Shiffrin : "J'ai plein de rêves et je vais y arriver"

SKI ALPIN – Double lauréate du gros globe de cristal de la Coupe du Monde, Mikaela Shiffrin s’est confié à Yahoo Sport sur son parcours, ses envies et sur l’empreinte qu’elle est en train de laisser dans l’histoire du ski alpin. Le tout avec un sourire permanent au moment d’aborder l’épreuve de Courchevel.

Shiffrin
Shiffrin

Peut-on faire l’interview en français ?
Mikaela Shiffrin : Non (rires).

Même pas un petit quelque chose ?
M. S. : Non merci (rires). Ah si, je peux vous dire deux phrases apprises lors des deux semaines de vacances passées avec l’équipe de France, qui ne m’a d’ailleurs pas beaucoup aidé sur le coup. Excusez mon accent (elle se marre), euh : ‘la grenouille est dans le ruisseau’ et “la chèvre mange l’herbe sur le bord de la route”… Mauvais hein… C’était en mai dernier, et depuis je n’ai plus travaillé mon français.

Avec Mathieu Faivre (son compagnon, ndlr), vous donnez-vous des conseils l’un l’autre ?
M. S. : Hum, c’est plus mental, mais on ne le fait pas tant que ça. On évoque plus la manière dont on gère les courses, quand elles sont bonnes, mauvaises… C’est bien de parler avec quelqu’un qui sait de quoi il s’agit, qui comprend la pression… Mathieu veut gagner, toujours performer… La pression, quand vous êtes dans le portillon de départ, parfois vous la ressentez si fort, toute la pression du monde sur vos épaules, et dans d’autres moments, sans savoir pourquoi, vous vous sentez libérée.

Que reste-t-il comme objectif quand on a déjà tout gagné aussi jeune ?
M. S. : Je ne me sens pas dans la peau de quelqu’un qui a déjà tout. J’ai toujours l’impression d’avoir 16 ans (elle en a 23) et d’en être à mes débuts. J’ai gagné ma 1re course à 16 ans, et à l’époque, je voulais toujours faire de mon mieux. Aujourd’hui, le feeling est le même… Peut-être que mes sensations changeront à l’avenir mais je dois toujours avoir cela à l’esprit dans le portillon.

Avez-vous l’impression de laisser une empreinte sur la discipline ?
M. S. : Non. Euh, je ne sais pas. Je skie c’est tout. Après, j’espère que les jeunes skieurs vont s’inspirer de moi et de ma réussite. Je n’ai qu’une chose à leur dire : travaille dur… Avoir de grands rêves et travaille. Quand j’étais plus jeune, certains me disaient : ‘Ne rêve pas trop’, mais si, moi j’ai plein de rêves et je vais y arriver.

Vous espérez inspirer de futures championnes mais qui a joué ce rôle chez vous ? Lindsey Vonn ?
M. S. : Oui, évidemment. Je pense que tout le monde a pu être un jour inspiré par Lindsey à certains moments… Et pour moi quand j’étais jeune. La plus grande chose que j’ai appris d’elle, je m’en doutais un peu mais j’ai pu le voir de mes propres yeux : elle travaille si dur, quelque chose d’inimaginable.

Et Marcel Hirscher également ?
M. S. : Ah oui… Lui, il a mis tous les ingrédients de son côté avec toute une équipe autour de lui : ses équipementiers, son staff d’entrainement, et il est si fort mentalement… Toutes ces pièces du puzzle lui permettent de gagner tant de courses, quelque chose que personne ne pourrait imaginer. C’est fou ce qu’il réalise.

Et le record de Stenmark (86 victoires en Coupe du monde) ?
M. S. : Non…

Vraiment ?
M. S. : Ah non (rires)… Je suis toujours très jeune. Je ne planifie pas l’arrêt de ma carrière, mais ce n’est pas mon objectif. Si je le vise, je vais changer ma manière de skier et déjouer… Je dois juste continuer à skier le plus vite, et si j’y arrive, ce sera extraordinaire, mais ça ne doit pas être une obsession.

Vous savez jusqu’à quel âge vous allez skier ?
M. S. : Je n’en ai aucune idée… Autant que je sentirais la passion et le goût du succès…

Entre 25 et 30 ans ?
M. S. : Oui entre 25 et 30… Après 30, avant 25 je n’en sais rien (rires).

Et votre reconversion ?
M. S. : J’ai commencé à y penser… Plus longtemps je skie, et plus je pourrais faire de belles rencontres, de gens incroyables, de sportifs exceptionnels, par exemple Roger Federer, des ambassadeurs de l’ONU… Et cela m’ouvrira l’esprit sur ce que je pourrai faire plus tard.

Qu’aimez-vous chez Tessa Worley ? Est-elle votre plus grande adversaire en géant ?
M. S. : Il n’y a pas que Tessa, mais elle est l’une des meilleures en géant. J’aime beaucoup de choses chez elle : sa technique, très “cool” sur les skis… Quand je la regarde lors de la seconde manche à Solden, wouah… Si puissante, fluide, feline… J’aime voir ça, et j’essaye d’ailleurs de l’intégrer dans mon propre style. C’est une belle athlète. Vous pouvez le voir : elle veut tout le temps gagner, une grande compétitrice. Et elle a réussi à trouver le bon équilibre entre le fait d’être quelqu’un de bien dans le privé et avoir cette gnaque, ne rien lâcher en compétition.

Pour terminer, qu’est-ce qui vous rend si spécial, vous différencie des autres ?
M. S. : Une combinaison entre technique, mental. et chance. J’ai à mes côtés une famille incroyable, beaucoup de soutien… Quand j’ai commencé à skier très jeune, j’ai été formée par de supers entraîneurs. A 12 ans, personne ne me disait : ‘tu seras la meilleure skieuse du monde’. Je voulais juste travailler dur et peut-être y arriver un jour… Faire le mix de tout ça… Ce qui me différencie des autres ? Franchement, je n’en sais rien (et elle éclate de rire).

Correspondance spéciale à Courchevel, Antoine GRYNBAUM