"La proximité se créera naturellement avec Fabien Galthié", promet Florian Grill, favori pour devenir le prochain président de la FFR

"La proximité se créera naturellement avec Fabien Galthié", promet Florian Grill, favori pour devenir le prochain président de la FFR

Lors des dernières élections partielles du comité directeur, onze des douze sièges ont été remportés par des membres de votre collectif Ovale Ensemble, contre neuf avant votre démission au mois de février. En espériez-vous autant et qu’est-ce cela traduit selon vous ?

On pensait, au regard du travail que nous avions fait ces dernières années, qu’on était en capacité de gagner dix, onze ou douze sièges. Donc nous n’avons pas été surpris par la victoire. Par contre, ce qui nous a étonné, ce sont les pourcentages : on a cinq ou six candidats qui sont à plus de 50% et moi-même, je me retrouve à 62,5% au premier tour et c’est un collège électoral qui sera le même au second tour puisque ce sont les présidents de clubs qui vont voter pour le président au second tour. Donc on est agréablement surpris mais c’est le fruit du travail. On assume le côté laborieux du résultat du premier tour. Ça traduit vraisemblablement une envie de changement de la part des clubs, qui ont été sensibles à tout ce qu’on a expliqué sur le terrain, grâce à nos 500 adhérents, 300 relais militants qui travaillent au quotidien sur toute la France et 15 groupes de travail sur tous les sujets du quotidien, le développement de la pratique féminine, l’arbitrage, les compétitions et les phases finales qui sont un enjeu énorme avec les indemnités kilométriques. Et si on a été pertinent dans la discussion avec les clubs, c’est parce qu’on avait bossé et que les clubs ont vu qu’on savait de quoi on parlait. De leur quotidien, en l’occurrence.

Plus de 90% des voix exprimées des clubs, un score personnel de 62,5%, vous l’avez précisé, qui vous place en tête. C’est un plébiscite qui doit vous conforter avant le 2e scrutin (12-14 juin) où ces mêmes clubs désigneront le prochain président de la FFR ?

Enorme participation, c’est vrai. C’est aussi pour moi un très gros score, mais avec beaucoup d’humilité. Je suis rugbyman, je sais que les matchs, c’est deux fois quarante minutes et que parfois, il y a des prolongations. On reste concentré sur l’objectif qui est de continuer notre ADN, à savoir la campagne de terrain et d’être à l’écoute des clubs, de manière très interactive. Je n’y vais pas pour raconter un discours mais pour répondre à des questions, comme ça on parle de ce dont les clubs ont besoin. Si on était amené à l’emporter, le rugby a besoin d’unité et de rassemblement. Ce sera mon discours. On a beaucoup trop politisé et opposé. Je suis fier que dans cette campagne, on ait parlé de choses concrètes et pas de mauvaise politique.

Si vous êtes élu, quelles mesures voulez-vous mettre en place entre juin 2023 et décembre 2024, date des prochaines élections fédérales ?

Il y a des sujets de fonds du rugby territorial : créer une Régionale 4, travailler au redécoupage des grandes Ligues pour plus de proximité, remettre à plat la réforme des indemnités kilométriques, recréer des Boucliers territoriaux. Après, il y a de gros chantiers très structurants pour le rugby : le dossier du Stade de France est une priorité absolue. C’est un manque à gagner de deux millions et demi d’euros par match. Je pense que le sujet de la RSE, il y a les terrains et la problématique de l’eau, qui est majeur. Le golf a été pointé du doigt, ça nous pend au nez sur le rugby. Il y a aussi les commotions. Retrouver une légitimité à l’internationale, nos deux représentants étaient Claude Atcher et Bernard Laporte, et parler des réformes des calendriers en compagnie de la Ligue Nationale de Rugby. Il y a du gros, gros pain sur la planche.

Vous pensez qu’avec onze membres seulement sur quarante que compte le comité directeur, vous pourrez faire appliquer ces mesures-là ?

Je ne vois pas le comité directeur empêcher le rugby de fonctionner. Encore plus à trois mois d’une Coupe du monde. Il y aura peut-être quelques personnes qui essaieront peut-être, mais la majorité des gens au sein de cette instance est raisonnable et ne bloquera pas l’avis des clubs s’ils nous donnent une forte majorité, ce que j’espère. La cohabitation se fera normalement.

