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"Je voulais surtout faire rigoler les potes", comment ce Français se retrouve à tenter de battre le record du monde de marathon... en arrière

Un esprit vagabond au corps résistant. Enraciné au milieu des montagnes de Lans-en-Vercors (Isère), Guillaume De Lustrac apparaît confiant, sûr de lui, surtout de ses forces. Convaincu que sa bêtise n’en est finalement pas une. Cheveux longs jusqu’au cou et barbe de voyageur certes, mais également un sourire radieux qui en dit beaucoup sur le personnage. Bercé par le sport dans une famille qui en a fait un mode de vie, cet "écolo convaincu" a décidé de suivre – en parallèle de ses fonctions de consultant en bilan carbone – ses envies d’évasion, via des défis sportifs complètement fous. Triathlon extrême, traversée de douze régions à vélo, course d’ultra cyclisme… Guillaume De Lustrac n’en est pas à son premier coup d’essai. Ce dimanche, au beau milieu de la Drôme, un record du monde pourrait tomber : celui du marathon en arrière. L’histoire est folle, mais l’histoire est belle.

Comment vous êtes vous lancé ce défi un peu fou?

Je fais des challenges tournés vers l’ultra-endurance, et d’habitude j’utilise ces occasions pour parler de sujets qui me tiennent à cœur. Cette fois-ci, je voulais surtout faire rigoler les potes… Je venais de faire une performance sur marathon classique (2h33 à Valence, Espagne, N.D.L.R), et mon pote Duncan Perillat, champion de France de marathon en 2022 me dit ‘’tu n’es pas chiche !’’ On est tous les deux un peu joueurs donc j’ai dit go… Et quatre mois de préparation plus tard, voilà venu le temps de la course.

Vous employez les mots ‘’joueur’’ ; ‘’rigoler’’. Associeriez-vous ce défi à une façon enfantine de pratiquer le sport?

C’est exactement ça. Après avoir tenté quelques performances, j’ai de plus en plus envie de me tourner vers des choses qui me font vraiment kiffer. De retrouver l’essence même du sport. Mon cousin m’a d’ailleurs rappelé que quand on était petit, on voulait essayer d’être recordmans du pédalo en piscine, ou d’escrime avec des frites en mousse… Il y a vraiment cette envie de retourner à ce qui nous fait marrer. Je suis un peu un enfant dans un corps d’adulte. Je continue de m’émerveiller. Je ne dirais pas que j’ai une passion pour la course à pied à l’envers, mais ça me fait bien rigoler.

Et après quatre mois de préparation, rigolez-vous toujours autant?

Au début c’est amusant parce que tu découvres des nouveaux muscles, et une nouvelle manière de courir. Ensuite, c’est un peu le creux de la vague et le plaisir est difficile à trouver. Mais j’ai de la chance d’être accompagné de potes qui venaient courir avec moi, et surtout de ma fiancée (et future femme) qui m’accompagnait sur presque toutes mes séances. Et à la fin il y a eu un peu de médiatisation. Des gens me reconnaissaient quand je m’entraînais sur les quais de Grenoble. Ça c’était vraiment sympa. C’est un peu un rêve de gosse d’avoir un record du monde. Quand tu rencontres une personne, dire que tu es recordman de… ça te place directement comme quelqu’un qui ne se prend pas la tête. Ça m’apporte plus que si j’avais fait le choix d’améliorer mon record personnel sur marathon classique.

Mais courir en arrière, vous saviez faire?

Je n’avais jamais couru en arrière! Dès ma première sortie, je suis tombé (rires). Franchement au début je n’étais vraiment pas sûr de la faire. Je pensais avoir que 10 % de chance d’y arriver… Mais finalement le mouvement est venu plus vite que prévu.

Comment les gens réagissaient en vous voyant courir?

Il y a trois types de réactions. Soit les gens ne comprennent tout simplement pas, soit ils jugent et critiquent. Après il y a le type de réaction que je préfère : ceux qui se retournent et s’interrogent. Étant donné que je cours en arrière, je les vois se marrer ou carrément essayer de prendre une photo discrètement.

Comment on fait pour courir droit et ne pas tomber?

J’ai tenté pas mal de trucs. J’ai essayé un mini rétroviseur sur les lunettes, comme certains cyclotouristes utilisent. Mais c’était impossible avec les mouvements du corps que provoque la course à pied. Je ne me voyais pas non plus courir avec un rétroviseur de voiture. Donc au début je me retournais beaucoup sur les nouvelles routes, et ensuite j’ai apprivoisé un peu plus le parcours. Ça m’a permis de développer ma vision périphérique. Mais je me suis quand même entravé dans des trucs : comme le vélo d’un monsieur ivre qui traînait en plein milieu de la route.

Impossible donc de s’aligner sur un des plus gros marathons du monde?

