Valverde, monstre discret

Arrivé sur la pointe des pieds à la tête du Barça cet été, Ernesto Valverde justifie pleinement la confiance que les dirigeants catalans ont placé en lui. Une gageure, au regard des conditions qui ont présidé à son intronisation. Focus sur un entraîneur bien parti pour se faire un nom au royaume blaugrana. En toute discrétion.

Ernesto qui ?” L’été dernier, nombreux ont été ceux qui ont dû naviguer sur Internet pour faire la connaissance du nouvel entraîneur de Barcelone. Ernesto Valverde ne possède en effet ni le CV de Guardiola, ni le goût des joutes médiatiques de son prédécesseur Luis Enrique. Plus à l’aise en compagnie de ses amis écrivains que devant les caméras, cet autodidacte cultivé – il parle quatre langues, se passionne autant pour les échecs que pour la photographie -, est en outre un adepte de la méthode douce. “C’est quelqu’un de tranquille et réfléchi, expliquait en fin d’année dernière son ancien coéquipier, Thomas N’Kono, à nos confrères du Temps. Il laisse beaucoup de libertés aux joueurs pour exprimer leur talent. Mais sa plus grande vertu, c’est de savoir manager un groupe, de gérer les égos.

Une approche que Valverde a éprouvée avec succès lors de ses passages successifs sur les bancs de l’Espanyol Barcelone, de l’Olympiakos et surtout de l’Athletic Bilbao, où il fit le délice des supporters locaux sur le pré avant d’en prendre les commandes en 2003. Trois fois champion en Grèce (2009, 2011, 2012), l’entraîneur espagnol est parvenu à hisser deux fois le club basque dans le top 5 de la Liga entre 2013 et 2017, se payant même le luxe de rafler la Supercoupe d’Espagne en 2015 au nez et à la barbe du… Barça. De quoi susciter l’intérêt de dirigeants blaugrana peu revanchards.

Reste qu’un monde sépare le “Més que” de l’institution basque, et plus d’un observateur a accueilli l’arrivée de Valverde en terre catalane avec prudence. Un scepticisme que les deux défaites inaugurales du Barça face au Real, cet été, n’ont pas contribué à apaiser. Toutefois, c’est oublier un peu vite les conditions qui ont présidé à l’intronisation de l’ex-coach de Bilbao. Un petit coup d’œil dans le rétro contribue d’ailleurs tout autant à relativiser ces contre-performances qu’à souligner l’énorme travail accompli par le natif de Viandar de la Vera.

29 matches sans défaite

Ce dernier a en effet hérité d’un Barça en quête de nouveau repères, et duquel émanait une dangereuse odeur de fin de cycle. Orphelin de Neymar, parti faire la démonstration de son talent au Parc des Princes, fragilisé par les dissensions entre son président et les socios, c’est peu dire que le club catalan traversait une zone de turbulences à l’intersaison. Ajoutez à cela la blessure précoce – et longue durée – d’un Ousmane Dembélé censé pallier le départ de la star brésilienne, et tous les ingrédients d’une saison cauchemardesque semblaient réunis. Il n’en a rien été.

Patiemment, l’ancien entraîneur de l’Athletic est parvenu à redonner de l’allant à une formation en plein doute. Avec calme, mais avec détermination. Le maître mot : adaptation. S’appuyant sur une colonne vertébrale d’indéboulonnables, Valverde a ainsi mis en place un 4-4-2 davantage en accord avec les qualités de son effectif. Une petite révolution au pays du 4-3-3 roi. Tout comme l’est la gestion de Messi, naguère prompt à dicter ses vues, et désormais capable d’accepter de s’abriter sous la guérite pour se préserver. Quant à l’installation progressive de Paco Alcacer, Denis Suarez et Paulinho dans la rotation catalane, elle porte également la marque tout en doigté du nouveau coach barcelonais.

Ce qui pourrait s’apparenter à de petites touches impressionnistes prend, au regard des récentes performances du Barça, des allures de choix stratégiques décisifs. Car ce Barça-là gagne. Beaucoup. Seule grosse écurie invaincue du Big 5 cette saison, le club catalan a aligné 29 matchs sans défaite (série en cours). Les hommes de Valverde n’ont en outre abandonné que six petits points en Liga depuis le début de l’exercice 2017-2018, reléguant le rival madrilène à 19 longueurs. Un tableau idyllique auquel il convient d’ajouter des qualifications pour les 1/4 de finale de Coupe du Roi, et en 1/8 de C1 obtenues sans trembler. De quoi faire taire les plus sceptiques. Et se faire un nom.