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Roland-Garros: pourquoi les Français galèrent autant sur terre battue

Roland-Garros: pourquoi les Français galèrent autant sur terre battue

"Jusqu’à douze ans, chez moi, à Metz, je jouais sur moquette. C’est comme ça. Je sais que la terre battue ne sera jamais ma meilleure surface." Ainsi s’exprimait Ugo Humbert mi-avril à Monte-Carlo. Le Lorrain symbolise l’un des maux du tennis français. Ses meilleurs éléments actuels semblent découvrir une surface qui a de moins en moins la cote dans nos clubs.

Selon des chiffres recoupés, la terre battue occupe 16% des courts en France. On monte à environ 75% en Espagne. En Italie, les nombreux clubs le long du Tevere sont tous ocres. La météo n’est pas la même, on en convient. Mais il semble que des virages aient été mal négociés. On dit vouloir protéger cette surface vivante mais on voit débouler des terres battues artificielles. Numéro 1 français à l’ATP après l’Open d’Australie, Benjamin Bonzi, originaire du Gard, n’a pas souvent sali ses chaussettes lorsqu’il était minot.

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Humbert : "Je ne comprends pas ce qui m’arrive"

"Là où j’ai commencé à jouer au tennis, il y avait très peu de terre battue, avoue-t-il. Ugo, Arthur (Rinderknech, ndlr) et moi, on a un jeu très franc où on s’appuie sur la vitesse de balle adverse." Ugo Humbert renchérit : "J’aime quand ça va vite. La terre, c’est une épreuve pour moi car j’ai beaucoup de mal à tenir la balle du fond. Mais je travaille avec Jérémy Chardy."

Depuis Monte-Carlo, le gaucher lorrain bosse plutôt bien. Il a remporté deux gros Challengers, ce qui l’a propulsé à la 38e place mondiale. Presque à sa grande surprise. "Je ne comprends pas ce qui m’arrive (rires). Je me rends compte que la terre battue, il y a vraiment un côté tactique. Il faut trouver la solution pour battre son adversaire. Il faut jouer intelligemment, savoir bien se protéger. C'est quelque chose que je ne savais pas du tout faire avant. J'ai appris à le faire ces dernières semaines. Il y a donc un plaisir supplémentaire"

Programmé ce dimanche sur le Philippe-Chatrier face à Adrian Mannarino – qui ne jure que par le gazon - , le n°1 français tentera de remporter le premier match de sa carrière Porte d’Auteuil. Eminent technicien, Fabrice Santoro déplore cette situation presque ubuesque. "Moi, je trouve que les joueurs français passent trop de temps sur dur et pas assez sur terre battue durant leur parcours d’apprenti champion, dit-il. Il y avait des moyens, par le passé, de construire un centre d’entraînement dans le Sud de la France. Ca n’a pas été fait."

A Monte-Carlo, on avait interrogé sur le sujet Paul-Henri Mathieu, responsable du haut niveau masculin. Lui aussi constate le manque. "Quand on est un gamin français, le rêve c’est de pouvoir gagner Roland-Garros, lance Mathieu. Il faut s’entraîner sur terre battue. C’est une très bonne formation. Mieux on joue sur terre, plus on est aguerris tactiquement et on trouvera des solutions sur dur. Et ça marche rarement dans l’autre sens. C’est le message que j’envoie aux plus jeunes."

Quant à la répartition des courts en terre battue dans les clubs, l’Alsacien se sent impuissant. L’instauration d’une structure d’entraînement sur terre au soleil est un vieux serpent de mer.

Le centre d’entraînement au soleil, serpent de mer

"Depuis que je suis gamin, j’entends parler de ce centre sur la Côte d’Azur ! Ce n’est pas si simple que ça. Un centre a été relancé à Poitiers. Une proximité a été faite avec le Tennis Club des Combes (NDLR : à Nice) où des stages ont été organisés." Du bricolage. Plusieurs cadors ont un camp de base à l'Académie privée Mouratoglou. Et, sans vouloir enfoncer la Fédération, c’est une ineptie d’avoir oublié de prévoir au moins une terre battue couverte au nouveau CNE. Avant qu’il ne soit détruit, le court numéro 1 abritait deux terres battue indoor qui étaient souvent occupées par les professionnels entre deux tournois. Comme pour se remettre à niveau.

Pour espérer connaître un successeur à Yannick Noah – qui lui a été formé au tennis études à Nice sur l’ocre - , il faut une vision d’ensemble, un plan d’attaque. L’avenir n’est toutefois pas si sombre. En 2021, le carré final du tournoi junior de Roland-Garros était exclusivement bleu. Trois d’entre eux vont disputer le tableau final cette année. Mieux, Arthur Fils a ouvert son palmarès à Lyon. Noah va surveiller de près le parcours de cette "deuxième" génération. Sait-on jamais, un jour, "Yann" viendra remettre le trophée à un Français.

Article original publié sur RMC Sport