"L’organisation et la finalisation de la Coupe du monde relèverait de Patrick Buisson"

La majorité a brandi le spectre d’une équipe de France déstabilisée en cas de changement de président mais vous avez dit vous-même vouloir laisser votre opposant Patrick Buisson aux manettes pendant la Coupe du monde. N’est-ce pas ajouter de la confusion ?

Pas du tout. Je suis un chef d’entreprise raisonnable et rationnel. On est à trois mois d’un évènement, vous ne changez pas d’équipe à ce moment-là. Ce serait irresponsable. Et force est de reconnaître que c’est cette équipe qui a gagné la Coupe du monde, c’est donc assez logique de les laisser piloter la Coupe du monde. On aura de quoi faire avec les chantiers que je vous ai évoqué. On les laisse gérer la finalisation de la Coupe du monde. Après, on travaillera sur l’héritage. Et c’est le signe de l’apaisement et de l’unité du rugby français que je souhaite. Personne ne comprendrait que le rugby ne soit pas uni alors que la Coupe du monde est sur notre territoire. Je fais mien le slogan du premier tour, « Tous unis derrière le quinze de France ». Bien sûr qu’on l’est. Et moi le premier.

Et concrètement, cela veut dire que Patrick Buisson représenterait la FFR pendant la Coupe du monde ? Et vous, vous seriez effacé ? Pas en tribunes par exemple ?

Ah je serai en tribunes, je ne vais pas ne pas assister aux matchs de l’équipe de France, ce serait incompréhensible. Mais l’organisation et sa finalisation relèverait de Patrick Buisson, éventuellement d’Alexandre Martinez, des personnes raisonnables et sérieuses, avec qui on peut discuter je crois.

Toujours dans cette optique de l’emporter le 14 juin prochain, irez-vous à la rencontre du sélectionneur Fabien Galthié et avec quel message ?

Avec un message de surtout, on ne touche rien ! Les Bleus n’appartiennent à personne, c’est un sujet non-politique. A chaque fois qu’on mélange le sport et la politique, je pense qu’on se trompe. Avec Jean-Marc Lhermet, qui est sera mon bras droit pour la partie haut niveau et l’ensemble des équipes de France, on est extrêmement clair qu’on veut préserver les Bleus, leur garder des moyens importants pour gagner cette Coupe du monde. Et surtout, on ne touche à rien. Nous, on a suffisamment à faire ailleurs et on ne va pas casser quelque chose qui fonctionne très bien. L’équipe de France performe, il faut garantir les conditions pour qu’elle continue et toute confiance à Fabien Galthié pour ça.

Fabien Galthié est un proche de Bernard Laporte, il ne s’en est jamais caché. Pensez-vous pouvoir tout de même établir une relation de confiance, nécessaire entre un sélectionneur et son président, avec lui dans les mois, voire les années qui viennent ?

Je vous mets très à l’aise : je le conçois très bien, d’ailleurs même le comité directeur a une grande proximité avec Bernard (Laporte). Je ne vais pas demander aux gens de se déjuger de leurs amitiés passées ou présentes. Je le respecte, je le conçois. D’ailleurs je pense que Bernard est quelqu’un d’agréable dans la relation. On a pu avoir des oppositions sur des process, des méthodes, des manières de faire ou des stratégies, mais je n’enlève rien au charisme, a la qualité d’engagement etc. Donc je ne vais pas me mettre en opposition au fait que Fabien Galthié ait une grande proximité avec Bernard Laporte ou que des membres du comité directeur ait ça aussi. Je ne suis pas un tyran qui va imposer d’être d’accord avec moi. Je ne demande pas ça. Je demande aux gens de travailler ensemble pour l’avenir du rugby français. Et ma priorité est sur le développement du rugby par la base, deuxième sport en terme de médiatisation et dixième en terme de licenciés. Après, avec Fabien, la proximité se créera naturellement. Car je n’arrive pas du tout de manière guerrière. Au contraire plutôt de manière admirative sur la façon dont les choses sont construites. J’avais d’ailleurs été très convaincu par la présentation de Fabien Galthié en comité directeur à l’époque. Donc il y aura une très grande stabilité dans le fonctionnent des équipes de France qui seront placées sous la responsabilité de Jean-Marc Lhermet, lequel connaît Fabien. Donc les liens seront aussi faciles de ce côté-là. Quand on œuvre pour le rugby et qu’on ne met pas l’égo comme sentiment prioritaire mais l’intérêt général du rugby, il n’y a pas de problème.

