Raphaël Varane : « On n’était pas venus pour jouer, on était là pour gagner, pour détruire l’adversaire »

ÉQUIPE DE FRANCE – Dans un long entretien accordé au journal L’Équipe, Raphaël Varane est revenu sur le sacre des Bleus en Russie. Le défenseur du Real Madrid s’est confié avec sincérité.

À 25 ans, Raphaël Varane compte 49 sélections (3 buts) en équipe de France, 233 matches avec le Real Madrid (10 buts) et a remporté une Coupe du Monde (2018) et quatre Ligue des Champions (2014, 2016, 2017, 2018). Pour paraphraser son coéquipier Benjamin Mendy, Varane « a tué le game ». Le défenseur central des Bleus, qui a réalisé un brillant mondial, symbolisé par son excellente prestation face à l’Uruguay, a accordé un long entretien au journal L’Équipe. Durant cette interview, il a insisté sur la notion de groupe et a narré les actes fondateurs qui ont mené la France sur le toit du Monde.

« Après le premier match (face à l’Australie) on n’avait pas encore trouvé exactement la direction dans laquelle on voulait aller. Et comment y aller. On savait qu’on voulait essayer de remporter la compétition mais on n’avait pas encore la façon de le faire. On avait l’envie, la concentration, mais il manquait quelque chose pour tirer tous en même temps, dans le même sens. On a trouvé cette voie contre le Pérou, ça a été le moment déclencheur. À partir de là, il y avait autre chose », a-t-il avancé, avant de donner plus détails. « On a trouvé notre identité de jeu ce jour-là (face au Pérou). Et ça ne nous a pas quittés. Même si le Danemark ça a été un peu un non-match, mais par rapport au contexte, ce n’était pas très important parce qu’on savait que le déclic s’était déjà produit. On savait où on allait et comment on y allait ».

Au-delà du style, Varane explique c’est un groupe qui s’est pris en main. « En sélection, on n’est pas ensemble au quotidien, on a besoin de temps, de se connaître. Le premier match nous a servi pour nous dire : « On a intérêt à être à notre meilleur niveau si on veut gagner. Si on joue chacun de son côté, on n’y arrivera pas ». Avant le Pérou, on s’est regroupés, et on s’est dit : « Faut qu’on parle parce que là, ça ne va pas ». Avec des joueurs comme Paul (Pogba), Hugo (Lloris), Blaise (Matuidi), Steve (Mandanda), on a pris la parole. Avant, on avait échangé avec le coach pour analyser ce qui n’avait pas marché sur le premier match (contre l’Australie, 2-1) et une fois qu’on a analysé, on s’est dit : « Bon, sur le terrain, ce n’est pas ça au niveau de l’attitude. Il faut se faire mal pour l’équipe » On savait où on voulait aller et comment on voulait y aller. Parfois, je parlais à Paul et je lui disais : « On doit tirer dans ce sens-là, parce que si tu tires dans ce sens-là, il y en a beaucoup qui vont suivre ». Antoine, il savait ce qu’il avait à apporter à ce groupe, il n’avait pas besoin de surjouer, il connaissait son rôle. On s’est réparti les rôles on a fait un vrai travail d’équipe » ».

Par la suite, l’ancien lensois est revenu sur le style de jeu de l’équipe de France. Un style que la Belgique et Croatie ont vivement critiqué. « Pas du tout touché (rires). On joue dans des clubs où il y a du super football, nous on n’était pas venus pour jouer, on était là pour gagner, pour détruire l’adversaire. On sait qu’on n’a pas fait le plus beau jeu du tournoi. Et puis, il ne faut pas abuser, on n’a pas été si laids que ça (rires). Il ne faut pas non plus nous caricaturer comme étant l’équipe la plus moche de tous les temps ! (Rires) On était l’équipe la plus glaçante, oui, c’est ça, on était glaçants. On était des tueurs à sang froid. Quand je vois la finale contre la Croatie, c’est ça », a-t-il affirmé. « On s’est adaptés. Quand on est arrivés, on savait qu’on avait une équipe avec beaucoup de talents, avec des joueurs qui jouent au ballon, contre l’Australie, on a essayé de jouer au ballon, ça n’a pas marché. On s’est dit qu’on irait au plus efficace, au plus pressé. Ça ne nous a pas trop mal réussi (rires). Mais cette équipe, elle est capable de tout faire. On a des joueurs tellement différents qu’on a les cartes en mains. Là, c’était un choix. Ponctuel. Si on arrive à avoir plus de possession, de maitrise et avoir cette solidité-là, on sera encore plus forts. Après, il ne faut pas s’enflammer et la priorité c’est l’humilité », a rajouté Varane.

Le vice-capitaine de l’équipe de France a évoqué le phénomène Kylian Mbappé, qui comme lui et Antoine Griezmann sera parmi les favoris pour le Ballon d’Or 2018. « Je suis marqué par son intelligence, sa maturité. Par son talent monstrueux. J’ai connu quelques extraterrestres. Je pense que c’est la première fois que je rencontre un extraterrestre jeune (rires). Normalement, les extraterrestres, je les rencontre quand ils ont vingt-cinq – trente ans. Là, j’en ai rencontré un avant vingt ans. Là, tout va plus vite. Quand je parle tactique avec lui avant les matches, je n’ai pas le temps de finir les phrases, il a déjà compris. C’est assimilé », a-t-il déclaré.

Raphaël Varane a également évoqué son cas personnel. « C’est ma plus belle compétition. J’ai réussi à faire sous le maillot bleu ce que je fais depuis quelques années à Madrid. Je suis content de pouvoir exprimer mes qualités pleinement, avec mon style de jeu, ma personnalité, ma façon d’être, me montrer tel que je suis. J’arrive à un point où, dans chaque domaine, j’arrive à passer des caps importants ».

Il est notamment revenu sur son learship et les comparaisons avec son coéquipier en club Sergio Ramos. « Parfois, on me demandait de jouer comme lui, de jouer comme un autre, d’être plus agressif, d’être plus ceci, plus cela. Alors que j’ai mon style de jeu, ça ne m’a trop mal réussi jusqu’à présent (sourires). On a trop voulu me changer. C’est une fierté sur cette Coupe du monde, on m’a, entre guillemets, accepté comme je suis. On ne peut pas me demander d’être un autre », a-t-il confié, avant d’avouer un certain agacement à ce sujet. « Et ça m’énerve. Est-ce qu’on demande à Ramos d’être quelqu’un d ‘autre ? On le prend comme il est, Ramos. Et moi, aujourd’hui, on me prend comme je suis. Depuis que j’ai sept ans, on dit il est gentil, il est gentil, c’est revenu trop de fois. Mais il y a du caractère derrière. Oui, je suis gentil, mais il n’y a pas que ça. On ne peut pas faire la carrière que je fais, rester au Real Madrid sept ans, sans caractère. Ça n’existe pas ça, ce n’est pas possible. D’un seul coup, là. Aujourd’hui, ce caractère-là, il s’est vu, mais je l’ai eu depuis toujours. Quand il faut parler, je suis là, quand, il y a des moments durs, je suis là. Quant à la mi-temps de la finale, il y a beaucoup de pression, avec un groupe jeune, et on a senti de la fébrilité, c’est moi qui dis : « Les gars, restons positifs, on gagne 2-1, tout va bien. Même si on a pris le bouillon par moments, c’est fini, les 45 premières minutes sont passées » Quand je vois un défi en face de moi, là, le caractère il se montre ».