Olivier Magne : "L’équipe de France ne peut pas gagner la Coupe du Monde"

EXCLU YAHOO SPORT - Les réflexions et convictions d’un grand ancien face au déclin du rugby français… A quelques heures du premier match des Bleus en Coupe du Monde face à l’Argentine (samedi 9H15), le rugbyman, finaliste de la Coupe du Monde 1999, s’est longuement confié sur les chances du XV de France, « la vitrine qui pousse les gens à aimer le rugby ». Entretien avec un homme auteur d’un livre dont le titre dit beaucoup (« J’ai mal à mon rugby » - Solar).

L’équipe de France peut-elle gagner la Coupe du Monde ? Pas de langue de bois…

Olivier Magne : Rires… (Il hésite)... Non… elle ne le peut pas. Mais dans le sport, l’incertitude est permanente. Après, si vous me le demandez là, non, ce n’est pas possible.

Et qui va la gagner ?

O. M. : Les favoris, les Black, l’Afrique du Sud est très dangereuse, et les nations du nord sont mieux placées que nous. Le Pays de Galles est la 1ère nation mondiale, et a réalisé le Grand Chelem dans le VI Nations en 2019… L’Irlande, elle, a beaucoup d’expérience, et ambitionne de gagner la Coupe du Monde pour la 1ère fois de son histoire.

Et l’Angleterre non ?

O. M. : Si, si, et d’ailleurs on est inférieur aux Anglais que l’on va jouer lors du dernier match de poule. Après, il faudra voir nos résultats précédents sur les matchs du 1er tour pour savoir ce match contre le XV de la Rose est un match à enjeu. Si on a perdu face à l’Argentine (1er match des Bleus), il faudra absolument battre les Anglais pour se qualifier en quarts de finale… Mais c’est moins probable que de dominer les Sud-Américains.

Justement, sur quoi va se jouer le premier match face aux Pumas ? Est-on meilleur qu’eux ?

O. M. : En fait, c’est la 1ère fois que les Bleus vont jouer un 8ème de finale. Si l’on gagne, on aura de grandes chances de qualification. Les Argentins sont dans une période intéressante, et ils nous ont souvent posé problème. Il y aura une partie psychologique très importante liée au début de la compétition, et l’équipe qui va gérer le mieux la pression l’emportera. Les 2 équipes ont des qualités et des faiblesses différentes. Les Pumas ont été en souffrance sur la mêlée dans les matchs de préparation, mais ont un très beau jeu d’attaque basé sur la vitesse. La France a de sérieux atouts en conquête, mais est plus en difficulté sur le jeu en mouvement.

Comment expliquer les médiocres résultats du XV de France ces dernières années ? Problème de génération, absence de maître à jouer, sélectionneur incompétent ?

O. M. : C’est multifactoriel. Le problème est systémique, et nous empêche d’avoir une équipe de France compétitive. Le niveau de formation doit évoluer vers plus de haut niveau, le TOP 14 ne correspond pas au niveau international. Il s’est autoproclamé meilleur championnat du monde, c’est un championnat intéressant, avec du suspense, des équipes qui se bagarrent mais ne préparant pas au haut niveau. Il n’y a pas assez de vitesse, de jeu à haute intensité. Le TOP 14 est à une intensité de 5, alors que l’international est à 10. Le sud est beaucoup plus tourné vers l’attaque, avec peu d’arrêts de temps de jeu, un Super Rugby axé sur la vitesse. Le championnat anglais, lui aussi, est très tourné vers l’offensive.

Une fois qu’on en a fait le constat, quelles sont les solutions ?

O. M. : Mais le constat, on l’a fait depuis un bon moment. Il ne faut pas se voiler la face. D’abord, je pense qu’il faut changer la formule du TOP 14, trop exigeante d’un point de vue résultats pour les clubs, et jouer un rugby laissant plus de place à l’initiative. A un moment, trouver des intérêts communs, et permettre aux joueurs français d’évoluer à plus haute intensité, permettant ensuite d’être dans une situation plus confortable au niveau international.

Mais à votre époque, c’était déjà le cas non ?

O. M. Oui mais moins quand même… Aujourd’hui, le niveau de jeu international est incroyable, beaucoup plus qu’il y a 20 ans. Des équipes nationales ont trouvé la parade en réunissant ses meilleurs joueurs dans des provinces, et cela les prépare parfaitement pour le haut niveau. Elles préparent cette évolution du rugby depuis plus de 10 ans, et elles sont en avance sur nous grâce à ça.

Dans cette indispensable réforme du rugby français, Bernard Laporte est-il toujours l’homme de la situation, et notamment en vue du Mondial 2023 en France ?

O. M. : Ce n’est pas une question de personne, mais une question de projet. Le projet de Bernard est intéressant comme celui de l’équipe précédente. Mais avec quels moyens ? Et puis il est indispensable de sortir des querelles politiciennes pour faire avancer le rugby français dans son ensemble. Que le débat se fasse sur les idées, pas sur les hommes… On est dans des règlements de compte. Que chacun développe son projet, et que le futur élu pense à reprendre les bonnes idées de son adversaire. Aujourd’hui, existent trop de querelles en interne. C’est dans l’intérêt du rugby français et du XV de France.

Propos recueillis par Antoine GRYNBAUM