Le réchauffement climatique s’aggrave bien plus vite que prévu, alertent les chercheurs

Le réchauffement climatique a atteint des niveaux inédits
Le réchauffement climatique a atteint des niveaux inédits

ENVIRONNEMENT - Plus de 0,2 °C par décennie : c’est le rythme avec lequel le réchauffement climatique s’accroît, selon une vaste étude internationale publiée ce jeudi dans la revue Earth System Science Data. Plus précisément, « sur la période 2013-2022, le réchauffement causé par l’humanité a augmenté à un niveau sans précédent de plus de 0,2°C par décennie », écrivent ainsi une cinquantaine de chercheurs de renom en s’appuyant sur les méthodes du Giec, les experts climat mandatés par l’ONU.

L’intérêt de l’étude est ainsi de fournir des indicateurs actualisés à partir du rapport du Giec de 2021, sans attendre le prochain cycle dans plusieurs années. Les scientifiques entendent fournir des données ouvertes à jour chaque année, pour nourrir les négociations des COP et le débat politique, alors que la décennie actuelle est jugée décisive pour sauver l’objectif de l’accord de Paris de 2015.

Record des émissions de gaz à effet de serre

« C’est un dur rappel à la réalité des faits, par rapport à l’urgence de réduire les émissions mondiales de CO2 et de méthane, pour permettre de limiter le réchauffement planétaire et l’intensification des risques qui en découle », a dit à des journalistes la paléoclimatologue française Valérie Masson-Delmotte, qui a participé à l’étude.

Cette accélération du réchauffement climatique est en effet liée à nos émissions de gaz à effet de serre, qui ont atteint des niveaux records lors de la dernière décennie. Les chercheurs ont calculé qu’environ 54 milliards de tonnes de dioxyde de carbone par an ont été émises entre 2012 et 2021. Elles ont atteint 55 milliards de tonnes pour la seule année 2021.

« C’est principalement lié aux émissions de méthane, de N2O (protoxyde d’azote, lié aux engrais, ndlr) et d’autres gaz à effet de serre », précise Pierre Friedlingstein, chercheur au CNRS et coauteur de l’étude publiée jeudi 8 juin. Les émissions de CO2 liées à l’utilisation d’énergies fossiles sont pour leur part plus ou moins stables.

Le réchauffement a aussi été causé par une réduction de particules polluantes dans l’air, qui ont un effet refroidissant. C’est un effet paradoxal et de court terme d’une moindre utilisation du charbon.

Une décennie « critique »

Ces nouvelles données sont publiées alors que les représentants de tous les pays sont actuellement réunis à Bonn, en Suisse, pour des échanges techniques en vue de préparer la COP28, la grande conférence sur le climat de l’ONU prévue en fin d’année à Dubaï, où le problème posé par l’utilisation des énergies fossiles sera central.

Cette année sera globalement déterminante pour les politiques climatiques publiques, avec la publication attendue en septembre du premier « bilan mondial » des engagements des différents États pour mettre en œuvre l’accord de Paris, qui prévoit de limiter le réchauffement bien en dessous de 2°C et si possible à 1,5°C, par rapport à la période préindustrielle.

Or le réchauffement causé par les activités humaines, essentiellement )à cause de l’utilisation de combustibles fossiles (charbon, pétrole, gaz), a déjà atteint 1,14°C sur la période 2013-2022 et 1,26°C en 2022, selon les calculs de l’étude. Les scientifiques préviennent que l’humanité se retrouve face à une décennie « critique » alors que le seuil de 1,5°C pourrait être atteint ou dépassé au cours des 10 prochaines années.

Ceci car le budget carbone résiduel - la marge de manœuvre, exprimée en quantité totale de CO2 qui pourrait encore être émise tout en gardant 50 % de chance de limiter le réchauffement de la planète sous 1,5°C - a été divisé par deux par rapport du Giec. Ce « budget » n’est plus que de l’ordre de 250 milliards de tonnes, l’équivalent de quelques années d’émissions au rythme actuel.

« Le budget carbone se réduit chaque année puisqu’on émet du CO2 qui s’accumule dans l’atmosphère : on se rapproche inexorablement de cette limite des 1,5°C », souligne Pierre Friedlingstein, « Les dernières preuves disponibles montrent que les actions prises au niveau mondial ne sont pas encore à l’échelle nécessaire pour occasionner un changement significatif dans la direction de l’influence humaine sur les déséquilibres énergétiques de la planète et le réchauffement qui en résulte », écrivent les scientifiques.

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