Qui sont les Proud Boys, ce mouvement de la droite ultra cité par Trump lors du débat?

Des membres des Proud Boys à Portland, en Oregon, en septembre 2020. - Nathan Howard / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP
Des membres des Proud Boys à Portland, en Oregon, en septembre 2020. - Nathan Howard / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

Au cours de son premier débat face à son rival démocrate à la présidentielle, Donald Trump a adressé une ambivalente supplique aux Proud Boys, un mouvement le soutenant et accusé d'être une formation d'extrême droite particulièrement violente bien que rejetant officiellement le suprémacisme blanc. Fondés il y a quatre ans, les Proud Boys sont parvenus à se créer une triste notoriété aux Etats-Unis à force d'actions coup de poing contre des manifestants de gauche et antiracistes. Jusqu'ici, ils demeuraient toutefois très méconnus à l'international.

"Proud Boys, tenez-vous prêts"

La scène, qui s'est déroulée mardi soir entre Donald Trump et Joe Biden sur le plateau animé par le journaliste Chris Wallace, prête à controverse et à querelle de traducteurs. Tandis que le présentateur demandait au président des Etats-Unis de condamner clairement les groupes suprémacistes blancs, dénonciation à laquelle Donald Trump s'est toujours refusé, ce dernier a répondu:

"Bien sûr, je suis disposé à les condamner. Mais presque tout ce que je vois vient de la gauche, pas de la droite. Mais je suis disposé à tout, ce que je veux c'est la paix. Mais vous voulez que je condamne qui? Vous avez un nom? Vous avez un nom?"

Saisissant à la volée le label "Proud Boys" suggéré par Joe Biden, Donald Trump a alors déclaré: "Proud Boys, stand back, stand by". Une phrase pleine d'ambiguïtés pouvant signifier en français "Proud Boys, reculez et tenez-vous prêts".

Le lendemain, devant la bronca déclenchée par ses propos, qui a gagné les rangs républicains eux-mêmes, le président américain a cherché à clarifier son expression et à faire machine arrière, affirmant ne "pas savoir qui sont les Proud Boys". "La seule chose que je peux dire c'est qu'ils doivent se retirer et laisser faire la police", a-t-il dit.

Club fermé

Jusqu'à présent, la police, les Proud Boys prétendent plutôt la faire eux-mêmes. Parmi leurs derniers faits d'armes, leurs confrontations physiques avec des militants antiracistes à Portland (Oregon), capitale de la fureur suscitée par les crimes racistes les plus récents.

Si les Proud Boys jurent n'avoir aucun lien avec les suprémacistes et les néo-nazis, le New York Times les décrit comme les chevilles ouvrières du rassemblement "Unir la droite" du 17 août 2017 à Charlottesville, en Virginie, au cours duquel un sympathisant d'extrême droite avait foncé sur des contre-manifestants au volant de sa voiture, tuant une femme.

Les choses avaient pourtant commencé différemment. Fondés en 2016 à New York, les Proud Boys se veulent d'abord un club fermé, de droite et opposé à toute "culture de la repentance". Ils ne font pas mystère d'avoir emprunté leur nom à la chanson Proud Of Your Boy, composée à l'origine pour le dessin animé Aladdin mais finalement coupée du film avant d'être ressortie à l'occasion de la comédie musicale.

https://www.youtube.com/embed/yg4qRCKROPc?rel=0

Sur leur site, ils affirment échapper à la compréhension des médias en ce qu'ils seraient "anti social justice warriors" (NDLR, expression américaine désignant des personnes perçues comme outrancières dans leur défense de causes progressistes) mais pas d'extrême droite". Le groupe se prétend encore une association de "chauvins de l'Occident refusant de s'excuser d'avoir créé le monde moderne".

Des codes machistes

Les Proud Boys n'acceptent pas de femmes en leur sein. "Nous regrettons le temps où 'les filles étaient les filles, les garçons des garçons'. Ce n'était pas une position polémique il y a de ça vingt ans, mais être fier de sa culture occidentale aujourd'hui c'est comme être une lesbienne handicapée, communiste et noire en 1953", peut-on lire sur leur présentation officielle.

Dans leur credo, qui prend soin d'ailleurs de prôner l'"antiracisme", ils mêlent des axes libertariens ("un gouvernement minimal et un maximum de libertés"), le soutien au port d'arme et l'exaltation de valeurs traditionnelles (on appelle ainsi à la "glorification de la femme au foyer"). Le drapeau de l'organisation fait parader un coq au milieu d'un arc d'étoiles. Le slogan, quant à lui, pose le décor: "The West is The Best" ("L'Occident est le meilleur").

Le fondateur du mouvement, Gavin McInnes, également à l'origine du média Vice, qui a pris quelques distances avec l'organisation, prétend que celle-ci compte 5000 membres et des chapitres dans la quasi totalité des Etats du pays ainsi qu'à l'étranger.

Les experts consultés par le New York Times parlent plutôt de 1000 à 3000 individus. Et ceux-ci se répartissent selon leur degré d'engagement car le rite initiatique débouchant sur une appartenance pleine et entière se découpe en plusieurs volets.

Yan St Pierre, spécialiste de l'extrême droite américaine interrogé par Le Parisien a ainsi souligné auprès du quotidien: "Il existe des tests de loyauté et de 'virilité'. Il faut prêter un serment d'allégeance, subir une raclée, se tatouer, refuser de se masturber pour un mois et enfin se battre contre un opposant dans une manifestation".

Soutenus par Trump?

Autant dire qu'une accointance éventuelle du président avec ce groupe a de quoi agiter la scène publique locale. La phrase ambigüe de Donald Trump lors du débat a cependant paru nébuleuse aux premiers concernés autant qu'aux autres. Initialement, Enrique Tarrio, président des Proud Boys et propriétaire d'une boutique de création de T-shirts à Miami, en Floride, a immédiatement tenu à produire un modèle proclamant "Proud Boys, standing by" selon le New York Times.

Le même homme a cependant précisé plus tard: "Je ne vois pas ça comme un soutien, et l'organisation non plus", assurant qu'il avait compris l'injonction présidentielle dans le sens suivant: "Laissez les flics travailler".

Gavin McInnes a quant à lui entendu les mots de Donald Trump d'une toute autre oreille: "Je pense qu'il nous disait que si les antifas (NDLR, abréviations d'"antifascistes", appellation revendiquée par des militants de gauche partisans d'actions musclées contre l'extrême droite) recommençaient à brûler nos villes nous pouvions aller dans la mêlée et les combattre. Je pense qu'il nous disait: 'Je vous apprécie et j'apprécie votre soutien", a-t-il développé, relayé lui aussi par le New York Times. Visiblement, la clarification effectuée à demi-mots par le président américain n'est pas de nature à dissiper les malentendus.

Article original publié sur BFMTV.com