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Savon, hygiène, équipements: à l'école, quel est l'état des toilettes à l'heure du Covid?

Des urinoirs (image d'illustration) - Pixabay
Des urinoirs (image d'illustration) - Pixabay

Alors que la pandémie de Covid-19 est loin d'être endiguée et que la deuxième vague est toujours redoutée, les toilettes des écoles répondent-elles à ces nouvelles exigences sanitaires? Dès le déconfinement, certains parents s'inquiétaient déjà de l'absence chronique de savon.

Une école sur quatre manque de points d'eau

Si des distributeurs de gel hydroalcoolique ont été installés, Rodrigo Arenas, le président de la FCPE, juge cependant cette réponse insuffisante. "Cela ne remplace pas le lavage des mains, estime-t-il auprès de BFMTV.com. Or, se laver les mains, ce n'est pas qu'un geste barrière, c'est aussi un geste d'hygiène. On aurait pu en faire un véritable enjeu éducatif collectif, mais on se contente de le traiter dans l'urgence et l'exception." Et regrette que les sanitaires soient toujours, globalement, peu favorables à l'hygiène et synonymes de contraintes.

Selon une étude de l'Observatoire national de la sécurité et de l'accessibilité des établissements d'enseignement publiée au mois d'avril dernier, un quart des écoles ne dispose pas de points d'eau en nombre suffisant. Dans les collèges et lycées, ce sont 22% de ces établissements qui ne sont pas suffisamment équipés.

"Les locaux ne sont pas adaptés, l'intendance ne suit pas et pour les enfants comme pour les enseignants qui accompagnent les plus petits, se laver les mains devient une corvée, poursuit le président de la FCPE. On répond à un problème structurel par une solution conjoncturelle. Or, le sujet est bien plus global."

"On n'a pas assez de savon"

En ce qui concerne le savon, c'est parfois du côté de la logistique que ça coince. Car c'est la commune qui est en charge de l'entretien des écoles, tout comme le département pour les collèges et la région pour les lycées. Ce qui peut provoquer des délais entre le signalement et l'intervention de l'agent territorial.

"On nous assure qu'il y a du savon dans les écoles, je ne suis pas sûr que ce soit vrai tous les jours", s'inquiète Mourad Besbes, vice-président de la FCPE 75.

Une directrice d'une école élémentaire parisienne qui souhaite rester anonyme confirme ces difficultés. "Ce matin, il n'y avait plus de savon", témoigne-t-elle auprès de BFMTV.com. "Je vais appeler la mairie, normalement ça va assez vite." Mais elle regrette des livraisons "au compte-gouttes".

"J'ai pas loin de 250 élèves que l'on emmène un par un se laver les mains cinq fois par jour: le matin en arrivant, à la récréation de la matinée, le midi avant le repas puis avant de retourner en classe et enfin à la récréation de l'après-midi. J'ai compté: nous avons besoin quatre à cinq bidons de cinq litres par semaine. Clairement, on n'a pas assez de savon."

Des passages aux sanitaires encadrés par les enseignants qui durent à chaque fois une vingtaine de minutes. "Il faut compter trente secondes pour chacun des 250 élèves, ajoute cette directrice. Même en organisant les passages par classe, c'est beaucoup d'heures d'enseignement en moins. C'est infernal."

"Délabrement" et "cache-misère"

Si des distributeurs de savon ont été installés et si évidemment les situations varient d'un établissement à l'autre, Mourad Besbes aurait souhaité que des travaux d'envergure soient effectués cet été.

"Le délabrement est tel que ce qui a été fait, ce n'est que du cache-misère Ajouter du savon parce qu'il y a cette crise ne règle pas le problème des sanitaires. L'hygiène à l'école devrait être considérée comme une priorité, pas un souci annexe."

Ce représentant de la FCPE 75 évoque ainsi le cas d'une école élémentaire parisienne de 400 élèves qui ne compte que quatre blocs sanitaires (deux pour les filles, deux pour les garçons) équipés chacun de cinq cabines. "Imaginez le temps d'attente à la récréation", déplore encore Mourad Besbes.

"Les chefs d'établissement sont conscients du problème mais ils ont également d'autres priorités, notamment sécuritaires, et il leur est parfois difficile d'arbitrer avec un budget serré. Le problème, c'est que cette situation dure depuis très longtemps et, avec un bâti scolaire ancien en mauvais état, la détérioration des sanitaires empire d'année en année."

Un droit "nié aux enfants"

Avant l'apparition du coronavirus, un sondage avait une fois de plus dénoncé l'année dernière l'insalubrité des toilettes scolaires. Mauvaises odeurs, saleté, portes qui ferment mal, problèmes de chasse d'eau, lumière qui ne fonctionne pas ou encore manque de sécurité: autant de freins pour les élèves. À tel point que huit enfants sur dix se retiennent d'aller aux WC à l'école primaire.

Autre obstacle: la limitation de l'accès aux toilettes. "On fait subir aux enfants ce que des adultes n'accepteraient pas", tempête Rodrigo Arenas, le président de la FCPE.

Un adulte peut aller aux toilettes sur son lieu de travail, au restaurant ou à la bibliothèque quand il en besoin. Or, ce droit est nié aux enfants. S'ils peuvent demander l'autorisation d'y aller en classe, dans l'esprit de beaucoup, cela doit se passer entre les cours ou pendant les récréations. On ne devrait pas avoir à demander l'autorisation pour aller aux toilettes, cela reste stigmatisant."

Des contraintes techniques et logistiques, notamment de surveillance ou d'accès aux toilettes, imposeraient ainsi "des injonctions pédagogiques contradictoires". Pas étonnant, pour Jean-Rémi Girard, le président du Syndicat national des lycées, collèges, écoles et du supérieur (Snalc), que les élèves n'aillent pas davantage dans les sanitaires pour se laver les mains, observe-t-il.

"Ils utilisent du gel hydroalcoolique, des distributeurs ont été installés un peu partout, mais les locaux sont restés les mêmes, parfois inadaptés."

Ce professeur de lettres dans un lycée des Hauts-de-Seine appelle lui aussi à une réponse nationale. "Si tous les élèves souhaitaient passer aux toilettes pendant la récréation, ils ne le pourraient pas. Ça n'a pas été prévu pour. Dans une période de pandémie où on est censé se laver constamment les mains, ces manques sont d'autant plus criants."

Des stocks depuis mai

Lydia Advenier, membre du comité exécutif du Syndicat national des personnels de direction de l'Éducation nationale (SNPDEN) et proviseure d'un lycée professionnel à Lyon, ne prend pas à la légère la question des sanitaires. "On a pris nos précautions depuis le mois de mai et on a fait des stocks de savon et de gel hydroalcoolique", assure-t-elle. La configuration de son établissement lui est davantage favorable: chaque espace de cours - qui se compose d'une salle de classe, d'un atelier et d'un vestiaire - dispose d'un WC et d'un lavabo.

Tous les sanitaires de son établissement sont ainsi ouverts en continu et les élèves peuvent y aller quand ils en ont besoin. "La consigne a été passée aux agents d'effectuer immédiatement les réparations en cas de souci", ajoute Lydia Advenier.

"On a beaucoup de WC, je ne les ai pas comptés! Mais c'est vrai que notre situation n'est pas représentative des autres établissements, où les sanitaires sont organisés en bloc. J'ai travaillé en collège pendant des années, je sais quelles sont leurs difficultés."

Article original publié sur BFMTV.com