Comment parler de l’attaque d’Annecy aux enfants ? Deux psychologues nous répondent

Recueillement de personnes autour des fleurs déposées en hommage aux victimes de l’attaque au couteau d’Annecy.
Recueillement de personnes autour des fleurs déposées en hommage aux victimes de l’attaque au couteau d’Annecy.

ANNECY - Une attaque qui peut susciter peurs et interrogations chez les enfants. Dans la matinée du jeudi 8 juin, à Annecy, un homme armé d’un couteau s’en est pris à plusieurs personnes dans un parc, en blessant six, dont quatre enfants en bas âge. Un événement au très large retentissement, qui ne manquera pas de remonter aux oreilles des plus jeunes. « À partir de l’école primaire, je pense qu’ils en entendront tous parler », estime Virginie Piccardi, une psychologue spécialisée en psychologie de l’enfant que nous avons contactée.

Alors comment aborder le sujet avec eux ? Elle conseille de rappeler des choses simples : « Ce qui vient de se passer est un interdit très grave et personne n’a le droit de s’en prendre aux autres. Si on n’a pas la réponse à l’une de leur question, il faut être honnête. On peut dire ’je ne sais pas car je ne comprends pas’. Personne ne peut anticiper quelque chose comme ça. »

Rappeler le côté exceptionnel

De son côté, Catherine Verdier, psychologue et psychothérapeute spécialiste des enfants et adolescents, estime qu’il faut les rassurer en soulignant la rareté des faits et en mettant « de la distance avec l’événement ». Selon elle, il ne faut pas leur demander s’ils ont peur - même si elle estime que c’est l’émotion qui risque de dominer chez eux. Mais plutôt leur « demander comment ils se sentent avec cet événement. Puis leur répondre en fonction de leurs émotions, tout en essayant de ne pas transmettre les nôtres. »

Des propos qui font écho à ceux du pédopsychiatre Jacques Lena, ce matin, au micro de France Inter : « Dans un premier temps, il ne faut pas chercher à en rajouter, à donner plus d’explications que ce que les enfants demandent. » Il préconise également de dire « à l’enfant que l’homme a commis quelque chose qui est interdit, qu’il est maintenant en prison et qu’il ne pourra pas recommencer. C’est très important ». Selon Catherine verdier, « voir ses parents en confiance va rassurer l’enfant et il se sentira protégé ».

Virginie Piccardi conseille également de rappeler le caractère exceptionnel de l’attaque. Elle estime par ailleurs qu’« il n’y a rien de pire qu’un parent qui surjoue la sécurité alors qu’il est mort de trouille, devant son enfant qui a peur. Pour le rassurer, c’est aussi rassurant de lui dire qu’on ressent la même chose. »

D’autant plus que la réaction d’un enfant dépendra beaucoup de la manière dont l’information sur l’attaque lui est transmise : « Si la personne qui lui en parle est déjà dans l’émotion, elle lui transmettra sa grille de lecture. Si les parents ont peur, l’enfant le verra. Même si les parents ne lui en parlent pas, il la ressentira. »

Éviter les détails sordides

Les deux psychologues invitent à ne pas rentrer dans les détails, « même si on ne peut pas mettre les enfants dans une cloche », selon Catherine Verdier. « C’est plutôt conseillé de ne pas apporter des détails morbides. Même si certains enfants sont déjà habitués à la violence et n’auront pas de mal à les imaginer », nous explique Virginie Piccardi.

Elle alerte également sur une autre éventualité : « Certains enfants sont particulièrement décomplexés par rapport à la violence. Ce qui peut être surprenant pour les parents. » La raison ? « Ils sont encore dans le développement psychique de l’interdit autour de la violence et de l’agressivité. »

Face à cette réaction, elle rappelle qu’il ne « faut pas être inquiet si les enfants sont complètement morbides ». Elle préconise de « faire un rappel de la loi : on peut penser la violence, la parler, voire la mettre en scène dans des films ou des livres. Mais on ne peut pas agir. Si les paroles sont insupportables, on peut aussi poser une limite. »

Et dans les cas où les enfants ne sont pas au courant des faits… Que faire ? « Il ne faut pas que les parents se sentent obligés de leur en parler. Il faut être raccord avec son idéologie. Il y a des familles sensibles qui ont envie de partager cette histoire avec leurs enfants. D’autres pour qui la violence est un peu taboue », selon Virginie Piccardi qui rajoute : « Mais l’enfant a quand même besoin d’être confronté au réel. Et cette histoire en fait partie. »

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