Publicité

"Un quart de siècle, c'est délirant": 24 ans après le début de l'affaire, le procès de l'institut Aubert s'ouvre

"Un quart de siècle, c'est délirant": 24 ans après le début de l'affaire, le procès de l'institut Aubert s'ouvre

"Vous avez envie d’annuler ce dossier Mme la présidente. Je ne dirais pas que je le sais, car je ne le sais pas, je le suppose. Vous le pouvez (...). Tout le monde en a marre de ce dossier." Au premier jour du procès de l'Institut Aubert, cette école privée soupçonnée de tromperie pour avoir caché ses liens avec l'Église de scientologie aux parents d'élèves, les questions de "tromperie" ou de "publicité mensongère" n'ont pas été abordées.

Comme depuis plusieurs années, ce qui a intéressé les parties, c'est la définition du délai raisonnable pour être jugé et celle du procès équitable. La défense a demandé au tribunal correctionnel de Créteil de prononcer la nullité de la procédure.

"On n'a pas une simple violation du délai raisonnable. 24 ans, un quart de siècle, c’est délirant, plaide Me David Apelbaum, qui représente l'une des prévenus. Vous vous voyez dans quelques heures, demain, commencer à faire votre rapport des faits? 'En 1998....'."

Ce mercredi matin, plus aucune constitution de partie civile ne figurait au dossier, la dernière famille a annoncé son retrait à l'ouverture du procès dans une lettre adressée au tribunal. Dans ce courrier, cette famille, dont les deux filles avaient 6 et 8 ans au début de l'enquête, qui sont aujourd'hui âgées de 31 et 33 ans, ont entendu par cette décision protester contre la "maltraitance" de l'institution judiciaire qu'avait dénoncée leur avocat.

"La deuxième affaire la plus vieille de l’histoire judiciaire"

En 1998, le maire de Vincennes réalise plusieurs signalements auprès du procureur de la République de Créteil sur l'Institut Aubert. Une enquête préliminaire puis une information judiciaire sont ouvertes. Une première ordonnance de renvoi avait été rendue en 2012. Décision frappée d'appel, qui avait finalement abouti sur un arrêt de la cour d'appel de Paris renvoyant cinq personnes et une organisation de l'Église de scientologie. Le procès avait mis plus de trois ans à être audiencé.

"On est la deuxième affaire la plus vieille de l’histoire judiciaire française à être jugée", s'indigne Me Apelbaum, avocat de la défense.

"Ce n’est pas la faute des prévenus si l’instruction a duré 10 ans, si l'ordonnance de renvoi a été saisie d’un appel, si ce dossier a mis trois ans à être audiencé, si ce dossier dormait sur des bureaux", poursuit-il. L'avocat défend la principale prévenue, l'ancienne gérante de l'Institut Aubert, poursuivie pour "tromperie sur la nature", "publicité mensongère", "travail dissimulé" et "abus de biens". Cette femme, âgée aujourd'hui de 76 ans, est absente, son état de santé ne permettant pas sa présence. Pour l'avocat, cette situation justifie une "extinction de l'action publique".

"Sa volonté était de venir laver son honneur", déplore son conseil.

"Il est temps que cette affaire soit soumise aux débats publics de façon objective", a rétorqué le procureur de la République de Créteil.

"Le temps ne corrompt pas tout, il peut éteindre, il peut édulcorer, amoindrir, il peut atténuer la responsabilité, c’est la responsabilité de la peine", poursuit-il dénonçant "la tentative de déstabilisation psychologique" réalisée par la défense.

Le procès de la Scientologie dénoncé

Au cœur des plaidoiries des avocats de la défense, l'article 6 de la convention de la Cour européenne des droits de l'Homme qui garantit un droit à un procès équitable. "La discrimination est le fondement de ce dossier", martèle Me Élodie Maumont, qui défend un prévenu jugé pour "complicité de tromperie". "Il est manifeste, évident, totalement transparent que ce n’est pas une enquête menée sur l’Institut Aubert, mais sur l’Église de scientologie comme entité monstrueuse, coupable par avance", abonde Me Apelbaum.

"Mettons fin à ce procès, que l'on sorte la tête haute et qu’enfin la justice prenne ses responsabilités", poursuit-il.

Assis sur une chaise face au tribunal correctionnel de Créteil, les quatre prévenus présents, trois hommes et une femme, des gens d'un certain âge, ont tous admis pendant l'enquête être scientologues. "Vous auriez abandonné vos convictions religieuses et vous ne serez pas là et moi je ne serais pas là à plaider", lance à son client Me Maumont.

Dans le viseur des avocats, le directeur de l'enquête accusé d'"impartialité". Un autre avocat rappelle que son client a été placé en garde à vue pendant 48 heures, entendu au milieu de la nuit. "Il n'y a eu personne pour le stopper", déplore l'avocat alors que dix juges d'instruction se sont succédé sur ce dossier. Ses annotations sont aussi en cause, lui qui a qualifié certains prévenus de "nazis".

Pour le procureur de la République, ces arguments reposent sur le fond du dossier, ce qui doit être jugé par le tribunal. "Allons-y sur le fond, c’est tout ce que nous demandons au ministère public", a tranché le représentant du parquet.

Article original publié sur BFMTV.com