Peines plus lourdes, retrait de permis... À quoi pourrait ressembler l'infraction d'"homicide routier"?

De nombreuses voix réclament la création d'un "homicide routier" en cas d'accident mortel sous l'emprise de l'alcool ou de la drogue. Un travail ministériel est en cours.

Pierre Palmade, les trois policiers tués à Roubaix, d'accident en accident, de nombreuses voix s'élèvent pour réclamer la création de l'infraction d'"homicide routier". C'est notamment le cas de Yannick Alléno, le chef étoilé, qui a perdu son fils, fauché il y a un an par un chauffard alcoolisé.

"Un homicide routier, c'est quoi? C'est un individu qui consomme de l'alcool ou de la drogue au-delà des seuils autorisés par la loi. Personne ne l'a forcé à consommer quoi que ce soit. Ce même individu rentre dans son véhicule, personne ne l'a forcé à rentrer dans son véhicule. Il tourne la clé et démarre. Sous l'emprise de stupéfiants, il tape quelqu'un et le tue. Il y a une action volontaire depuis le début", témoignait-il sur BFMTV.

En février dernier, le ministre de l'Intérieur annonçait vouloir rendre automatique le retrait des 12 points de permis pour toute personne conduisant sous stupéfiants, mais aussi renommer les accidents mortels liés à la consommation d'alcool ou de stupéfiants en "homicide routier".

Un travail en cours sur l'homicide routier

Un travail est actuellement mené entre les services du ministère de l'Intérieur et ceux du ministère de la Justice pour déboucher sur un arbitrage de la Première ministre. Parmi les voies envisagées, le renforcement des sanctions pour les conducteurs sous stupéfiants ou alcoolisés impliqués dans des accidents mortels. Aujourd'hui, les mis en cause sont poursuivis pour "homicide involontaire" avec une double circonstance aggravante.

"On ne peut plus décemment dire involontaire, c’est indécent, estime Linda Kebbab", déléguée nationale du syndicat Unité SGP Police FO. "La justice doit aussi répondre à une forme de réparation aux victimes."

Pour le délit d'homicide involontaire, les prévenus encourent jusqu'à dix ans de prison, la peine maximale qui peut être prononcée par un tribunal correctionnel. "Quand on fait le choix de boire ou de se droguer, on sait ce que l'on fait, le véhicule devient une arme par destination, c'est donc un homicide volontaire", tranche Denis Jacob, secrétaire général Alternative Police CFDT.

Criminaliser pour alourdir les peines?

Alors que le terme d'involontaire est difficilement audible pour les familles de victimes, "si l'infraction reste délictuelle, on est dans de la sémantique sauf à passer en matière criminelle", note Me Vincent Julé-Parade, avocat spécialisé dans la défense des victimes des accidents de la route. Pour alourdir les peines, il faudrait en effet criminaliser l'infraction, c'est-à-dire la faire juger par une cour d'assises ou une cour criminelle départementale, qui juge les crimes passibles de 20 ans de réclusion criminelle.

"Pourquoi une personne qui consomme de l’alcool, du stupéfiant, qui roule à haute vitesse et qui percute et tue des vies se contenterait d’être traité comme un délinquant?", interroge Linda Kebbab.

Une proposition de loi a été déposée en ce sens le 4 avril dernier à l'Assemblée nationale et propose de créer l'infraction d'homicide routier portant à 20 ans de réclusion criminelle la peine encourrue par un conducteur ayant consommé de l'alcool ou de la drogue et qui provoque un accident.

"Même si vous prenez un risque de manière volontaire, l'accident survient lui de manière involontaire", rétorque Me Julé-Parade. "Pour que le caractère volontaire d'une infraction soit retenu, il faut que la personne ait eu pour dessein d'aller porter atteinte à autrui. En toute conscience, une personne qui consomme de l'alcool ou de la drogue avant de conduire fait courir un risque aux autres, mais il est difficile de prouver qu'elle a l'intention de tuer."

Deux ans ferme en moyenne

En 2021, 426 condamnations ont été prononcées pour des cas d'homicide involontaire par conducteur avec une circonstance aggravante, pour la moitié, les conducteurs étaient sous l'emprise de stupéfiants ou avaient consommé de l'alcool. À 421 reprises, une peine a été prononcée, 45 peines de prison ferme, 213 peines de prison assorties de sursis et 163 peines de sursis seul. En moyenne, la peine était d'un peu moins de deux ans de prison ferme.

Pour l'avocat spécialisé, le plus important serait d'appliquer les lois déjà existantes. "Un changement sémantique d'homicide involontaire en homicide routier peut pousser les juridictions à prononcer des peines plus sévères", insiste Me Julé-Parade, qui regrette que les peines prononcées soient trop souvent assorties de sursis. Il évoque aussi la possibilité de travailler sur le retrait des droits à l'assurance pour les chauffards.

Article original publié sur BFMTV.com

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