Tour de France: pourquoi Pogacar a attendu le dernier moment pour attaquer Vingegaard

Tour de France: pourquoi Pogacar a attendu le dernier moment pour attaquer Vingegaard

"Le rythme est absolument infernal, on ne peut pas savoir ce qui va se passer, et en plus le show est gratuit. En fait, c’est comme une série Netflix mais en mieux." La formule, soufflée par un confrère britannique, résume plutôt bien le scénario de la 110e édition du Tour. Alors que le public tricolore, toujours aussi cocardier sur les bords de routes, rêvait d’un feu d’artifices d’attaques françaises en ce jour de fête nationale, il a eu droit à un nouvel épisode de la baston entre Jonas Vingegaard et Tadej Pogacar.

Le suspense s’est étiré jusqu’au bout, avec une attaque tranchante de l’ogre slovène, flashé à 36,4km/h dans les derniers hectomètres. Bien décidé à retrouver sa couronne, il a attendu la fin de l'ascension du Grand Colombier pour piquer son rival danois, après un travail de sape fourni par ses ouailles. Dans une fournaise rendue encore plus bouillante par les cris des spectateurs, Pogacar lui a repris huit secondes, dont quatre de bonifications obtenues grâce à sa troisième place lors de la 13e étape.

Des attaques courtes et tranchantes

Ce soir, le maillot jaune de Vingegaard ne tient plus qu’à neuf petites secondes alors que se profile ce samedi un sacré morceau alpestre : 152 kilomètres sans le moindre répit, avec un départ d'Annemasse, au bord du Lac Léman, puis un menu pour le moins alléchant avec le col de Cou, le col du Feu, le col de Jambaz, le col de la Ramaz et en dessert le redoutable col de Joux Plane (11,6km à 8,5 %) pour 4200 mètres de dénivelé positif au total. Le décor idéal pour une nouvelle explication entre cadors. "On a eu une montée sèche aujourd’hui avec deux coureurs qui sont une jambe au-dessus de tout le monde et un qui semble avoir une demi-jambe de plus que l'autre, observait Marc Madiot, manager de la Groupama-FDJ. La bagarre peut se jouer partout mais je pense que mentalement Pogacar a pris un petit ascendant. Il prend cet ascendant sur des sprints de 500 mètres, donc il faudra voir comment il va enchaîner les cols. Ce sera un peu différent, on verra dès demain comment ça se passe."

Depuis son coup de moins bien subi dans le Col de Marie Blanque le 5 juillet, qui avait suscité des doutes sur sa récupération après sa blessure sur Liège-Bastogne-Liège, Pogacar a pris l’habitude de grappiller son retard au prix d'attaques aussi courtes que tranchantes. Des mines spectaculaires qui s’apparentent à des efforts de puncheur et qui correspondent bien à ses qualités. C’est comme ça qu’il avait fait la différence en avril pour dompter le mur de Huy et remporter la Flèche Wallonne pour la première fois de sa carrière. A Cauterets-Cambasque, il avait laissé sur place Vingegaard en s'envolant à 2,7 km de l'arrivée. Au Puy de Dôme, il était parti à 1,3 km de la ligne. Cette stratégie visant à avancer pas à pas s’est encore vue ce vendredi. Et elle est totalement assumée par le principal intéressé. "J’aurais bien voulu aller chercher la victoire mais il y avait Michal Kwiatkowski dans l’échappée, confiait-il à l’arrivée. Il était supersonique aujourd’hui. Mais on a gagné quelques secondes, c’est une bonne journée."

"Une petite victoire" de plus pour Pogacar

"C’était l’idée de gagner seconde après seconde sur Jonas, insistait-il. Le Tour reste long. C’est une bonne situation pour nous. On y va jour après jour. Il faut prendre ces opportunités pour grappiller jour après jour. C’était une bonne performance d’équipe. Tout le monde peut prendre de la confiance aujourd’hui, même s’il n’y a pas la victoire. C’est une petite victoire pour la bataille pour le maillot jaune. On peut prendre de la confiance."

Même discours du côté de Joxean Fernández Matxín, manager de la formation UAE-Team Emirates: "Le plan était d'attaquer avec Adam Yates (à deux kilomètres de l’arrivée), mais la réaction de Sepp Kuss a été vraiment, vraiment impressionnante. Il a réduit l'écart. Dans le dernier kilomètre, nous voulions obtenir des secondes de bonification, et nous avons fini par gagner huit secondes." Pour continuer à grignoter son retard, et tenter de virer en tête, Pogacar devra-t-il faire évoluer sa façon de courir?

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Aura-t-il retrouvé suffisamment de rythme pour lancer les grandes manœuvres de bien plus loin? A l’heure d’attaquer quinze montées répertoriées d’ici mercredi soir, dont huit en première catégorie et deux hors-catégorie, Vingegaard ne semble lui pas très inquiet. "Mon objectif aujourd'hui était de garder le maillot jaune, je suis encore en jaune donc je suis très heureux, savourait le chef de file des Jumbo-Visma au micro de France 2. Je sais que dans un final comme celui-là, il (Pogacar) est bien plus explosif que moi, je suis très heureux de la façon dont ça s'est passé. On aime bien avoir des coureurs à l'avant, c'est comme ça qu'on fait d'habitude, ils peuvent se faire décrocher pour nous aider. Je ne crois pas que le monde du cyclisme comprenne toujours bien notre tactique mais tant qu'on la comprend nous, c'est le principal." Vivement le prochain épisode.

Article original publié sur RMC Sport