Saint-Etienne-Lyon (0-5) : Un derby pour l’histoire

Deux buts, un rouge pour l’adversaire et un envahissement de terrain : dimanche soir, Nabil Fekir a ecoeuré le Chaudron stéphanois jusqu’à ses entrailles, en provoquant l’arrêt du match. Une performance et une célébration qui resteront dans l’histoire de l’OL.

Fekir
Fekir

Stupide, provocateur, inutile, puéril : il n’aura fallu que quelques minutes pour que la célébration de Nabil Fekir soit jugée, décortiquée, blâmée, condamnée par les commentateurs et autres observateurs habituels. Après avoir été taclé, hué, insulté, le capitaine lyonnais s’est permis un petit bonbon : montrer son maillot à Geoffroy-Guichard sur le but du 5-0. Un geste qui a provoqué un envahissement de terrain, et la quasi-fin du match. Était-ce nécessaire ? Peut-être pas. Toujours est-il que ce geste, comme sa prestation et comme le score final, seront désormais éternellement inscrits en lettres d’or dans l’histoire de l’Olympique Lyonnais.

Comme dans un rêve

Qui aurait pu imaginer un tel scenario ? Certes, Saint-Etienne était moribond depuis plusieurs semaines. Certes, l’OL était sur une pente ascendante, avec cinq victoires de rang. Mais qui aurait pu imaginer une telle leçon, une telle dérouillée dans le Chaudron, avec un score jamais vu dans l’histoire des derbies de l’OL ? Face au rival historique, Lyon a déroulé une partition parfaite, réaliste et impitoyable. La possession ? Que nenni ! Qu’importe s’il a fallu laisser le ballon aux Stéphanois pendant 45 minutes pour mieux les crucifier. Une première mi-temps à attendre l’ouverture pour marquer deux buts, et une seconde mi-temps pour mieux achever des Verts blessés : dimanche soir, Lyon a déroulé le plan parfait, le braquage ultime, le coup de poignard idéal face à des Stéphanois endormis et trop frêles.

Après trois défaites de rang dans le Chaudron, personne dans les rangs des Gones n’aurait pu imaginer un tel scénario, une telle humiliation. Du premier but de fourbe de Memphis à la friandise de Fekir à la 85e, tout s’est déroulé comme un rêve pour les Lyonnais ce dimanche soir. Genesio sur la sellette ? Le collectif pas au point ? Mariano individualiste ? Qu’importe. Qui dit derby dit union sacrée, et cette union a été récompensée par une prestation mémorable qui restera longtemps, éternellement, dans les mémoires des Gones.

Nabil Fekir, le retour du roi

Chaque grande aventure se doit d’avoir un héros digne de ce nom. Sans surprise, dimanche soir, le héros lyonnais se nommait Nabil Fekir. Déjà étincelant depuis le début de la saison, le meneur des Gones a signé son acte de naissance dans la légende de l’Olympique Lyonnais ce 5 novembre à Saint-Etienne. Nombreux furent ceux qui ont douté, qui ont craint que Nabil Fekir se soit définitivement envolé en même temps que ses ligaments un soir maudit de septembre 2015 sous le maillot bleu. Une année au purgatoire pour mieux renaître, pour mieux s’imposer comme le maître à jouer d’une équipe lyonnaise en pleine renaissance. Le football est grand et vous pardonne, à vous qui avez jeté l’éponge, car Nabil Fekir est de retour, plus fort et plus grand que jamais.

Dimanche soir, les Stéphanois avaient bien identifié la menace. Tacles, duels, coups : le numéro 18 des Gones a été malmené dès les premières minutes par les joueurs comme par le public stéphanois, et après tout, c’est bien le jeu d’un derby. Du sang et des larmes, comme réclamait Léo Lacroix. Mais qu’importe. Nabil Fekir était déjà grand, il est devenu immense ce soir de novembre à Geoffroy-Guichard. Auteur d’un doublé, le capitaine lyonnais a écœuré toute la Loire par sa classe, et surtout par une célébration qui n’a laissé personne indifférent, et qui restera dans l’histoire de l’Olympique Lyonnais : après avoir inscrit le but du 5-0, Nabil Fekir enlève son brassard puis son maillot et brandit son nom et son numéro face à la tribune stéphanoise. Geste trop fort pour Geoffroy-Guichard qui s’embrase : le terrain est envahi et le match interrompu.

Un geste pour l’histoire

Pour pouvoir juger pleinement la célébration de Nabil Fekir, il faut d’abord prendre un peu de recul. Jamais dans l’histoire l’OL n’avait infligé pareille déculottée à son rival historique dans son enceinte. Jamais Nabil Fekir n’avait livré tel recital, jamais le capitaine des Gones n’avait marqué un match aussi important de son empreinte. Alors oui, dans un football toujours plus sage et aseptisé, la célébration de Nabil Fekir ne s’imposait peut-être pas. Peut-être aurait-il du respecter l’adversaire et sa déroute et faire preuve de sobriété. Peut-être n’aurait-il du même pas marquer ce cinquième but, tant qu’on y est ?

Blâmer Nabil Fekir pour sa célébration, lui faire porter une responsabilité qui n’est pas la sienne mais celle de la sécurité du stade, c’est oublier ce qu’est un match entre Saint-Etienne et Lyon. Car il n’existe pas en France de match aussi viscéral, aussi pur et aussi authentique qu’un derby du Rhône, avec sa rivalité inscrite dans les mœurs de la région, une rivalité qui dépasse le simple sportif. Lyon et Saint-Etienne, ce sont deux frères ennemis qui se connaissent bien et aiment se détester depuis l’éternité. A l’heure où le football s’assagit, où les ultras sont chassés, où les ambiances sont de plus en plus ternes, Lyon et Saint-Etienne font figure d’intrus lorsque leurs chemins se croisent. Il y a eu des débordements ce dimanche soir. Et tant mieux, c’est aussi ça le football.

Car oui, Nabil Fekir a provoqué. Le capitaine des Gones sera peut-être sanctionné a posteriori pour sa provocation. Saint-Etienne sera probablement sanctionné pour son manquement à la sécurité. Mais quel tout petit prix à payer, au fond, pour faire entrer ce derby dans l’histoire. Quand bien même Nabil Fekir écoperait de quelques matches de suspension, quelle maigre sanction pour entrer définitivement dans l’histoire de l’Olympique Lyonnais et dans le cœur des Gones. Car demain, et après-demain, et plus encore, c’est cette image de Fekir brandissant son maillot à la barbe des Stéphanois que l’on retiendra. Dans dix, vingt ans, c’est ce doublé et cette fierté lyonnaise exacerbée que l’on racontera à nos mômes avec le sourire de ceux qui se souviennent d’une soirée bénie. C’est aussi pour ça que l’on aime le foot : le bordel, les histoires, l’amour et la violence, la haine et la rivalité. Qu’on ne nous blâme pas d’en être amoureux.

Charly M.