Le choix de la course était calculé. J’ai hésité entre plusieurs courses avant de choisir le marathon de la Drôme. Malheureusement, tu es obligé d’enlever les plus gros du monde comme celui de Paris par exemple, à cause de la quantité de personnes qui prennent le départ. On a donc préféré un marathon où il y a moins de monde, où il y a de la place sur la route. Il me fallait aussi du plat et peu de virages, et pour ça le marathon de la Drôme est parfait pour ça.

Comment trouver la force de faire un défi aussi fou?

Je réalise tous mes challenges avec Constance, ma fiancée. On a même créé un compte Instagram dédié à ça (@kokogichallenges). Et si Duncan ne m’avait pas poussé à faire ce défi, en toute honnêteté, je ne l’aurais pas fait. C’est clair que mes proches m’aident à me surpasser.

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A post shared by Viktorija Burakauskas (@toribur) on Jan 21, 2020 at 8:43am PST

La moyenne française sur marathon est de 4h13… Vous rendez-vous compte que beaucoup de gens ne courent pas de marathon (en avant) à 12 km/h de moyenne ?

Oui mais bon… A chacun son niveau et son Everest. L’essentiel c’est de trouver du plaisir et de se dépasser. Et puis, en toute humilité, tu n’as pas trop envie de dire à quelqu’un que tu vas plus vite que lui, en arrière… Mais il y a beaucoup d’heures d’entraînement derrière. Que ce soit pour ce marathon, ou pour autre chose. Je fais du sport depuis que je suis petit, forcément des acquis sont restés. Moins de 3h38 en arrière ? Ce n’est pas trop mal !

Et musculairement, comment avez-vous fait comprendre ce mouvement loin d’être inné à votre corps?

Je me suis très rapidement posé la question quand des douleurs au genou sont apparues. Au début, j’alternais course en avant et course en arrière mais ça ne fonctionnait pas. Donc là ça fait trois mois que je ne cours plus du tout en avant. J’y suis allé petit à petit et le corps s’est adapté. Musculairement, ce n’est pas le même sport que la course à pied classique.

Qu’est-ce qui vous fait le plus souffrir quand vous courez en arrière?

C’est un petit peu les ischio-jambiers qui souffrent, mais ce sont surtout les hanches. En avant, les jambes sont alignées avec ton corps. Là, tu pousses un peu sur les côtés ce qui créer des douleurs. En revanche à petites doses, ça peut être utile. Certains entraîneurs l’utilisent en renforcement musculaire.

Quelle sera la suite après le marathon ? Pensez-vous continuer?

Je pense que le record du monde du semi-marathon peut être jouable (détenu depuis 2011 par l’Allemand Achim Aretz, en 1h35’49’’, N.D.L.R). Cette tentative pourrait être réalisée en compagnie de Markus Jürgens, spécialiste de la course en arrière et détenteur (peut-être plus pour longtemps) du record du monde du marathon. Nous nous sommes rencontrés et nous songeons à nous affronter. Mais à part ça, je ne pense pas continuer bien longtemps la course à pied en arrière, car pour être honnête je préfère quand même celle en avant (rires).

Et selon vous, qu’est-ce qui est le plus difficile sur marathon, faire 2h33 en avant ou moins de 3h38 en arrière?

Réponse ce dimanche! Mais en tout cas dans la préparation, je dirais que c’est du 50/50. L’adaptation a été difficile au début pour courir en arrière, mais ensuite ça s’est vraiment bien passé. En revanche je n’ai jamais couru plus de trente-trois kilomètres de la sorte, donc je n’ai aucune idée des sensations que je vais avoir après ce pointage.

Cette séance de trente-trois kilomètres vous a-t-elle rassurée?

Oui, clairement. Sur ce projet, j’ai la chance d’être accompagné par "Hoka" pour les tenues et les chaussures. C’est grâce à mon pote Duncan Perillat qui lui est sponsorisé par la marque. J’ai donc découvert leur nouveau modèle de chaussure à plaque carbone sur cette séance et la sensation était incroyable ! Ça m’a changé la vie.

Vous êtes en confiance; le matériel répond présent; la forme physique est bonne… Allez-vous être encore plus ambitieux que 3h38 sur ce marathon?

En réalité, je me suis adapté à la marque à battre. Je n’avais aucune référence chronométrique pour de la course à pied en arrière, alors j’ai pris l’allure pour faire 3h38 et je l’ai légèrement abaissé. Et pendant la préparation, ça avait l’air d’aller ! N’ayant pas de repère, on a décidé de se caler sur l’allure de 3h30 au marathon pour avoir un matelas confortable sur le précédent record. Je ne sais pas si c’est la meilleure stratégie mais bon… On verra si ça tient! L’objectif reste le record du monde avant tout, et le "super-objectif" est de devenir la première personne à passer sous les 3h30 sur un marathon en arrière. C’est pour cela que je cours: pour me permettre de me rendre compte que les choses qui me paraissaient impossibles sont finalement possibles.

Article original publié sur RMC Sport