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Remplacement des profs, réforme du lycée pro… Les propos de Macron consternent les syndicats d’enseignants

Les propos du chef de l’Etat n’ont pas manqué de faire réagir les syndicats d’enseignants, que ce soit sur le remplacement des profs absents, sur les fermetures de classes en zones rurales ou sur la réforme du lycée professionnel.
Les propos du chef de l’Etat n’ont pas manqué de faire réagir les syndicats d’enseignants, que ce soit sur le remplacement des profs absents, sur les fermetures de classes en zones rurales ou sur la réforme du lycée professionnel.

ÉCOLE - « Emmanuel Macron a déroulé son projet politique sans aucune considération pour les enseignants ou pour les organisations syndicales », dénonce une syndicaliste du second degré. L’intervention du président de la République ce mercredi 22 mars au 13 heures de TF1 et France 2 et ses priorités de l’exécutif pour l’éducation et l’école ont provoqué la colère des syndicats d’enseignants. Le HuffPost a joint trois représentantes syndicales pour analyser les paroles du chef de l’État.

Remplacer les profs « du jour au lendemain »

Sur TF1, le président de la République a listé les priorités du gouvernement pour les mois à venir. En troisième position figuraient les « progrès pour mieux vivre : l’école, la santé et l’écologie ». « Je veux qu’à la rentrée prochaine, on puisse remplacer du jour au lendemain les profs [absents] dans les classes. Ce n’est pas le cas aujourd’hui dans beaucoup de collèges et de lycées », a poursuivi Emmanuel Macron.

« C’est un effet d’annonce qui est en déconnexion totale avec la réalité pédagogique, dénonce Sophie Vénétitay, secrétaire générale du SNES-FSU, syndicat majoritaire du second degré. Concrètement, ça revient à demander au pied levé à un autre enseignant de l’établissement, qui ne connaît pas la classe ni l’avancée du programme, de remplacer son collègue. C’est mettre un adulte devant une classe, sans aucune considération pédagogique. C’est de l’affichage. »

Par ailleurs, la syndicaliste voit dans cette priorité mise en avant par le chef de l’État une volonté « d’imposer le “pacte” » aux enseignants. Le gouvernement et les syndicats sont actuellement en discussion autour du « pacte enseignant », un projet qui prévoit d’augmenter les salaires des enseignants, à condition qu’ils remplissent de nouvelles missions.

« C’est le “travailler plus pour gagner plus” version Emmanuel Macron dans l’éducation nationale en 2023, résume Sophie Vénétitay. Sauf que parmi les missions quasi obligatoires qui pourraient faire partie du “pacte”, il y a ce que l’on appelle les “remplacements au pied levé”. » Lors de la dernière réunion du travail, le 6 mars dernier, toutes les organisations syndicales ont claqué la porte. Elles exigent une « une revalorisation ambitieuse et sans contreparties pour tous les personnels ».

« Le ministère continue d’appeler ça une revalorisation du salaire, alors que payer davantage les gens pour des tâches en plus, c’est les payer pour ce qu’ils font. Et ça n’est pas une revalorisation », lâche-t-elle. Les propos d’Emmanuel Macron au 13 heures du TF1 résonnent donc de façon amère chez cette responsable syndicale. « Il annonce la mise en place du remplacement des enseignants, avec une méthode qui consiste à avancer coûte que coûte, au mépris de ce que l’on dit », s’agace-t-elle.

Les fermetures de classe en zones rurales

Le deuxième souhait mis en avant par le chef de l’État est « qu’on réponde aux besoins de la ruralité sur le scolaire ». « Parce qu’on a des baisses d’effectifs, parfois il faut fermer – on continuera de devoir fermer des classes et des établissements –, mais [il faut] qu’on améliore la réponse avec parfois les classes multiniveaux » ou des « internats ruraux ».

Pour Guislaine David, cosecrétaire générale et porte-parole du SNUipp-FSU, syndicat des enseignants et personnels du premier degré, ces propos sont « complètement hors-sol » et risquent d’accentuer les difficultés démographiques des zones rurales. « Les gens n’iront pas s’y installer et quitteront ces territoires. »

Elle a elle-même commencé sa carrière avec une classe « multiniveaux ». « J’avais treize élèves et quatre niveaux dans ma classe. Entre l’élève de CP et l’élève de CM2, avec deux ou trois élèves par niveau, ce n’est pas du tout motivant ou stimulant pour eux, ni comme cela qu’on construit le collectif d’une classe, s’agace-t-elle. La réponse n’est pas là. »

Pour elle, le gouvernement devrait, au lieu de fermer des classes et des établissements, « profiter de la baisse démographique ». « La moyenne de l’OCDE est de 18 élèves par classe, alors qu’en France, nous sommes à 22 élèves par classe. Est-ce qu’on ne peut pas plutôt se rapprocher de cette moyenne et avoir des classes plus allégées ? », suggère-t-elle.

La réforme du lycée pro

Troisième priorité concernant l’éducation, selon le chef de l’État : « Qu’on réforme le lycée professionnel, indispensable pour être juste avec nos jeunes, et les amener vers l’emploi et la formation. » Là aussi, les propos d’Emmanuel Macron, dans un contexte de négociations avec les syndicats, ont fait grincer des dents.

« C’est complètement irresponsable qu’il continue à porter cette réforme des lycées pros, dénonce Sigrid Gerardin, cosecrétaire générale du premier syndicat de l’intersyndicale des lycées professionnels, le Snuep-FSU. C’est assumer de réouvrir un front important au niveau de l’éducation. »

Des groupes de travail sur cette réforme avaient été lancés en octobre, mais sans les principaux syndicats, qui n’avaient pas souhaité y prendre part. Depuis, les concertations n’ont pas abouti. « On connaît son objectif : c’est de remplacer les lycées professionnels par l’apprentissage, assure la responsable syndicale. Il assume le fait d’instrumentaliser le parcours scolaire des jeunes pour les mettre en entreprise et au travail plutôt qu’à l’école. »

Des discussions bilatérales continuent avec le cabinet de la ministre déléguée à l’Enseignement et à la Formation professionnels, Carole Grandjean. Les syndicats dénoncent notamment une mesure de la réforme qui augmenterait les temps de stages pour les élèves d’au moins 50 %, estimant qu’elle menacerait les enseignements généraux.

Le fait que le chef de l’État intègre cette réforme à ses trois priorités pour l’éducation est pour Sigrid Gerardin un moyen de « mettre de la pression » et de « piétiner le dialogue social ».

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