Olivier Marchal: "La France est devenue un pays d’une tristesse et d’une violence absolues"

Le réalisateur est de retour avec Bronx, son sixième film en tant que réalisateur, directement disponible sur Netflix. Un polar dur et pessimiste, qui rend hommage au travail des policiers.

Olivier Marchal est de retour. Le réalisateur sort ce vendredi 30 octobre sur Netflix Bronx, son sixième film. Un polar dur et pessimiste, qu’il a imaginé comme un hommage aux policiers: "C’est un film sur la possibilité aujourd’hui d’être flic, parce que c’est très compliqué de faire ce métier, de le faire tout en restant intègre et en respectant les valeurs humaines de fraternité."

Porté par Lannick Gautry, Stanislas Merhar, Kaaris, David Belle, Jean Reno, Claudia Cardinale et Gérard Lanvin, Bronx raconte la lutte de la brigade antigang contre un clan corse dans les quartiers Nord de Marseille. La situation dégénère lorsqu’un témoin-clé est assassiné durant sa garde à vue. La brigade antigang est alors contrainte de faire des choix lourds de conséquences.

"C’est un film où j’ai voulu montrer la violence d’aujourd’hui", commente Olivier Marchal. "Je trouve que le monde est très violent. J’ai deux potes [policiers] qui se sont suicidés. J’ai voulu démarrer ce film par un suicide pour expliquer comment on peut en arriver là."

Comme dans Quai des Orfèvres (2004) ou MR 73 (2008), Olivier Marchal veut rendre hommage à "des hommes ordinaires qui font des choses extraordinaires": "Ils le font comme ils peuvent, dans des conditions lamentables et ils continuent d’être les nouveaux héros des temps modernes." Ne pas parler d’eux serait presque criminel pour cet ancien de la "Maison":

"Pour moi, ils sont les derniers remparts contre la barbarie. Il y a eux et l’armée. Il y a certaines règles qui doivent être respectées, un certain respect de l’être humain et de l’autre. Ils sont là pour que ça marche à peu près droit. Malgré leur présence, on voit qu’on subit une violence, une agressivité, une tristesse et un chagrin quotidiens… Ce pays est devenu d’une tristesse absolue, d’une violence absolue. Ça me désarme complètement. J’ai des enfants, qui sont jeunes. J’ai peur pour eux. On est entré dans une ère d’une obscurité absolue et on n’est pas près d’en sortir malheureusement."

"La violence gratuite m’a toujours fait chier"

Pour cette raison, l'image de Bronx est proche du noir et blanc: "J’aime la noirceur, quand ça suinte un peu la crasse et la désespérance." Un des leitmotivs du film est l’absence de solution concrète face au crime organisé. "Personne n’a envie de connaître la vérité”, dit un des personnages. Une manière pour Olivier Marchal de dénoncer l’inaction des pouvoirs publics face à une situation qui empire, estime-t-il :

"On est en train de payer cash tous les problèmes que l’on traverse depuis des années dans la société française. Personne n’a voulu voir la vérité et personne ne veut en parler. [Ce film] est pour moi une façon de condamner l’apathie de certains gouvernements et des pouvoirs politiques, qui ne font rien pour que la situation s’arrange. J’en ai un petit peu marre que les gens se voilent la face sur certains problèmes qu'il faut savoir affronter frontalement."

Bronx reflète ce ton désabusé. Olivier Marchal ne lésine pas sur la violence physique. Il a voulu ses scènes de fusillade les plus réalistes possibles, en ajoutant auprès des corps morts des morceaux de cervelle:

"Je ne montre pas de la violence gratuite", se défend-t-il, avant de préciser: "La violence gratuite m’a toujours fait chier au cinéma. Dans le film coréen The Chaser, quand les gars se massacrent pendant deux heures à coup de marteaux, au bout d’un moment, je n’en peux plus. Et Dieu sait que c’est formidablement bien mis en scène. Dans Bronx, on voit deux-trois têtes qui sautent. Les amateurs de polars ont aussi besoin d’y croire un petit peu."

Pistolet sous le menton

Comme souvent dans l’œuvre d’Olivier Marchal, Bronx se veut un mélange entre le polar français à l’ancienne et les films policiers américains contemporains. Certaines scènes de Bronx font d'ailleurs directement penser au cinéma de José Giovanni, le scénariste du Clan des Siciliens, et le réalisateur de Deux hommes dans la ville avec Jean Gabin et Alain Delon.

"J’ai grandi avec ce cinéma-là: Robert Enrico, José Giovanni, Jean-Pierre Melville, Henri Verneuil, George Lautner, Gilles Grangier. J’essaye de garder cette tradition du cinéma français et d’être moderne dans la mise en scène", explique Olivier Marchal. "J’essaye de faire de la belle ouvrage, que le budget se voie à l’écran, que ce soit généreux."

Olivier Marchal peut compter sur les bons conseils d'Alain Figlarz, légendaire chorégraphe de cascades dont la filmographie compte notamment La Mémoire dans la peau et Taken. "Il fait partie de ma garde rapprochée et me permet d’arriver au bout de ces scènes de fusillade, qui sont difficiles à tourner", confie Olivier Marchal. C’est lui qui a trouvé ce qui restera comme la scène d’action la plus marquante de Bronx: celle où un homme nu tente d’échapper à la police et dissimule son arme sous... le menton. Une scène aussi mémorable que celle où l’homme en slip kangourou se défenestre dans 36 quai des Orfèvres.

"Nos acteurs sont assez donneurs de leçons"

Le cinéma d’Olivier Marchal n’essaye pas uniquement d’enrayer le déclin du polar en France, mais aussi de ressusciter un trait qui a disparu du 7e Art: les gueules. Bronx est truffé de physiques atypiques, comme on n'en voit plus "depuis longtemps", déplore Olivier Marchal. "Je travaille là-dessus et je ne lâche rien", ajoute-t-il, en se disant admiratif des cinémas américain, anglais, espagnol ou encore italien, qui ont réussi à faire perdurer cet héritage-là du polar:

"Le cinéma italien est redevenu le grand cinéma qu’il était il y a cinquante ans. Quand on voit Le Traitre (2019) de Marco Bellochio, c’est un chef d’œuvre absolu, avec cet acteur formidable, Pierfrancesco Favino, qui joue aussi dans ACAB (2012), sur les CRS italiens. Ce sont des films incroyables. Nous, en France, on a un cinéma très lisse, avec des acteurs très bourgeois et assez donneurs de leçons pour beaucoup. Nos acteurs manquent de grain. Il faut y revenir. On en a besoin."

Olivier Marchal n’est pas prêt de baisser les bras. Il fourmille de projets de polars. Son remake de Police Python 357, d’après le film de 1976 avec Yves Montand et Simone Signoret, est écrit. Il prépare en attendant les financements un film sur l’homosexualité dans la police, inspiré d’un scénario de Simon Michael, le co-auteur des Ripoux, et deux autres polars intitulés Overdose et Comme mon fils: "On est obligé de lancer beaucoup de projets aujourd’hui, des films à différents budgets, parce qu’on ne sait pas où on va avec cette situation de Covid. On verra le premier qui sort du chapeau..."

Article original publié sur BFMTV.com

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