Réforme des retraites : les opposants adorent cette pépite de l’Ina

En 1958, le fondateur de la Ve République déclarait : « La seule souveraineté, c’est le peuple et le président de la République fait appel à lui en cas de conflit. »

POLITIQUE - « La seule souveraineté, c’est le peuple et le président de la République fait appel à lui en cas de conflit. » Cette phrase de Michel Debré, prononcée en septembre 1958 pour expliquer le projet de Constitution aux Français, résonne doucement à l’oreille des opposants à Emmanuel Macron après l’utilisation du 49.3 sur la réforme des retraites.

Treize jours avant le référendum pour approuver le projet de Constitution, son concepteur est interrogé sur les relations entre le président de la République, doté de nouveaux pouvoirs et le Parlement. N’y a-t-il pas un risque de conflits récurrents entre les deux et comment doivent-ils être réglés, questionne en substance le journaliste dans cet extrait exhumé par l’Ina vendredi 17 mars, jour de l’annonce de deux motions de censure contre Élisabeth Borne.

Le ministre de la Justice commence par rassurer sur la dimension conflictuelle de certaines discussions, preuve du bon fonctionnement du régime. « L’essence de la démocratie, c’est le conflit. Il n’y a pas de conflit en régime de dictature ou du moins les conflits ne sont pas apparents et se terminent dans le sang », fait-il valoir.

Avant de s’épancher plus précisément sur la définition dans le texte de la fonction présidentielle. « Le rôle du président de la République est de régler les conflits entre le gouvernement et le Parlement. Et il les règle, non pas tant par ses pouvoirs propres de décision, mais par le fait qu’il sollicite la décision du Conseil Constitutionnel ou qu’il sollicite la décision par référendum ou par dissolution. »

« La seule souveraineté, c’est le peuple »

Michel Debré prend très précisément l’exemple d’un Premier ministre choisi par le président de la République mais désapprouvé par la représentation nationale lors du vote de confiance. « Il n’y a qu’une manière de régler le conflit (...) : c’est de donner la parole au peuple par voie de dissolution », explique-t-il, réfutant l’idée que « la souveraineté nationale est donnée à une assemblée ».

« En réalité, il n’y a pas d’assemblée souveraine. La seule souveraineté, c’est le peuple et le président de la République fait appel à lui en cas de conflit. Il n’y a pas de méthode plus démocratique et plus libérale si l’on veut rester dans un régime de liberté », achève-t-il.

Soixante-cinq ans après la naissance d’une Ve République que l’on dit à bout de souffle, ce décryptage du « père de la Constitution » a fait mouche auprès des opposants à Emmanuel Macron. Car trois mois après sa présentation par la Première ministre, la réforme des retraites est largement rejetée par une majorité de Français, comme l’a montré la dernière enquête d’opinion YouGov pour Le HuffPost réalisée début mars (71 % contre). Quant au Parlement, il est divisé. Si le Sénat à majorité de droite a voté pour, l’Assemblée nationale ne s’est pas prononcée sur le texte car justement le gouvernement craignait d’être mis en minorité.

Dans ce contexte, l’extrait publié par l’Ina vendredi soir cumulait environ 500 000 vues au moment où nous écrivons ces lignes. Relayé par quelques députés, Antoine Léaument (LFI), Franck Allisio (RN), Jérémie Iordanoff (EELV) ou le maire LR Gilles Platret, il est aussi très partagé par des internautes sans responsabilité politique : « Exceptionnel », « savoureux », « l’INA qui régale », écrivent ces anonymes sur Twitter.

Plusieurs initiatives ont été lancées par les élus d’opposition en réaction au 49.3. Deux motions de censure ont été déposées au Palais Bourbon, mais surtout, un référendum d’initiative partagée pour consulter directement la population a été initié par la gauche parlementaire. La procédure a désormais le soutien des syndicalistes... et la bénédiction post-mortem de Michel Debré.

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