prêt, je serais en équipe de France. A moi de travailler, d’être encore meilleur sur le terrain. Participer à un Mondial, c’est un rêve, un objectif. Mais avant d’y prétendre, il faut d’abord prouver en club.”

Faire ses preuves, travailler, progresser. Autant de poncifs d’ordinaire éculés qui, à la lumière de l’itinéraire de Nzonzi, prennent un tout autre relief. Car avant de nager en plein bonheur, “le Poulpe” a dû sortir les rames, digérer pas mal de déceptions – au premier rang desquelles son rejet du centre de formation du PSG -, et balayer le scepticisme qui a souvent escorté son arrivée dans ses clubs successifs.

Guérite et prestations majuscules

Comme à Blackburn, où son gabarit longiligne a d’abord suscité des interrogations quant à sa capacité à relever le défi physique anglais. Ou à Séville, où il lui a fallu convaincre Unai Emery de sa discipline et de son sens tactique. Des challenges qui, avec le recul, apparaissent comme autant d’étapes décisives dans la construction de son parcours, et qui ont largement contribué à étoffer sa palette.

Devenu l’indispensable régulateur du jeu sévillan sous les ordres de Jorge Sampaoli, le milieu de terrain des Palanganas a pourtant connu un sérieux coup d’arrêt à la fin de l’année dernière. En conflit ouvert avec son nouvel entraîneur, Eduardo Berizzo, Nzonzi a passé plusieurs semaines sous la guérite. Une mise à l’écart qui, à six mois de la Coupe du monde, aurait pu coûter très cher au Français si elle s’était prolongée. Le remplacement de l’entraîneur argentin par Vincenzo Montella en janvier dernier, après une série de quatre matchs sans victoire, a fort heureusement changé la donne.

Réinstallé aux commandes de l’entrejeu sevillista, le Poulpe n’a pas tardé à retrouver son influence. Résultat : 9 victoires pour le club andalou sur ses 11 premières titularisations en 2018. Une montée en puissance ponctuée de prestations majuscules – notamment contre Manchester United et le Bayern en C1 – à laquelle Didier Deschamps s’est manifestement montré sensible. Suffisamment en tout cas pour écarter Adrien Rabiot de la liste des 23, et installer Nzonzi comme doublure de N’Golo Kanté.

Un costume de sentinelle “box-to-box” dans lequel le n°15 de Séville se sent plutôt à l’aise, au regard de la performance qu’il a livrée lundi soir au Stade de France. Même s’il n’a pas vraiment eu à éprouver son sens de l’anticipation et sa qualité d’interception face à une pâle équipe d’Irlande, l’ex de Stoke City a baladé avec sérénité son double mètre devant la défense tricolore, alternant sobrement entre récupérations de balle et transmissions prudentes. Rien d’époustouflant en somme, mais largement de quoi prouver qu’il n’est pas là par hasard.