Thilo Kehrer : zoom sur l'apprenti préféré de Thomas Tuchel

Auteur d’un début de saison surprenant, la nouvelle recrue de Thomas Tuchel est aussi à l’origine de fautes lourdes de conséquences. Zoom sur Thilo Kehrer, la trouvaille du PSG.

Cet été, l’arrivée de Thilo Kehrer avait déjà de quoi surprendre : ce petit jeune de 21 ans, quasi inconnu dans l’Hexagone, avait été débauché de Shalke 04 par le Paris Saint-Germain pour la modique somme de 37 millions d’euros. Un transfert estimé pas franchement proportionné, alors que des noms plus chatoyants comme Boateng ou Mangala avaient été un temps annoncés, après l’échec du recrutement de Pepe l’été précédent.

Le jeune Kehrer, lui, sourire toujours aux lèvres, semblait déjà loin de se laisser impressionner par l’indemnité de transfert, ou l’intégration dans l’effectif, parlant couramment la langue de Molière, héritée d’une mère burundaise. Loin d’être impressionné non plus par la concurrence dans la capitale, où le terrain défensif était déjà occupé par une rotation Thiago Silva – Marquinhos – Kimpembe. Présenté par Thomas Tuchel comme un véritable couteau-suisse capable de se mouvoir dans plusieurs postes, l’Allemand avait donc le profil idoine pour s’installer dans les plans du coach.

Depuis, nul ne peut ignorer que le jeune défenseur s’inscrit peu à peu dans les petits papiers de son ancien entraîneur. En Ligue 1, après avoir été dispensé du premier match du PSG, Kehrer débarquait avec un statut de remplaçant, puisqu’il était entré ou sorti en cours de jeu des quatre suivants, passant même le cinquième sur le banc de touche. Depuis ce match fin septembre, le défenseur a été tout simplement titularisé par Tuchel lors de 7 des 9 autres rencontres disputées par le PSG.
Même son de cloche en Ligue des Champions, où Kehrer avait assisté à la toute première rencontre depuis le banc d’Anfield (contre Liverpool), avant d’entrer en cours de jeu lors des deux matches suivants (contre Belgrade puis Naples), et enfin d’être titularisé pour les deux autres matches qui ont suivi (Naples et Liverpool).

Résultat, sur 20 matches disputés par le Paris Saint-Germain depuis son arrivée, Kehrer a pris part à 16 d’entre eux. Pas mal, pour un jeune allemand qui, à 22 ans, débarquait avec moins d’une cinquantaine de matches disputés dans l’élite et n’avait jamais mis le moindre pied dans une compétition européenne.

Dans les plans de Tuchel, ça donne quoi ?

Et bien Nasser Al-Khelaifi avait prévenu, à la signature de son nouveau protégé : “Au fil de son parcours, Thilo a appris à évoluer dans différents systèmes de jeu et à différents postes, en défense comme au milieu de terrain, ce qui offrira de nombreuses options à notre coach, qui le connaît très bien. » Car oui, non seulement le PSG cherchait un quatrième défenseur central dans la hiérarchie, derrière Silva, Marquinhos et Kimpembe, mais il cherchait aussi un profil capable de se mouvoir très rapidement dans les expérimentations tactiques de Tuchel, aussi bien en défense, qu’au milieu de terrain ou sur les côtés.

Kehrer, seul défenseur parisien à connaitre parfaitement les rouages d’une défense à trois pour y avoir évolué du côté de Schalke, est donc tout naturellement devenu l’indispensable du coach. Pour preuve, ce dernier a été titulaire au coup d’envoi dans 8 des 9 matches au cours desquels Thomas Tuchel a lancé une défense à 3. Le 9e et unique match où il n’a pas assuré la défense francilienne dans une triplette était le match contre Toulouse… Kehrer étant mis au repos trois jours avant d’être aligné face à Liverpool.

Enfin, Tuchel avait prévenu : « Il est rapide, capable de jouer aux quatre postes de la défense, il a les deux pieds et peut même jouer milieu défensif… c’est un joueur que tout coach voudrait avoir ! Son intensité, sa vitesse et son agressivité vont nous apporter beaucoup. » Et ça tombe bien, l’ancien entraîneur de Dortmund n’a pas tardé à envoyer son soldat au front dans d’autres compartiments du jeu. Au total, le n°4 a occupé six postes depuis le début de sa saison parisienne.
Testé avec réussite une demi-heure au poste de latéral gauche contre Nîmes, puis lors des 5 ultimes minutes du match contre Rennes au poste de latéral droit, lancé en piston droit face à Naples… C’est dans ce même costume que Kehrer a été envoyé au charbon contre les Reds de Liverpool un mois plus tard. Un vrai gage de confiance de la part de Tuchel, qui n’a pas hésité à l’envoyer jouer les stoppeur devant Sadio Mané.

