IINTERVIEW - Pierre Gasly : "Sans mes parents, je ne serais pas en F1 aujourd'hui"

On l’attendait la saison prochaine dans le baquet laissant vaquant par Carlos Sainz. Mais finalement, Pierre Gasly fera ses grands débuts en Formule 1 dès ce week-end, au Grand Prix de Malaisie, en remplacement de Daniil Kvyat. Sur un petit nuage depuis l’annonce de sa titularisation, le Français est revenu pour nous sur les coulisses de son officialisation, mais aussi sur les nombreux sacrifices que sa famille et lui ont dû faire pour que son rêve de gosse devienne réalité. Entretien.

(Getty)
(Getty)
Pierre, heureux de cette titularisation chez Toro Rosso ? Tu en es où dans ta tête à l’instant présent ?

Je suis super heureux. C’est mon rêve de gosse qui se réalise. Depuis que j’ai six ans, je veux devenir pilote de Formule 1 et pouvoir courir avec les meilleurs pilotes. Et là, ça va devenir réalité ce week-end. Donc, je suis vraiment très heureux.

Comment l’as-tu appris ? A quel moment as-tu senti que cette opportunité allait se concrétiser ?

Je savais qu’il y avait des négociations en cours avec Red Bull. Pas forcément pour remplacer Daniil Kvyat. Mais avec le départ de Carlos Sainz (qui rejoindra Renault en 2018, ndlr), je savais que les choses bougeaient en coulisse, sans en savoir plus exactement. Je l’ai appris assez tard en fait. Car j’avais une course de Super Formula le week-end dernier. Je suis arrivé en Malaisie lundi après-midi. Et dans la soirée, on m’a annoncé qu’il y avait de grandes chances que je roule ce week-end. Ce n’est que ce matin (mardi) qu’on est venu me confirmer que je roulerai ce week-end à la place de Kvyat.

Quelle est la première personne que tu as appelé lorsque tu as que tu allais roulé ce week-end ?

Mes parents ! Forcément, ils ont pleuré quand ils ont su. Car ils ont fait des sacrifices énormes pour moi. Depuis que j’ai commencé en kart, ils ont vraiment tout donné pour que je puisse réaliser mon rêve et atteindre mon objectif de vie. Il y a eu des moments où ça a été compliqué. Sans eux, je n’aurais jamais pu en arriver là. Ma mère a une petite entreprise. Alors qu’elle rentrait du travail à 21h, elle bossait ensuite jusqu’à 4h du matin pour me trouver des sponsors pour que je puisse continuer à piloter, surtout lorsque j’étais en kart. Jusqu’à ce que j’intègre la filière Red Bull, je n’ai jamais été vraiment sûr de pouvoir continuer, car financièrement, c’était compliqué. Elle en a passé des nuits à faire des dossiers de sponsoring, à tenter de contacter des personnes qui auraient pu m’aider. Tout comme mon père. Ça n’a pas été facile de ne pas savoir si je pourrais courir la saison suivante. Ils ont tout donné à tous les niveaux pour m’aider. C’est pour ça que je les ai appelé en premier, car c’est grâce à eux que je suis là.

Comment vas-tu te préparer d’ici vendredi et le premier roulage ?

Je vais d’abord m’entraîner avec mon coach à l’hôtel demain (mercredi) matin. Ensuite, j’aurai des opérations médias avec des sponsors à assurer. Jeudi, j’irai sur la piste, on fera le tour du circuit avec l’équipe. Avec mon ingénieur, on préparera alors le week-end au mieux, afin que j’apprenne toutes les procédures. Et puis il y aura la conférence de presse des pilotes dans l’après-midi.

Tu connais le circuit ?

Oui, je connais le tracé de Sepang. J’y ai roulé l’année dernière en GP2. J’y avais fait la pole. C’est un circuit que j’apprécie. Après, ça va être un Grand Prix très dur physiquement. L’humidité y est très impressionnante. Il fait entre 30 et 35 degrés, c’est vrai. Mais lorsqu’on sort, on a l’impression d’être dans un hammam tant l’humidité est grande. Donc ça va être physique. Mais, je me prépare depuis de nombreuses années pour ça. Et puis, mon programme sportif a été adapté depuis que je suis troisième pilote afin que je sois prêt pour la F1. Donc physiquement, je suis prêt.

