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"Plusieurs dizaines de joueurs sont déjà connectés": comment le dispositif contre le cyberharcèlement protège les athlètes à Roland-Garros

"Plusieurs dizaines de joueurs sont déjà connectés": comment le dispositif contre le cyberharcèlement protège les athlètes à Roland-Garros

Yann Guerin, quelle est la genèse du projet de ce dispositif anti cyberharcèlement et qui en est à l’origine ?

C’est un jeune, Charles Cohen, qui est un génie de l’informatique, qui a créé la technologie en 2018. Il l’a créée à la suite de plusieurs articles qu’il a lus, qui stipulaient que des ados se suicidaient à cause du cyberharcèlement. Et il a décidé de créer une technologie pour protéger les gens contre ce problème de société, cyberharcèlement et haine en ligne.

Comment s’est opéré le rapprochement avec la FFT ?

C’est nous qui avons sollicité la FFT. Suite à tout le travail qu’ils menaient déjà contre le cyberharcèlement. Ils ont tout de suite été réceptifs et très réactifs. On s’est mis très vite dans le process et on a réussi à implémenter la solution pour le tournoi. L’idée c’est d’aller beaucoup plus loin notamment sur la partie accompagnement de la fédération sur la promotion de son sport, l’inclusion, la diversité, la lutte contre les discriminations mais également sur l’éducation des jeunes.

Comment fonctionne concrètement ce dispositif ?

C’est une technologie d’intelligence artificielle qui va supprimer automatiquement tout contenu toxique des réseaux sociaux des clients que l’on va protéger. Quand un utilisateur va publier un commentaire sur les réseaux sociaux d’une personnalité que l’on protège, la technologie va l’attraper en temps réel et va l’analyser en énormément d’étapes, en moins de 100 milisecondes et va rendre un verdict. Si ce commentaire est jugé haineux, il est supprimé. S’il est jugé neutre ou positif ou négatif, que c’est une simple critique, il est conservé, il est classifié. La technologie analyse le contexte de tout commentaire pour éviter toute censure. Un simple mot peut avoir énormément de significations différentes. Si vous prenez l’exemple du mot "peau", qui est un mot normal de la langue française, si je l’utilise comme "je vais te faire la peau", c’est une menace de mort. On analyse bien le contexte et le sens général du commentaire.

Cela implique quoi pour un joueur s’il veut utiliser le dispositif ?

Il faut flasher un QR Code que l’on a mis à disposition de la FFT qui est présent un peu partout dans les espaces joueurs. C’est un processus qui prend 30 secondes. On connecte le compte, le ou les réseaux sociaux que l’on souhaite et on est tout de suite protégé.

Cela protège des messages haineux en public. Mais qu’en est-il des messages privés ?

On protège vraiment les commentaires des posts qui sont réalisés sur les réseaux sociaux. On ne peut pas aujourd’hui protéger des messages privés. On ne rentrera jamais dans la sphère privée d’un individu. La meilleure pratique est de fermer ces messages privés. En les laissant ouverts, cela revient à publier son numéro de téléphone.

Un retour d’expérience de certains joueurs / joueuses ?

On a plusieurs dizaines de joueurs qui sont déjà connectés dans tous les tableaux, des qualifications jusqu’au tennis fauteuil. Les jeunes, les légendes, tableau féminin et masculin. On a énormément de retours positifs de tous les joueurs, sur le process de connexion et sur le fait qu’ils ne reçoivent plus de messages haineux. Ils sont très contents et se sentent beaucoup plus libres pour pratiquer leur sport.

Des noms de joueurs ou joueuses qui ont opté pour le dispositif ?

On ne peut pas donner les noms. Si on le fait, ca va forcément donner l’envie aux haters d’aller les harceler d’une autre manière. C’est comme le secret médical, on essaie de garder ça confidentiel.

Y a-t-il des axes d’amélioration ?

On a une cellule recherche et développement, qui cherche à implémenter d’autres technologies pour l’associer à la nôtre pour la rendre plus performante. Elle est déjà ultra performante. On cherche également à développer d’autres plateformes, comme Discord et Linkedin pour avoir une protection 360.

Y a-t-il un vrai mal-être ou ras-le-bol chez les joueurs par rapport aux insultes ?

Le tennis est un sport particulier, individuel. Ce n'est pas le seul sport touché, le football l’est également. En tennis vous recevez toute la haine vous-même, là où elle est diluée entre plusieurs joueurs dans une équipe de foot. C’est un vrai ras-le-bol, beaucoup de problèmes avec les parieurs qui vont insulter les joueurs, il y aussi du racisme, de l’homophobie. Ça vient toucher les joueurs, leur famille et leur communauté, dont des enfants qui peuvent lire ce genre de choses.

Le dispositif peut-il se mettre en lien avec la justice pour punir les auteurs de propos haineux ?

On peut fournir des données à nos clients, avec les commentaires et les identifiants des utilisateurs malveillants. On peut les donner aux plateformes et aux autorités pour aller encore plus loin et mener une action en justice. Rendre l’anonymat moins anonyme.

C'est un système qui peut s’étendre à d’autres tournois ou fédérations ?

L’objectif de Bodyguard est de protéger le maximum de gens possibles. Si on peut grâce à la FFT étendre ce dispositif à tous les joueurs de tennis, qu’ils soient jeunes, challengers, professionnels, ca serait incroyable. On a besoin que les organisations comme l’ATP, l’ITF, la WTA et les autres tournois du grand chelem fassent appel à nous aussi.

Article original publié sur RMC Sport