Le retour raté de Bikram Choudhury
L'annonce de la visite au Canada du très controversé Bikram Choudhury, fondateur du yoga Bikram a provoqué un tel tollé qu'elle été ajournée.
Les affiches, accompagnées du slogan « Boss is back », vantaient un stage de yoga du 20 au 24 février à Vancouver, sur la côte ouest du Canada. Outre les tarifs du stage, on y découvrait deux photos de Bikram Choudhury, père du yoga Bikram, une pratique consistant en un enchaînement de 26 poses en quatre-vingt-dix minutes dans des salles chauffées à 40 °C.
Arrivé en Californie dans les années 1970 depuis l'Inde, où il est né, Choudhury est loin d'être un inconnu des adeptes de la salutation au soleil. Il s'est forgé un empire autour de millions de pratiquants dans le monde (dont feu Raquel Welch et Quincy Jones), de coaches formés à sa méthode et de salles à son nom, jusqu'à ce que l'édifice chancelle dans les années 2010 à la suite d'une série d'accusations d'agressions sexuelles et de viols par d'anciennes élèves, comme le retrace un documentaire Netflix accablant sorti en 2019.
À ce jour, seule l'ancienne directrice juridique de Choudhury, Minakshi Jafa-Bodden, a obtenu sa condamnation pour harcèlement sexuel, discrimination sexiste et licenciement abusif. Pour ne pas payer les 6,8 millions de dollars (6,3 M€) de dommages et intérêts que lui a imposés la justice, l'ancien gourou a organisé son insolvabilité depuis la Thaïlande, où il s'est réfugié. Une fuite qui a conduit un juge de la cour supérieure du comté de Los Angeles à émettre un mandat d'arrêt à son encontre en 2017.
Mais l'histoire ne s'arrête pas là. Début février, Choudhury, qui a toujours clamé son innocence, annonce par le biais d'une vidéo postée sur YouTube son retour « à Vancouver, Londres, peut-être Barcelone ou Madrid... » Hasard de la géographie, Vancouver est aussi la ville de résidence de l'une des six autres victimes présumées du gourou, Jill Lawler.
Une pétition sur change.org contre la présence sur le sol canadien de l'homme de 79 ans est lancée, laquelle rencontre de l'écho auprès de plusieurs professeurs de yoga et de certains opposants à Bikram Choudhury, dont Carla Minnard, l'avocate de Minakshi Jafa-Bodden. L'hôtel JW Marriott Parq de Vancouver, où doit se tenir le stage, est alerté. « Bikram Choudhury a été condamné à l'unanimité par les membres du jury d'un tribunal après trois semaines d'audience. Le fait qu'il soit un agresseur sexuel n'est pas un sujet de polémique ou une opinion, ce sont des faits juridiques », martèle Carla Minnard.
lire aussi : Bikram Choudhury, le glaçant inventeur du yoga Bikram
Grâce aux accords entre les États-Unis et le Canada, Bikram Choudhury risque une extradition vers les tribunaux californiens en cas de venue à Vancouver. Mais de venue, il n'y aura pas, en tout cas pas pour l'instant. Quelques jours avant le séminaire, la Fédération canadienne de yoga sportif a en effet annoncé que l'événement serait « reprogrammé » en raison de « conflits d'agenda ».
« Nous vivons dans un monde où les gens croient que les réseaux sociaux sont le juge, le jury et le bourreau », déplore l'instance. « On a réussi ! Au moins pour le moment », se réjouit Jill Lawler après cette annulation qui ne dit pas son nom. « Où qu'il aille pour du yoga, les femmes doivent au moins être informées de ses actes passés et dont il refuse d'affronter les conséquences. On ne peut pas dire, comme le fait l'un de ses porte-parole, que l'eau a coulé sous les ponts », complète Carla Minnard.