Retraites: après les annonces de Yaël Braun-Pivet, les députés veulent "contourner le couperet"

Retraites: après les annonces de Yaël Braun-Pivet, les députés veulent "contourner le couperet"

Tenter de contourner l'article 40 pour parvenir à défendre l'abrogation de la réforme des retraites ce jeudi dans l'hémicycle. Les députés des oppositions ne se disent pas vaincus et ont déposé des dizaines d'amendements pour espérer pouvoir se prononcer sur l'avenir de la retraite à 64 ans.

Première parade: plutôt que de demander l'abrogation tout de suite comme le souhaite la proposition de loi Liot et son article premier, certains amendements, comme ceux défendus par La France insoumise, proposent de revenir sur la retraite à 64 ans à l'horizon 2024.

"Ce sont des amendements qui ne sont pas constitutifs d'une charge financière puisqu'ils n'ont pas de conséquence directe tangible", avance Éric Coquerel, le président de la commission des finances auprès de BFMTV.com.

Ruser pour contourner un geste inédit

Comprendre: ils ne tombent pas sous le coup de l'article 40 de la Constitution. Objet de nombreuses passes d'armes, cette disposition constitutionnelle précise que toute proposition de loi qui présente une nouvelle charge financière pour l'État doit être compensée financièrement.

La manœuvre vise à échapper au couperet de Yaël Braun-Pivet. "Sur les amendements de rétablissement de l'article 1, je suis très claire: ils seront déclarés irrecevables par moi-même dans la journée", a avancé la présidente de l'Assemblée nationale ce mercredi matin sur notre antenne, jugeant qu'ils grevaient trop gravement les comptes publics.

Si sa décision n'est pas une surprise, elle est inédite. La proposition de loi Liot a été jugée recevable par le bureau de l'Assemblée nationale fin avril puis par Éric Coquerel le 30 mai dernier.

"Défendre tous nos amendements"

La présidente se conforme à une disposition prévue par le règlement de l'Assemblée nationale qui n'avait encore jamais été utilisée. "J'applique la règle, rien que la règle", s'est justifiée la titulaire du perchoir.

"Notre idée est claire. On ne peut rien faire contre le recours de Yaël Braun-Pivet sur cet article mais on va défendre tous nos amendements qui ne représentent pas un risque de grever les finances publiques", traduit un collaborateur de la Nupes.

Second type d'amendement que compte bien défendre les oppositions: celle du retour à la retraite à 62 ans pour un nombre très restreint de personnes comme les ouvriers, les agriculteurs ou les personnes victimes d'accidents du travail "à titre expérimental, pour une durée de trois ans".

"On a diversifié la rédaction de nos propositions pour essayer de contourner le couperet, passer par un trou de souris et pouvoir débattre pour, à la fin, voter. On fait notre travail de parlementaire, ce pour quoi on a été élu", décrypte encore le député socialiste Guillaume Garot.

Pas le dernière manche

Pour Éric Coquerel qui affirme s'appuyer sur le travail des services de l'Assemblée nationale, seuls "6 amendements" excèdent "le droit existant et le droit proposé" par le groupe Liot.

Pour l'instant, nul ne sait quelles dispositions seront bien étudiées dans l'hémicycle. Preuve de l'incertitude qui plane sur les débats: les services de l'Assemblée nationale n'ont pas encore rendu leurs verdicts sur l'ensemble des 200 amendements déposés - un chiffre relativement modeste. Les amendements peuvent par ailleurs être déclarées irrecevables pendant les débats.

Mais, vote ou non sur la réforme des retraites, La France insoumise a déjà annoncé vouloir déposer une motion de censure qui devrait probablement être signée par l'ensemble de la Nupes pour défendre la "dignité du Parlement". Le groupe Liot pourrait faire de même et déposer une motion transpartisane.

De quoi donner des sueurs froides à Élisabeth Borne qui avait échappé au renversement de son gouvernement à seulement 9 voix près. Son éventuelle démission n'empêcherait cependant pas Emmanuel Macron de la réinvestir dans la foulée et ne l'oblige en rien à renoncer à la retraite à 64 ans.

Autre piste: un nouveau recours au Conseil constitutionnel qui a déjà validé la réforme tout en l'expurgeant d'une partie de ses dispositions. En cas d'absence de vote ce jeudi à l'Assemblée nationale, le recours porterait sur le fait que le Parlement n'a jamais pu se prononcer sur les retraites.

Article original publié sur BFMTV.com