Pourquoi le propriétaire de l'AC Milan a décidé d'écarter la légende Paolo Maldini

L’info a fait l’effet d’une bombe lundi soir lorsque les premiers bruits de couloir ont commencé à agiter la planète football italienne. "Fumée noire" après la réunion entre Gerry Cardinale, propriétaire de l’AC Milan à travers RedBird, et Paolo Maldini, directeur technique du club. Après un été 2022 déjà mouvementé où les prolongations de Paolo Maldini et Ricky Massara (directeur sportif) avaient été entérinées début juillet, quelques jours après l’expiration de leurs contrats, la collaboration entre les deux hommes et l’AC Milan s’est donc arrêtée ce lundi 5 juin.

Depuis plusieurs semaines, il y avait déjà des incompréhensions et quelques sautes d’humeur entre les deux parties. Dirigeant à l’ancienne, reproduisant les schémas qu’il avait connu en tant que joueur, Paolo Maldini n’était pas vraiment dans le moule RedBird, connu pour son appétence pour la data et les méthodologies de travail modernes. L’été dernier, la requête de Maldini d’avoir une plus grande autonomie de gestion et de décision avait déjà fait tiquer le propriétaire américain, qui avait lâché un peu la bride, mais pas suffisamment au goût de l’ancien défenseur de l’AC Milan. Ces derniers jours, il est revenu à la charge avec les mêmes demandes, enregistrant une fin de non-recevoir.

Une trop grande divergence d’opinion sur le projet à mener

Si RedBird est dans une continuité logique du fond Elliott, qui avait repris le club en 2018 (le revendant à RedBird en 2022) avant d’assainir les finances et relancer un projet sportif ambitieux et raisonné, Paolo Maldini avait des envies de grandeur européenne. Lors du derby aller contre l'Inter en demi-finale de la Ligue des champions, le directeur technique avait lancé sa campagne médiatique. Répondant à une question de son ancien collègue et ami Alessandro Nesta, consultant Prime Video, diffuseur du match en Italie, Maldini avait résumé sa vision du club à très court terme : "Nous sommes en avance sur le projet avec un scudetto qui est arrivé plus vite qu’attendu. Nous devons capitaliser sur ce que nous avons créé et faire des investissements maintenant. C’est ce que j’essaye de faire comprendre aux dirigeants." Rebelote après le match retour : "Notre présence à ce niveau de la Ligue des champions doit être exploitée, également sur le plan économique, avec des investissements."

Ces deux prises de parole n’avaient pas été du goût du propriétaire américain. Cette pression médiatique a accouché d’un deuxième effet : l’implication des supporters dans cette revendication d’investissement. La voix de Maldini porte dans la ville lombarde et dans ce club qu’il connait par coeur. Il savait qu’en prenant la parole publiquement pour réclamer des investissements, les tifosi entendraient le message et appuieraient cette demande. Lors de la 38e journée contre l’Hellas Vérone, une grande banderole parcourait la Curva Sud de San Siro, s’adressait au propriétaire et récitait : "Une autre année est passée, c’est l’heure du mercato, nous voulons passer un cap."

Côté RedBird, le projet milanais a toujours été très clair : investissements réels mais raisonnés, développement pérenne, contrôle des déficits pour ne pas retrouver une situation de la fin de l’ère Berlusconi et méthodologie de travail centrée autour de la data, afin de trouver les joueurs idoines pour la progression de l’effectif. Le fonds Elliott avait déjà fortement modernisé l’approche stratégique du club en chamboulant la cellule de recrutement, confiée au Français Geoffrey Moncada, qui avait la charge de mieux structurer le scouting. RedBird souhaite désormais accélérer dans ce sens. Une approche peu compatible avec les routines de travail de Paolo Maldini, habitué à d’autres mécaniques. Pour convaincre RedBird d’investir, il faut des listes avec différentes options, des rapports de scouting, de la data pour l’objectivité mathématique, etc. Un univers loin de Maldini.

Quelques crispations bien connues

Depuis plusieurs mois, la gestion du duo Maldini-Massara pouvait régulièrement laisser perplexe, voire même agacer en interne. L’omniprésence de Gabriele Giuffrida, agent de Stefano Pioli, Junior Messias et Antonio Mirante, était remarquée et ses liens très étroits avec Maldini/Massara également. Le célèbre agent italien s’est inséré dans plusieurs transferts comme intermédiaire et l’a tenté à de nombreuses autres reprises, y compris sur des deals internationaux, provoquant l’étonnement et l’agacement dans le milieu.

Un transfert passé inaperçu a également surpris le propriétaire. Celui de Devis Vazquez. Le gardien colombien de 25 ans a rejoint la Lombardie contre un chèque de 500.000 dollars (468.000 euros). Il avait été proposé par un intermédiaire, proche de Ricky Massara, à d’autres clubs italiens avec une requête d’une commission de plusieurs centaines de milliers de dollars, avant d’atterrir à l’AC Milan. En interne, la surprise a dominé cette arrivée après étude de son profil et de ses qualités, tout en sachant qu’il occupe en plus une place d’extracommunautaire dans l’effectif.

L’identification des joueurs à recruter a été un autre point de crispation. L’arrivée de Divock Origi en juillet ou l’intention de recruter Marko Arnautovic cet été, choix du duo Maldini/Massara ne convainquaient pas le propriétaire du club qui souhaite miser sur des profils plus dynamiques, explosifs, agressifs et jeunes. Une stratégie très différente mais plus en adéquation avec l’évolution du football, explique-t-on en interne.

Si le passage de Paolo Maldini à la tête de la direction sportive reste une franche réussite, avec une progression de l’équipe première, un scudetto remporté en 2022 et une demi-finale de Ligue des champions cette saison, la différence de vision autour du projet du club à court et moyen terme devenait un réel frein et un sujet de tension. Gerry Cardinale a tranché avec la plus grande légende de l’AC Milan, tout en sachant que sa décision serait très impopulaire.

Article original publié sur RMC Sport