Les partisans de l’ISF n’ont pas raté cette étude sur les ultra-riches

Cette étude sur les ultra-riches fait bondir les partisans de l’ISF

Les Français les plus riches paient proportionnellement moins d’impôts que les autres, selon l’Institut des politiques publiques. Il juge cependant inefficace le rétablissement de l’ISF réclamé par une partie de l’opposition.

POLITIQUE - De l’eau au moulin des partisans de l’ISF ? La publication ce mardi 6 juin d’une étude de l’Institut des politiques publiques (IPP) sur l’imposition des foyers les plus aisés n’est pas passée inaperçue auprès d’une partie des responsables politiques, en pleine inflation et perte de pouvoir d’achat, et alors que la mise en place d’une taxe spéciale sur les plus riches fait toujours débat.

Selon l’IPP, les revenus des 37 800 foyers français les plus riches sont proportionnellement moins imposés que ceux du reste de la population. « L’ensemble des impôts personnels reste progressif (proportionné aux revenus, ndlr) jusqu’à un niveau élevé de revenu », observent les quatre auteurs de la note de l’IPP, basée sur des données de l’année 2016. Mais ils constatent « une forte régressivité du taux d’imposition global » une fois franchi le seuil des 0,1 % de Français les plus riches.

La note ne prend toutefois pas en compte les effets des réformes survenues depuis 2016, comme l’abaissement du taux d’impôt sur les sociétés de 33,3 à 25 %, le remplacement de l’ISF par un impôt sur la fortune immobilière ou l’introduction d’un prélèvement forfaitaire de 30 % sur les revenus du capital.

Dans le détail, les 37 800 foyers français les plus aisés, qui touchent plus de 627 000 euros annuels, ont un taux d’imposition global de 46 %. Mais ce taux diminue au fur et à mesure que les revenus de ces ultrariches progressent, jusqu’à atteindre 26 % pour les 75 foyers fiscaux les plus fortunés.

Cela s’explique par la composition des revenus : ceux des Français les plus riches proviennent pour l’essentiel des bénéfices non distribués des entreprises, qui sont donc soumis à l’impôt sur les sociétés (IS) plutôt qu’à l’impôt sur le revenu (IR). « Ce transfert d’une assiette de revenus imposables à l’IR vers une assiette de revenus uniquement imposables à l’IS n’est pas neutre », insiste l’IPP. « Par ce biais, le taux des impositions assises sur le revenu et le patrimoine personnels, situé au plus haut autour de 59 %, est remplacé par le taux bien plus bas de l’IS, de 33,33 % en 2016 », expliquent les auteurs.

L’ISF inefficace pour rééquilibrer la situation, selon l’étude

« Il ne faut pas conclure (de l’étude, ndlr) que la France est plus un paradis fiscal pour milliardaires que nos voisins », met en garde Laurent Bach, coauteur de la note. Les systèmes fiscaux néerlandais, suédois ou néo-zélandais sont également marqués par « une forme de régressivité en haut de la distribution des revenus », détaille l’IPP.

Il n’empêche : ces données chiffrées ont immédiatement été récupérées par des élus écologistes, socialistes et insoumis, qui y ont vu la preuve d’une « injustice » qu’ils dénoncent régulièrement. « Noooon !!! Ce que nous ne cessons de dire serait donc vrai ?? », raille le député PS Roger Vicot, tandis que Boris Vallaud estime qu’il « faut être un forcené pour ne pas voir » cette réalité, dans un tacle évident à la politique fiscale du gouvernement.

Pour rééquilibrer la balance, les responsables de gauche plaident - depuis sa suppression en 2017 - pour la réinstauration de l’impôt sur la fortune. Récemment, le sujet a refait surface à la faveur d’un rapport de l’économiste proche d’Emmanuel Macron Jean Pisani-Ferry qui suggérait de rétablir temporairement cet impôt pour financer les coûteux investissements dans la transition écologique.

Dans l’opinion publique, l’idée séduit : fin mai, 55 % des Français interrogés dans le cadre d’un sondage YouGov pour Le HuffPost s’y disaient favorables. Mais l’idée a été balayée par Bercy, malgré quelques dissonances avec d’autres membres du gouvernement.

Plus largement, l’IPP juge que la restauration de l’ISF serait sans effet pour rééquilibrer les écarts d’imposition. Ce type de prélèvement « n’a pu corriger la régressivité que nous documentons », avertissent les auteurs.

L’IPP juge en revanche « envisageable de taxer les revenus non distribués des holdings à l’impôt personnel sur le revenu » pour capter une partie des ressources des ultrariches qui échappent à l’impôt. « Si la taxation de la holding s’avérait générer de nouvelles formes d’optimisation, on pourrait envisager la taxation des actionnaires personnes physiques résidents fiscaux en France sur l’ensemble des résultats non distribués par les entreprises contrôlées », ajoute l’Institut.

La proposition a immédiatement été saluée par le président LFI de la Commission des Finances Éric Coquerel, également co-rapporteur d’une mission d’information sur l’imposition des entreprises. Mais cette hypothèse n’enchante guère le gouvernement, Bercy soulignant que les bénéfices non distribués « sont généralement réinvestis dans l’emploi et la croissance » des entreprises. L’exécutif croit davantage à l’impôt minimal mondial de 15 % sur les bénéfices des multinationales. Sur ce sujet, « une solution viable sur le long terme ne peut être qu’internationale », glisse-t-on à Bercy.

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