Tous les post-partum, y compris le mien, sont magiques autant qu’éprouvants

Femme allaitante
Dimitri Femme allaitante

MATERNITÉ - Je voudrais parler du post-partum. Non pas parce qu’on n’en parle pas - au contraire, mon algorithme de jeune maman en est saturé. Le vôtre aussi, peut-être, ou bien il le deviendra. J’ai vu beaucoup de choses, un peu trop, trop de mères épuisées, à peine remises d’une dépression et qui s’épanchent et qui réclament justice : le quatrième mois de grossesse est réel, et son impact émotionnel existe, personne ne mavait prévenu pourtant, remboursez, pleurez avec moi. Trop de mères brisées comme des amphores, ou bien alors de mères sous prozac, exaltées comme des adolescentes, résumant dans des Réels insupportables la check-list à suivre pour apaiser un nouveau-né, elles se dandinent entre des cartels écrits en gras qu’elles pointent de chaque côté de mon écran, sourire fantôme aux lèvres, musique criarde aux oreilles. Pardon, mais je ne veux plus.

Je ne veux plus qu’on me dise qu’il est normal de s’effondrer, ni qu’on m’enseigne comment décrypter mon fils comme j’apprendrais à faire une sauce au poivre, parce que la maternité ne se meurt pas d’ennui, je crois, elle est surprises, elle est révoltes.
Elle est inattendue et pourtant affreusement banale.

Alors parlons en autrement, du post-partum. Disons différemment. Disons ce qu’il est important de dire : que la maternité ne fait pas nécessairement de vous un esprit embué de tristesse ou de fatigue. Il arrive, parfois, que cette arrivée bruyante d’un enfant tout neuf dans votre vie se passe bien. Il arrive qu’il fasse briller des parties de vous-mêmes qui s’étaient endormies dans le noir. Disons, alors, qu’elle continue avant tout à faire de vous qui vous étiez déjà, et que c’est de cette personne aussi dont il va falloir s’occuper une fois dehors, expulsée de l’hôpital, de cette personne et de son corps, puisque c’est là que tout commence. Osons dire que parfois, la convalescence sera longue, douloureuse, et que l’on pleure non pas d’épuisement mais de douleur, d’inconfort, de surprise. Que le corps continuera d’être changé et d’avoir mal et que s’il faut neuf mois pour fabriquer un enfant, il en faut autant pour s’en remettre.

Vous ne pouvez visionner ce contenu car vous avez refusé les cookies associés aux contenus issus de tiers. Si vous souhaitez visionner ce contenu, vous pouvez modifier vos choix.

Mais que parfois, le corps ne s’en remettra pas.

Voilà, ce que j’aurais aimé que l’on me dise, moi

Des choses qu’on ne dit jamais - qu’on découvre avec la bouche ouverte. J’aurais voulu qu’on me prépare au métier incroyable de sage-femme, pour les comprendre et les aider au mieux. Ces femmes - ces hommes, parfois - qui m’ont serré la main et massé le dos lorsque je hurlais de la douleur du travail, qui m’ont tenu la porte avec discrétion pendant que je pleurais de honte lors de mon premier retour aux toilettes, les jambes tremblantes, roulée en boule sur le carrelage, ratatinée, le sang, les hématomes. Il faut parler de ces moments parce qu’ils existent, et puis des cicatrices que la chair gardera pour toujours, observées à la loupe par ces petites fées pour qui le corps abîmé, déchiré d’une jeune mère est un corps encore beau, qui ne voient plus les plis, les tâches, les selles, les gaz qui s’en échappent, ou bien qui ne disent rien, qui vous regardent de près, qui vous sourient quand même.

Cher.e.s sages-femmes, vous avez sauvé les jours qui ont suivi la naissance de mon fils, après qu’on m’a volé son arrivée et qu’on m’a écrasée d’antidouleurs. Vous m’avez permis la confiance, le repos, vous avez ri à mes victoires et pleuré avec moi au milieu de la nuit, soutenant mon bras, de longues minutes, jusqu’à la douche, posant la bouche de mon enfant sur mon sein. Vous aviez l’odeur de sa peau, l’odeur de ma mère, de ma maison, consolant tout sur votre passage.

Merci.

J’aurais aimé, aussi, que l’on me dise qu’il est possible qu’un accouchement laisse des séquelles. Qu’il pourra m’être contre-indiqué de porter mon enfant dans les bras, ou bien en porte-bébé, parce qu’il faut bien qu’il se remette, ce corps, et qu’un nourrisson est lourd. Que ce geste symbolique pourra lui aussi m’être volé, des mois durant, et que non, toutes les mères ne passent pas les premières semaines de la vie de leur enfant avec leur petit souffle contre le cou, contre les seins. Que le lien se créera malgré tout.

Qu’il ne faut pas s’inquiéter

Le cœur sera plein. Le corps sera vide. Il faudra réhabituer ses yeux à ne plus rien voir dans le miroir et ses reins à ne plus rien porter. Il faudra ne pas s’incliner devant la difficulté d’une simple promenade, les organes comme des haltères, les cuisses serrées, et même cinq, six mois après l’accouchement, aller jusqu’au bout de la rue, puis un peu plus loin, là où il était déjà difficile d’aller pendant les dernières semaines de grossesse lorsque le ventre était rond, et puis rentrer tremblant de douleur, à bout de souffle, pleurant dans sa gorge, sous sa langue, pour ne pas donner l’impression de pleurer sans arrêt ou sans raison - il n’y avait rien de difficile, elle a simplement marché jusqu’au bout de la rue.

J’aurais aimé que l’on me dise à quel point les rendez-vous nocturnes avec mon enfant seront beaux, éclairés seulement d’une veilleuse bleue. Qu’il est difficile, oui, d’ouvrir les yeux pour la quatrième fois dans une même nuit, mais tellement simple de les planter dans les siens s’il me regarde - et il me regarde. On entendrait la lune chanter, dans cette chambre bleutée comme remplie d’hortensias. Peut-être qu’elle chante. Elle dit courage, elle dit profite.

J’aurais aimé que l’on me prévienne de la virulence du retour de couches, et pas simplement que l’on m’incite à me choisir une contraception - ni qu’on la choisisse à ma place -, parce qu’il est difficile de réveiller le corps lorsqu’il est en souffrance, même lorsqu’on n’a pas de complexe, même lorsqu’on a la chance d’avoir retrouvé sa silhouette, et même si tout semble prêt à nouveau. Que l’on m’épargne l’injonction de devoir, mentalement, me classer dans la case de celles qui ont repris le cours de leur vie sexuelle, ou de celles qui n’ont pas encore pu - ni su - le faire.

Que l’on me dise, enfin, que les gestes et les émotions viendront progressivement. Que tout cela s’apprend, lentement, comme on apprend une poésie. Et que la poésie est un chant d’amour, et qui passe de bouche en bouche.
Que cette nouvelle vie aura la couleur des tournesols, éclose comme un bourgeon, tournée toujours vers la même lumière.

Que l’on ne me plaigne pas pour cette naissance éprouvante, mais que l’on me dise seulement bravo, tu l’as fait, et tu peux en être fière.

Parce que oui, je le suis.

À tes trois mois mon bébé, et à mon année entière à t’accueillir et à me décharger de toi.

Ce témoignage, initialement publié sur le compte Instagram de Joséphine de Rohan-Chabot, a été reproduit sur Le HuffPost avec l’autorisation de son autrice.

À voir également sur Le HuffPost :

Lire aussi