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"Une plongée dans sa détresse" : quatre personnes jugées pour "harcèlement moral" après le suicide d'un médecin de l'AP-HP

Le professeur Jean-Louis Mégnien, cardiologue à l'hôpital Georges-Pompidou à Paris, a mis fin à ses jours le 17 décembre 2015. Trois médecins et l'ex-directrice de l'établissement sont poursuivis pour "harcèlement moral".

"Cette douleur, quelle que soit la décision judiciaire qui sera rendue, ne pourra jamais être réparée." C'est avec beaucoup de précaution et de prévenance que la présidente de la 31e chambre du tribunal correctionnel de Paris s'est adressée à la femme et aux cinq enfants de Jean-Louis Mégnien. Le 17 décembre 2015, ce médecin cardiologue et professeur universitaire reconnu s'est suicidé en se jetant du 7e étage de l'hôpital européen Georges-Pompidou, à Paris.

Portée par la plainte de son épouse, la vive émotion provoquée par ce geste désespéré au sein de la communauté médicale avait mis en lumière la souffrance au travail de ce professionnel. Au terme de cinq ans d'instruction, trois professeurs, tous supérieurs hiérarchiques de Jean-Louis Mégnien, l'ex-directrice de l'hôpital Georges-Pompidou, et l'AP-HP en qualité de personne morale, ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel de Paris pour comparaître pour "harcèlement moral".

"Placardisation"

"La particularité peut être dans ce dossier est que votre mari et père a beaucoup écrit sur sa souffrance", estime Sylvie Moisan, la présidente du tribunal. De ces écrits, la magistrate retient "une plongée dans sa détresse et sa souffrance", celle d'un praticien, diplômé, spécialisé, et qui a obtenu sa première carte professionnelle en 1992, reconnu par ses pairs et ses patients, dont aucun n'a jamais émis de plainte.

Si certains de ces anciens collègues ont décrit Jean-Louis Mégnien comme "un référent en matière de cardiologie", quelqu'un de charismatique", "combatif", "exigeant avec lui et avec les autres", ils ont également fait état des "maltraitances" et des "manoeuvres" des supérieurs du cardiologue à son encontre, organisant sa "placardisation" jusqu'à l'empêcher de postuler au poste de chef du Centre de Médecine Préventive Cardio-Vasculaire de l'hôpital Georges-Pompidou. Poste convoité dont il était le favori naturel après le départ de l'ex-directeur.

Un système de chefferie tournante, peu usuel en milieu hospitalier, a alors été mis en place dans cette petite unité, privant ainsi Jean-Louis Mégnien de ses ambitions professionnelles. Ses consultations ont ensuite été "déplacées" à un autre étage, ses activités de recherche ont été "entravées", son bureau a été "déménagé", à la demande et avec l'appui des professeurs Alain S., Eric T. et Michel D., et avec la validation d'Anne C. qui dirigeait à l'époque l'hôpital Georges-Pompidou. C'est depuis ce bureau que Jean-Louis Mégnien a mis fin à ses jours, quatre jours après son retour de congé maladie.

"Dossier difficile"

L'instruction a écarté une cassure sur un ordre privé de cet homme et père de cinq enfants, aujourd'hui jeunes adultes, dévoué à sa famille qui aurait pu conduire à son suicide. D'Alain S., le chef du service cardiologie d'alors, certains diront qu'il "les faisait grandir mais sans les faire grandir vraiment". Un chef qu'on "ne pouvait pas laisser tomber", le tout avec le soutien de Michel D. alors chef du pôle cardio-vasculaire dans lequel exerçait Jean-Louis Mégnien.

Au cours de ce procès, qui devrait être technique, une question va être centrale pour caractériser ou non l'infraction. Les prévenus étaient-ils les supérieurs hiérarchiques de Jean-Louis Mégnien. A cette interrogation, tous ont répondu pendant l'infraction qu'ils étaient "directeur" d'un hôpital, d'un pôle, d'un département, d'un service, sans lien hiérarchique.

"Ce dossier est très dense et difficile parce qu’il y a une multitude de détails", évoque la présidente du tribunal correctionnel alors que l'audience est prévue pour durer cinq semaines.

Article original publié sur BFMTV.com

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