Pérou, outsider postcolombien

Jeudi après-midi, les Bleus affrontent le Pérou pour leur deuxième match du Mondial. Une rencontre aux allures de test pour les hommes de DD, face à une formation dangereuse qui joue sa survie dans la compétition. Focus sur une équipe volcanique, qui pourrait poser bien des problèmes à la bande à Griezmann.

Pérou, outsider postcolombien (photo Reuters).
Pérou, outsider postcolombien (photo Reuters).

15 novembre 2017, à Lima. Les 40 000 supporters réunis à l’Estadio Nacional s’époumonent pour encourager le Pérou, aux prises avec la Nouvelle-Zélande dans un match couperet qui décidera qui, de la Blanquirroja ou des All Whites, s’envolera pour la Russie en juin prochain. A la 27ème minute de jeu, Christian Cueva s’échappe côté gauche et trouve l’inévitable Jefferson Farfan. L’attaquant du CSKA Moscou convertit l’offrande en envoyant un missile sous la barre. Dans les tribunes, c’est l’hystérie. Une éruption de joie telle que les sismologues locaux enregistrent à ce moment-là un séisme qui ne doit rien aux caprices de la nature. Peu après l’heure de jeu, Christian Ramos se charge de mettre définitivement les siens à l’abri.

Quelques minutes après la fin de la rencontre, les rues de la capitale sont ensevelies par un torrent de fans ivres de bonheur. Une liesse populaire à laquelle se joint le ministère du travail péruvien, qui décrète le 16 novembre férié, comme promis en cas de victoire. L’exploit accompli par les Incas est à la hauteur du cadeau gouvernemental : pour la première fois depuis 36 ans, le Pérou va participer à une phase finale de Coupe du monde.

Ce qui a été décrit alors comme un petit miracle l’an passé ne doit pourtant rien au hasard. A l’image de ce qu’avait fait Marcelo Bielsa avec le Chili, Ricardo Gareca a en effet patiemment bâti son groupe depuis son arrivée aux commandes de la sélection péruvienne en 2015. Un collectif qu’il a su faire progresser et qui est désormais parvenu à maturité, comme en témoigne la dynamique qui a porté la Blanquirroja jusqu’aux portes de la Russie. Soit une série de 10 matchs sans défaite, de laquelle émergent deux nuls acquis de haute lutte contre l’Argentine et la Colombie, et deux victoires de prestige récemment enchaînées contre la Croatie (2-0) et l’Islande (3-1).

Prédateurs insatiables
A l’aise dans les phases de transition, rapide dans la projection, solide défensivement, le Pérou est une équipe difficile à manœuvrer. Son effectif, quoique majoritairement composé de joueurs évoluant dans des championnats mineurs, est soudé, et possède quelques belles individualités. A l’image du trio offensif Florès/Farfan/Guerrero, dont les membres se connaissent par cœur et peuvent se trouver les yeux fermés. Ou encore de Renato Tapia, le charismatique taulier de l’entrejeu blanquirrojo, dont l’intelligence et le volume de jeu sont des modèles du genre.

Face au Danemark, le 16 juin dernier, et en dépit de la défaite (0-1), les hommes de Gareca ont fait étalage de nombreuses qualités. Généreux dans l’effort, offensivement tranchants – à l’instar de l’ailier de Watford André Carillo, intenable dans son couloir droit -, les Péruviens ont prouvé face aux Rød-Hvide qu’ils pouvaient, par séquences, se muer en prédateurs insatiables. Sans un grand Kasper Schmeichel, auteur de plusieurs parades déterminantes, et sans la maladresse conjuguée de Cueva sur penalty et de Farfan, les Incas seraient d’ailleurs sortis de la Mordovia Arena avec autre chose que des regrets.

30 000 supporters, un séisme
Condamnés à l’exploit contre les Bleus s’ils veulent survivre dans la compétition, les Péruviens pourront compter sur le soutien indéfectible de leurs supporters, venus en masse en Russie – 30 000 d’entre eux garniront les tribunes de l’Arena Ekaterinbourg. Surtout, la Blanquirroja enregistrera face à la France le retour de son emblématique capitaine Paolo Guerrero. Entré à l’heure de jeu contre le Danemark, le meilleur buteur de l’histoire de la sélection péruvienne (35 buts en 89 sélections) s’est montré dangereux dès ses premières touches de balle, contribuant largement à acculer le bloc danois sur son but. Eu égard à l’enjeu de la rencontre à venir, il y a fort à parier que l’attaquant de Flamengo entrera sur le terrain animé des mêmes intentions. De quoi faire vaciller une arrière-garde tricolore qui ne brille pas particulièrement par son hermétisme ces derniers temps.

C’est d’ailleurs armés d’une certaine confiance en eux que les Incas s’apprêtent à affronter la bande à Griezmann. Serein, le latéral gauche Miguel Trauco ne tremble pas à l’idée de croiser le fer avec les Bleus. “Je ne crois pas que la France aime jouer contre les équipes sud-américaines, a-t-il ainsi expliqué mardi à nos confrères de L’Equipe. Avec notre façon de jouer, de tenir le ballon, je pense que nous pouvons vraiment lui poser des problèmes.

Difficile d’aller à l’encontre de ce constat, au regard de la récente performance française face à la Colombie. Contre une formation choisie pour sa ressemblance avec le Pérou, les Bleus se sont en effet laissé surprendre en mars dernier au Stade de France. Résultat : une défaite 3-2 sans appel, mais riche d’enseignements. Espérons que les hommes de Didier Deschamps ont retenu la leçon. Sous peine de subir un nouveau séisme.

Olivier Saretta