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La PPL Liot contre la réforme des retraites finalement adoptée à l’Assemblée après une folle journée

POLITIQUE - Ils étaient contre, donc ils ont voté pour. La salle de la Commission des Affaires sociales où était étudiée la proposition de loi Liot pour abroger la réforme des retraites a été ce mercredi 31 mai le théâtre d’un retournement de situation dont seule l’Assemblée nationale a le secret. Comme vous pouvez le voir dans notre vidéo en tête d’article, après une matinée houleuse, les députés Renaissance et leurs alliés ont fini par voter en faveur du texte honni... désormais sans risque pour la réforme du gouvernement. Cela mérite bien quelques explications.

Retour à 9h30. Les échanges commencent dans une salle pleine à craquer, au point que plusieurs élus doivent rester debout tandis que d’autres font mine de s’inquiéter du respect des conditions de sécurité. Les objectifs de chacun sont clairs : pour Renaissance et ses alliés, il s’agit de faire tomber l’article 1 de la PPL Liot, qui abroge le recul de l’âge de départ à la retraite à 64 ans ; les opposants au texte souhaitent eux l’inverse. « N’ayez pas peur du vote. Ne fuyez pas la représentation. L’Assemblée nationale doit (enfin) pouvoir voter sur les retraites », réclame l’écologiste Sandrine Rousseau.

Mais les deux heures et demie d’échanges, très animés, n’y changent rien. En fin de matinée, la première victoire d’étape revient au camp présidentiel avec l’adoption, avec 38 voix pour et 34 contre, d’un amendement de suppression. La majorité s’en félicite : « La PPL Liot n’a aucun avenir : l’article 1 a été supprimé à l’Assemblée, ce texte n’a pas de majorité au Sénat, et il est inconstitutionnel ! », écrit le rapporteur général de la Commission des Finances Jean-René Cazeneuve sur Twitter.

Courson tente et rate un coup de la dernière chance

Une suspension de séance plus tard, les députés se penchent sur le deuxième des trois articles de la proposition de loi. Lui prévoit l’organisation d’une conférence sociale pour proposer des solutions de financement alternatives du système de retraite, sans repousser l’âge de départ. C’est alors que le rapporteur du texte Charles de Courson sort sa dernière carte : un amendement de suppression sur l’article 2. « Puisqu’il y a eu une courte majorité qui s’est dégagée pour supprimer l’article 1er, l’article 2 n’a plus aucun sens. Quelle est la logique de maintenir la conférence ? », fait-il valoir.

Il n’est pas tant question de « logique » que de stratégie parlementaire. La suppression de l’article 2, en plus de l’article 1, permettrait à la proposition de loi en entier d’être finalement examinée en séance publique dans l’hémicycle le 8 juin. « À partir du moment où il n’y a plus de texte, on reprend celui qui a été déposé au bureau de l’Assemblée nationale. Ça évite de tuer le principe de l’initiative parlementaire », décrypte auprès du HuffPost Jean-Jacques Urvoas ancien Garde des Sceaux et connaisseur des règles du Parlement.

En parallèle, les élus NUPES tentent une autre technique et déposent plus de 3000 amendements à l’article 2 pour empêcher les débats d’aller à leur terme. « Si on n’a pas le temps de discuter de l’ensemble du texte, il reviendra en l’état initial en séance (le 8 juin, ndlr), il peut y avoir un intérêt à faire ça », a expliqué le député LFI Alexis Corbière.

Aucune de ces stratégies n’aboutira. Dénonçant une « volonté d’obstruction », la présidente Renaissance de la commission, Fadila Khattabi, refuse d’examiner les amendements et provoque la colère de la gauche qui quitte la salle. Quant à l’amendement de suppression de Charles de Courson, il est rejeté par 38 voix contre et 34 pour.

Prochain épisode le 8 juin dans l’hémicycle

Ainsi réduite à deux articles, la proposition de loi LIOT a donc été soumise à un dernier vote sur l’ensemble du texte. Un scrutin désormais sans danger pour la majorité... qui s’est donc prononcée pour, lors d’un vote à main levée. Aux alentours de 16h, « la proposition de loi ainsi modifiée est adoptée », officialise Fadila Katthabi.

La suite va se jouer dans l’hémicycle le 8 juin prochain, où les députés seront appelés à débattre des articles 2 et 3 de la PPL Liot. 2 et 3, sans 1 ? Après la fin des discussions, Charles de Courson a annoncé le dépôt d’un amendement pour rétablir l’article premier.

Mais les chances de voir le texte être débattu dans son intégralité restent maigres. En vertu de l’article 40 de la Constitution qui peut être invoqué à tout moment du parcours législatif, la présidente de l’Assemblée nationale peut déclarer lors de la séance l’amendement irrecevable sur le plan financier. Dans l’entourage socialiste, on glisse qu’un amendement similaire à un article déclaré recevable à deux reprises - par le Bureau de l’Assemblée puis par le président de la Commission des Finances -ne devrait pas être retoqué. Néanmoins, « on est lucide » : la veille, Yaël Braun-Pivet a laissé peu de place au doute sur sa position : « il ne doit pas y avoir de débat sur cet article qui est clairement anticonstitutionnel », a-t-elle déclaré sur France 2. « Je prendrai mes responsabilités, c’est la raison pour laquelle je suis présidente de l’Assemblée nationale. »

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