À quand la France d'après ?

LIGUE DES NATIONS – Didier Deschamps l’a laissé entendre : l’évolution naturelle des Bleus devrait tendre vers plus de jeu. Les célébrations du titre passées, il est l’heure de poser la première pierre.

Griezmann – Mbappé, duo du futur ? (AFP)
Griezmann – Mbappé, duo du futur ? (AFP)

« En finale de l’Euro, tu joues bien au foot, et tu perds. En finale de la Coupe du monde, les Croates sont très bons, mais nous, on n’était pas là pour être beaux, on était là pour gagner, on était des tueurs. » Fin août dans les colonnes de L’Equipe, Hugo Lloris défend le style des Bleus lors de la Coupe du Monde. Même s’il n’en a pas réellement besoin, la seconde étoile brodée au-dessus du coq restant le meilleur argument possible. Reste que nombreux sont ceux qui, au-delà des Belges ou des Croates, ont pu regretter le jeu des Bleus compte tenu d’un potentiel offensif stratosphérique. Et si cela était bientôt de l’histoire ancienne ? Car s’il n’est pas du genre à aller dans le sens du vent, Didier Deschamps a prévenu : « il n’y a pas de chantier, mais une évolution possible. » Comme un air de déjà-vu.

Jeunes et beaux

Qu’est-ce qu’on ne change pas quand elle gagne : l’équipe ou la formule ? L’équipe, on la connaît, est jeune, la deuxième plus précoce à remporter un titre mondial après le Brésil de 1970. Pour la formule, il faut aller voir du côté d’un passé pas si lointain, celui d’une sélection qui gagne le Mondial 98 sur sa défense (15 buts marqués – dont 10 sur 3 matchs – et 2 encaissés en 7 rencontres) avant d’aller faire le doublé européen grâce à l’attaque (6 matchs, 13 buts pour et 7 buts contre). Et le seul changement de sélectionneur n’explique pas tout. À l’époque, Roger Lemerre n’a pas révolutionné le travail réalisé par Aimé Jacquet. Il s’est contenté de suivre « une évolution possible », et plutôt naturelle.

« La stabilité, c’est ce qui permet à une sélection de jouer offensif, car un fonds de jeu offensif, cela se construit sur la durée » expliquait Jean-Marc Furlan à So Foot après le titre mondial de 2018. Didier Deschamps peut l’installer dans le futur s’il garde la même ossature, au moins certaines paires comme Pogba/Kanté. » Ça tombe bien : avec une moyenne d’âge de 25 ans et 10 mois, l’essentiel du groupe, à performances constantes, peut être reconduit dans deux voire dans quatre ans. Mais alors, comment rendre le jeu de cette équipe plus affriolant ?

Matuidi – Giroud, mêmes combats

Deux noms ressortent immédiatement lorsque l’on pense timidité offensive des Bleus : Blaise Matuidi et Olivier Giroud. L’un parce qu’il évolue dans un faux rôle d’ailier (en fait piston gauche) pour lequel il n’est pas forcément taillé. L’autre parce qu’il n’a pas su trouver la faille en sept matchs russes (même s’il s’est débloqué contre les Pays-Bas depuis). Et les deux parce que derrière, la concurrence pousse fort. Entre les manieurs de ballons (Lemar, Fekir, Payet), les flèches (Dembélé, Thauvin, Martial, Coman) et les buteurs (Lacazette, Ben Yedder, Mbappé en pointe), il y a du monde au portillon pour pousser à la retraite deux des cinq trentenaires du groupe champion du monde (les trois autres étant Lloris, Mandanda et Rami).

Reste que les deux joueurs évoluent encore à un très bon niveau dans des top clubs européens et qu’il va falloir aller les chercher. Eden Hazard a récemment déclaré à propos d’Olivier Giroud qu’il était « le meilleur point d’appui au monde (…) c’est un plaisir de jouer avec lui », tandis que Didier Deschamps, en marge de la dernière liste, faisait remarquer que Dembélé n’avait pas « pleinement conscience de toutes les exigences du football de haut niveau ». Dans la même veine, Blaise Matuidi a appris « le goût du travail » à Turin pendant que Adrien continue de faire du Rabiot à Paris et que peu de joueurs peuvent apporter autant que le Juventino dans les transitions défense-attaque-défense et dans l’équilibre général. Bref, changer pour progresser oui, mais comment ?

L’avenir leur appartient

Peut-être en modifiant par petites touches l’approche collective. À Chelsea, N’Golo Kanté joue cette année légèrement plus haut. Paul Pogba, lui, a accepté un rôle très bas sur les terrains russes, mais le rapprocher de la zone de vérité pourrait permettre de lui donner un nouveau challenge de nature à le motiver. On l’a vu contre Lyon, Mbappé en pointe, c’est oui. Avec un 10 derrière lui (Fekir, Payet), une flèche d’un côté et Griezmann de l’autre ? C’est une option qui permettrait d’avoir un travailleur (le Colchonero) pour bloquer un couloir et renforcer le bloc en phase défensive, à la manière de Matuidi cet été. Ou alors un duo Griezmann – Mbappé terriblement excitant devant, mais cela reviendrait à se priver des milles et une munitions disponibles sur les côtés. Sans oublier l’émergence possible d’un crack (on en propose 10 ici) de nature à redistribuer les cartes. Bref, le choix est ouvert.

Quoiqu’il arrive, il y aura évolution. Autant pour surprendre l’adversaire que pour remobiliser ses troupes, Didier Deschamps en est obligé. Et les célébrations passées, il est temps de poser la première pierre, de tester les options pour créer des automatismes. Quoi de mieux que l’Islande, souvenir joyeux d’un Euro 2016 presque parfait (5-2 en quart de finale) pour cela ? Avec Thauvin, Griezmann, Dembélé et Mbappé annoncés titulaires, il y a de quoi s’amuser.