Et mentalement ?

Mentalement aussi ! Pour moi, je suis prêt depuis l’année dernier et mon titre en GP2. J’étais déjà prêt à gravir cette marche. Après, le timing n’était pas le bon, on va dire. Donc, je suis parti en Super Formula cette saison. Mais je me sens toujours prêt pour la Formule 1.

Quel sera ton objectif pour ce week-end ?

C’est difficile de me fixer un objectif dès maintenant. Je veux prendre les séances les unes après les autres, apprendre avec l’équipe. Je vais avoir un nouvel ingénieur, pour qui ce sera également le premier Grand Prix. il y a beaucoup de nouveautés pour l’équipe et pour moi. En terme de performances, c’est donc difficile de juger. Mais ce sera de faire du mieux possible et d’accomplir un week-end sans erreur.

As-tu des garanties contractuelles ? Ou tu roules ce week-end sans certitude pour la suite ?

Pour l’instant, je n’en sais pas plus. Je sais que je roule ce week-end et je me concentre sur ça, afin de faire de mon mieux. Après, je n’ai pas eu plus d’informations sur la suite et sur les prochaines courses.

Mais qu’est-ce que Red Bull t’a dit ? “Vas-y, performe, fais-toi plaisir et après, on verra” ?

Red Bull me donne la chance de courir chez Toro Rosso. Ils ne m’ont pas donné d’objectif. Pour moi, l’objectif est clair : faire du mieux possible. Je sais qu’en arrivant à six Grands Prix de la fin de la saison, ce ne sera pas simple. Il va falloir apprendre beaucoup de choses en peu de temps. C’est une bonne expérience pour moi de pouvoir débuter chez Toro Rosso, aux côtés de Carlos (Sainz) qui est en très bonne forme en ce moment. Je vais pouvoir être dans de bonnes conditions pour apprendre le plus rapidement possible.

En ce qui concerne tes autres engagements à côté, en Super Formula notamment, cela va-t-il changer quelque chose ?

Pour l’instant, je ne sais pas encore ce qu’il va se passer. Cela va dépendre des courses que je vais faire. Pour l’instant, je sais que je vais courir en Malaisie. Je me concentre à fond là-dessus pour le moment.

D’autres équipes t’avaient approché par le passé ? Ou sont venues vers toi depuis l’officialisation ce matin ?

Je suis un pilote de la filière Red Bull depuis 2014. J’ai un contrat sur plusieurs années avec eux. Donc en partant de cela, l’objectif est de se concentre sur Red Bull. Et quand tu travailles eux, le premier objectif, c’est Toro Rosso. Je sais qu’il y avait eu des discussions à mon sujet. Mais tout est géré par le team. Je n’en sais pas plus.

Tu seras champion du monde de Formule 1 un jour ?

J’espère… Je vais tout faire pour. C’est mon objectif en tous les cas. Je suis un compétiteur. Quand je fais quelque chose, c’est pour gagner, pour être le meilleur. Il va falloir commencer par apprendre et y aller étape par étape, c’est certain. Mais pour moi, l’objectif est clair. Je veux devenir champion du monde de Formule 1.

Quel est actuellement le meilleur pilote français en F1, entre Grosjean, Ocon et toi ?

(dans un sourire) J’espère qu’on verra ça rapidement. Plus sérieusement, répondre à ce genre de questions n’est jamais facile. On ne pilote pas la même voiture au même moment. Je sais seulement que la dernière fois qu’Esteban et moi avons été dans la même voiture fin 2015, pour trois journées de tests chez Dams en GP2, j’ai été plus rapide que lui les trois jours. C’est le seul moment où nous avons été dans la même voiture. Je n’ai jamais roulé avec Romain. Je sais que c’est un très bon pilote. Il a fait des podiums en Formule 1. Et pour réaliser cela, il faut être très bon.