Pascal Grizot : « Ce serait merveilleux que Tiger Woods joue la Ryder Cup »

Alors que débute l’Open de France au Golf National (Yvelines), où se déroulera la Ryder Cup dans 3 mois, Pascal Grizot, Président de la Commission Ryder Cup France 2018, s’est confié à Yahoo Sport. Le retour de Woods, la présence d’un Français, le défi de la sécurité, interview sans concession.

3 mois avant le début de la Ryder Cup, vous ressentez de l’excitation, ou la peur que cela se passe mal ?

Pascal Grizot : Je suis partagé. Quand on travaille bénévolement depuis 10 ans, je serais content et soulagé quand ce sera terminé. J’ai de l’appréhension sur le fait que cela se passe correctement. En fait, on prévoit tous types de scénaris. Il y a 2 grosses problématiques : le transport et la sécurité. La grande différence entre le foot et le golf, c’est qu’un stade de football est construit pour accueillir 80000 personnes… A l’inverse, ce que vous faîtes pour un parcours de golf est éphémère. Le parcours accueille 100 personnes par jour et là, vous allez en accueillir 60000 par jour !

La sécurité justement, de quelle manière vous êtes-vous coordonnés concernant le risque d’attentat ?

P.G. : Je suis extrêmement fier d’être français et je vais vous dire pourquoi. Il y a souvent des critiques sur l’administration, qui a du mal à se mettre en route, mais ensuite, elle est très performante. A la base, le parcours du Golf National est géographiquement à moitié sous la responsabilité de la police, et à moitié de la gendarmerie. Mais pour la Ryder Cup, a été prévu que la gendarmerie gère l’intérieur du golf, et la police à l’extérieur. Avec combien d’hommes ? Tout dépendra du degré de risque à l’approche de l’évènement. Je sais qu’il y aura des hommes sur chevaux, des hélicoptères, des chiens renifleurs d’explosifs et des drones… On a pris exemple sur ce qui s’est fait lors de l’EURO 2016.

Sur le plan sportif, le retour de Woods est un cadeau immense… Vous le préférez en vice-capitaine ou en joueur ?

P. G. : je suis content qu’il soit là. Pour l’histoire du golf français, ce serait merveilleux qu’il joue. D’un point de vue sportif, je ne suis pas sûr que l’équipe américaine soit beaucoup plus forte avec Woods, mais l’intérêt médiatique est énorme. Depuis qu’il a repris la compétition, le PGA Tour fait des audiences incroyables.

Quand on regarde les Américains (Spieth, Thomas, Reed…), on ne voit pas vraiment comment les européens pourraient s’imposer…

P. G. : (Rires)… Je ne suis pas d’accord. Si vous regardez le classement mondial (entretien réalisé fin mai), il faut faire partie des 30 meilleurs joueurs pour disputer la Ryder Cup. Peut-être que l’Europe n’a pas les numéros 1 et 2 mondiaux, mais elle a les 3 et 4… Ce sont des joueurs proches les uns des autres. Il y a un an, je vous aurai dit que l’on prendrait une « volée ». Aujourd’hui, non… Rahm, McIlroy jouent très bien, et on a de très bons européens capables de rivaliser avec les meilleurs américains.

Alex Levy a-t-il le niveau pour faire partie de l’équipe européenne ?

P. G. : Oui. Alex progresse régulièrement. Tous les plus gros tournois arrivent, les Rolex Series, les Majeurs. Il est indispensable qu’il fasse une bonne performance dans ces tournois. Mathématiquement, ce sera difficile pour lui de rentrer dans l’équipe. En revanche, obtenir une wild-card est envisageable s’il est proche des meilleurs européens. Si j’en parle avec Thomas Bjørn, le capitaine de l’équipe européenne ? Oui. D’après nos discussions, il ne fera aucune concession. Il ne prendra pas un Français pour nous faire plaisir. Si un tricolore est proche des meilleurs, il le prendra plutôt qu’un étranger. Cela apportera une ferveur supplémentaire, mais il ne le prendra pas s’il est 60ème mondial.

Un regret de ne pas avoir de vice-capitaine français ?

P. G. : Le rôle du vice-capitaine est d’avoir une vraie proximité avec les joueurs actuels, et que ce soit Van de Velde ou Levet, ils sont déconnectés de ces jeunes joueurs. McIlroy, Rahm, ni Jean, ni Thomas n’ont un jour joué avec eux… Je n’y ai jamais cru. Depuis le départ, Bjørn avait laissé peu de chance. En revanche, Jacquelin et Havret, ont eux été pris comme assistants du capitaine, 2 joueurs de renommée à l’intérieur du groupe, avec forcément un impact sur les spectateurs.

Quel est le trou signature du parcours, le trou le plus dur, celui dont on va parler dans 3 mois ?

P. G. : Le 15, un par 4 de 380 mètres avec de l’eau à droite et du rough à gauche, et un green en île. Si vous ratez votre attaque de green, vous finirez dans l’eau !

Un autre défi, celui d’amener plus de Français au golf, à ce sport champêtre et challenging… Sentez-vous qu’il y ait un engouement des Français pour la Ryder Cup ?

P. G. : Cela monte progressivement. Il faut que l’engouement pour la compétition se transforme en engouement pour le golf. Sur de grands combats de boxe, il y a parfois beaucoup d’engouement, mais je ne suis pas sûr que les téléspectateurs s’y mettent le lendemain. La Ryder va changer l’image du golf en France, considéré comme un sport élitiste. Pourtant, le golf est le premier sport individuel au monde. La France a un problème avec le golf… Après, la Ryder Cup va mettre un grand coup de projecteur sur notre sport, et ensuite aux téléspectateurs de s’inscrire dans des clubs. Le golf est considéré en France comme consommateur de temps et trop cher. La fédération a donc soutenu la création de 100 parcours urbains, construits au même titre qu’une patinoire ou une piscine.

Propos recueillis par Antoine GRYNBAUM