"Rien ne dit qu’on aurait un accès facile si les Qataris reprenaient le Stade de France"

Vous avez évoqué le Stade de France. Le quinze de France ne pourra pas en disposer lors du prochain Tournoi des VI Nations à cause des travaux en vue des Jeux olympiques. Des rumeurs évoquent parfois un rapprochement de l’enceinte avec le PSG. Quelle est votre position par rapport à tout ça ?

Il y a plusieurs temps dans ce problème, qui est considérable : le premier c’est l’utilisation du stade pendant les travaux. La Fédération a malheureusement signé un contrat qui stipule noir sur blanc qu’il n’y aura pas de compensations. Chaque match non joué au Stade de France, c’est à peu près 4 millions de chiffre d’affaire en moins et deux millions et demi de résultat en moins. Pourquoi, parce que vous passez d’un stade de 80 000 places à un autre de 60 000 ou 50 000 places, avec moins de loges à commercialiser. L’impact sur les comptes de la Fédé peut être considérables, c’est un énorme manque à gagner. Deuxième sujet, la concession du Stade de France. La gouvernance actuelle dit qu’on y est pour 25 ans. Mais il ne faut pas être naïf, le diable est dans les détails. Rien ne dit qu’on aurait un accès facile si les Qataris reprenaient le Stade de France. Il faut garantir les choses. Aurait-on les horaires que l’on veut ? Est-ce qu’on ne serait pas gêné pour l’usage qu’on pourrait faire du terrain ? Que les rugbymen abîment ce terrain et que ça ne plaît pas aux footballeurs… il y a une vraie question : l’argent de CVC (fond d’investissement qui est entré au capital du Tournoi des VI Nations et dont les Fédérations ont reçu des fonds, ndlr), on peut l’investir. Faire partie d’un tour de table pour la reprise du Stade de France, pour faire partie des actionnaires et avoir son mot à dire, c’est un vrai sujet.

Si vous êtes élu, pensez-vous enfin obtenir les réponses à vos questions concernant les frais d’avocats avancés par la FFR à Bernard Laporte au moment de son procès ?

Oui. Autant je vais tendre la main avec l’envie de réunir et de rassembler, autant il n’y a aucune concession à faire sur les frais d’avocats. Il est complètement anormal, alors qu’il y a une condamnation en abus de confiance aujourd’hui, que les frais d’avocats n’aient pas été remboursés. Cela aurait dû être fait le 13 décembre dernier. Donc on les réclamera avec insistance. Ce n’est pas au rugby français, au rugby amateur ou territorial de payer les frais d’avocats d’un procès dont on nous a clairement expliqué qu’il n’avait rien à voir avec la Fédération Française de Rugby puisqu’on nous a expliqué que c’était la société BL Communication qui était concernée. Donc oui on ira au bout de ce sujet-là. C’est une question de morale.

Vous êtes également tournés vers l’élection fédérale de décembre 2024. Vous vous êtes 'séparés' avec Serge Blanco et Jean-Claude Skrela. Êtes-vous toujours en contact ? Pourraient-ils vous rejoindre à nouveau un jour ?

J’ai vu Serge Blanco aux obsèques de Didier Mené, à qui je veux rendre hommage au passage. Car c’est un homme qui avait à la fois porté l’arbitrage français au plus haut et qui en même temps, avait compris que pour y être, il fallait que notre base soit solide. C’était son message et on était aligné là-dessus. J’aurais voulu avec lui construire un grand pôle régalien de l’arbitrage qu’il aurait dirigé. Voilà pour la parenthèse, avec beaucoup d’émotion s’agissant de Didier Mené. Concernant Serge, on s’est revu. Mais le message des clubs est clair : lui et Jean-Claude n’ont pas vocation à être élus au comité directeur de la FFR. Pour autant, vous ne m’entendrez jamais dire du mal d’eux. Quand on a la chance d’avoir des légendes, c’est le cas d’Abdelatif Benazzi, c’est le cas de Fabien Pelous, qui ont parfois été un peu attaqués, la responsabilité d’un président de fédération, c’est de les valoriser car ce sont et ça restera à vie des ambassadeurs du rugby. C’était leur décision de partir. Ils n’étaient pas d’accord sur la démission, qui s’est avéré être un excellent choix stratégique. Sur les 500 adhérents d’Ovale Ensemble, 5 ont démissionné, dont Jean-Claude et Serge, qui sont très visibles et pour cause. Donc 1%, 5 sur 500… voilà.

Article original publié sur RMC Sport