Preuve aussi, que de par son profil hybride, Kehrer offre enfin au Paris Saint-Germain une autre alternative au poste de latéral, à droite comme à gauche. Un secteur qui a tant fait défaut au PSG, et où les profils qui fournissent l’effectif ont parfois tendance à être un chouilla trop offensif.

Sur le terrain, est-il à la hauteur ?

Après quatre petits mois passés dans la capitale, force est de constater que le natif de Tübingen, continue de monter en puissance matches après matches sous le maillot rouge et bleu. Après des débuts brouillons lors de ses premières apparitions, et un penalty concédé dès son premier match, dans un système qu’il ne maitrisait pas forcément, Kehrer a pris en confiance. « C’est malheureux. Il a bien commencé avec l’équipe. Il est très humble. Malheureusement, il a commis une faute amenant le penalty. Mais il n’y a pas de problème. C’est très important qu’il s’adapte à notre système et nos principes. J’ai confiance en lui, il va s’améliorer », rassurait son entraîneur après ce match face à Amiens. Pas évident pourtant de ne pas sombrer après des débuts aussi délicats, dans un effectif doré et une défense pleine de caractère où il n’est pourtant pas facile de s’imposer. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si sa montée en puissance et ses titularisations coïncident avec l’installation du système à trois défenseurs de Tuchel, dès le début du mois d’octobre.

Monstrueux face à Naples dans son duel contre Callejón, convaincant à Monaco pour stopper Falcao et combatif face à Mané : Kehrer a passé tous les examens de passage les uns après les autres. Baladé d’un poste à l’autre parfois au cours d’un même match, la très jeune recrue (on a tendance à oublier ses 22 ans et son inexpérience dans l’élite) a toujours répondu présent dans l’engagement sur le terrain. Quel que soit le poste où il évolue, l’Allemand a joué avec brio tous les rôles. Élégant ballon au pied, stoppeur déterminé, habile à la relance, propre dans son placement et n’hésitant pas à se projeter plus que de raison : Kehrer cache sous ses crampons toute la panoplie du joueur polyvalent chéri par docteur Tuchel.

Un apprentissage à peaufiner

Seul hic et pas des moindres : cette propension à faire des fautes qui peuvent coûter très cher aux siens. Son dernier match face à Strasbourg, ce mercredi soir, témoigne d’ailleurs de ce double visage. Un Kehrer combatif, conquérant, placé tantôt aux côtés de Kimpembe ou de Rabiot, qui n’a eu de cesse de chercher à percuter et défendre, alternant les courses folles et les interventions tranchantes. Résultat, trois occasions franche pour lui, dont cette occasion à la 50e sur un centre de Mbappé, une autre puissante à la 79e et de belles interventions défensives jusqu’au terme de la rencontre… Mais un Kehrer qui, encore une fois, provoque un penalty dans la surface adverse, offrant le score de parité aux adversaires du soir.

Même scénario que face à Lille, donc, où sa très bonne partie ne l’avait pas empêché de faire une faute qui avait là encore offert un penalty. Résultat, malgré de bonnes performances dans le contenu, Kehrer a concédé 3 penalties avec Paris cette saison. Aucun joueur ne fait pire dans les 5 grands championnats européens. Et c’est sans compter sur les 4 cartons que le défenseur a déjà engrangé ni sur les nombreux autres un peu plus mûrs dont il aurait pu se mordre les doigts, comme après son énorme tampon sur Callejon contre Naples et quelques autres tacles saignants qu’on préfère oublier.

Tuchel sait que je me mets de la pression car chaque jour je veux m’améliorer et donner tout ce que je peux. Parfois il doit me calmer. Cela m’aide“, avait pourtant confié le joueur en octobre dernier, bien conscient de ses lacunes lancinantes. Entre erreurs d’inattention et volonté de trop faire : une chose est sûre, pour parachever son apprentissage au milieu des plus grands, le droitier va devoir afficher davantage de concentrations pour ne pas perdre du crédit auprès des siens.

Mais en quatre petits mois et sans grande expérience dans l’élite, Kehrer a déjà fait beaucoup : depuis son arrivée à Paris, le timide défenseur s’est fait remarquer. Deux visages pour une même volonté, à terme, de s’inscrire durablement dans les plans du Mister. Retenu pour la première fois avec la Nationalmannschaft depuis son éclosion au PSG, le néo-international a tout à gagner de continuer à franchir des caps, sans tomber dans la facilité ni les excès d’engagement.