Publicité

Un réseau suspecté d'avoir vendu plus de 11.000 faux pass sanitaires jugé pour escroquerie

Pass sanitaire au quotidien : les mesures sont-elles applicables? - AFP
Pass sanitaire au quotidien : les mesures sont-elles applicables? - AFP

"Je peux comprendre que des personnes passent par la voie illégale" pour obtenir un passeport vaccinal complet, confesse l'une des prévenus. Elle est jugée ce lundi au tribunal judiciaire de Nanterre pour "escroquerie en bande organisée" et "blanchiment aggravé" aux côtés de quatre autres personnes. Ensemble, ils sont suspectés d'avoir organisé un vaste réseau de création et de vente de faux pass sanitaires, sur fond de discours antivax.

Entre le 1er mai 2021 et le 25 novembre 2021, ils auraient vendus plus de 11.000 sésames fallacieux pour un bénéfice total de près de 400.000 euros. La supercherie a été portée à la connaissance des autorités par un signalement anonyme reçu le 2 août 2021, déclenchant l'ouverture d'une enquête au parquet de Nanterre. Les investigations ont permis de mettre au jour un mode opératoire bien rodé, composé de rabatteurs, d'émetteurs de faux pass et de revendeurs, s'étendant sur les régions parisienne et lyonnaise.

Un réseau implanté sur Snapchat

L'accord entre les demandeurs de faux pass sanitaires et les faussaires se concluait sur le réseau social Snapchat. Contre une somme pouvant aller jusqu'à 330 euros par acheteur, les escrocs récupéraient leurs noms et numéros de Sécurité sociale. Ils utilisaient ensuite frauduleusement les numéros d'identification de professionnels de santé, alors accessibles publiquement sur Ameli ou Doctolib.

Cela leur permettait de se connecter à la base de données vaccinales et d'y enregistrer le client, qui obtenait alors une attestation authentique de vaccination.

Au cours des investigations, les enquêteurs ont relevé des "incohérences" permettant de confirmer les soupçons éveillés par l'informateur anonyme: deux doses enregistrées le même jour pour une même personne, des centaines de kilomètres séparant le lieu d’exercice du médecin et celui de remise du pass sanitaire, des vaccinations pendant les jours de repos des médecins...

Grâce à un minutieux travail, les enquêteurs ont identifié les adresses IP ayant effectué les connexions frauduleuses, et sont ainsi remontés jusqu'à dix suspects, aux degrés d'implication divers. Chez Aydan* par exemple, les enquêteurs ont découvert un "livre-journal comptable" contenant "l’enregistrement journalier des ventes de faux pass avec leur montant individuel, variable pour chaque client". Le montant calculé s'élève à 396.600 euros.

"Je ne voyais pas le mal"

Face aux preuves récoltées, certains ont reconnu d'emblée avoir participé à l'escroquerie.

"Je regrette d'avoir fait ça, ça m'a servi à rien, à part d'avoir des problèmes", a admis une jeune femme, selon l'ordonnance de renvoi que BFMTV.com a pu consulter.

Elle ne semble toutefois pas rongée par la culpabilité: "Ça ne me choque pas que des gens ne veuillent pas faire le vaccin et ne veuillent pas qu'on leur interdise l'accès aux lieux publics ou à leur travail. Je sais que c'est illégal mais, par rapport à mon avis sur le vaccin, je ne voyais pas le mal et c'est pour ça que ça ne m'a pas gênée."

D'autres ont eu plus de mal à s'expliquer sur les faits reprochés. Kylian*, par exemple, est suspecté d'être l'un des vendeurs du réseau. Ce juteux business lui aurait rapporté plus de 37.000 euros. S'il reconnaît, en substance, sa responsabilité personnelle - "largement confirmée par l'analyse de ses supports numériques portant notamment la trace des comptes Snapchat lui appartenant" - il minimise "assez largement l'importance des gains réalisés grâce à la fraude, les estimant à 2000 euros", selon l'ordonnance de renvoi.

Une partie du réseau déjà condamné à de la prison

Parmi les suspects, trois sont déjà connus des services de la justice, notamment pour des vols, du trafic de stupéfiants et des délits routiers. Alors que le pass sanitaire est devenu un lointain souvenir pour les citoyens français, les trafics qui ont gravité autour ne sont, eux, pas tombés aux oubliettes, et les faussaires présumés doivent s'en expliquer devant la justice.

Le 9 novembre dernier, cinq d'entre eux ont comparu dans le cadre d'une reconnaissance préalable de culpabilité, et ont été condamnés à des peines allant de 10 à 24 mois de prison avec sursis, dont 8 mois ferme. Ils ont également écopé d'amende allant jusqu'à 60.000 euros, dont 40.000 euros avec sursis. Reste à savoir ce que le tribunal correctionnel décidera pour les cinq derniers prévenus jugés ce lundi.

*Les prénoms ont été modifiés

Article original publié sur BFMTV.com