On a vu « The Idol » avec Lily-Rose Depp et The Weeknd et on a été mal à l’aise

Dans « The Idol », Lily-Rose Depp et Abel Tesfaye (The Weeknd) enchaînent les scènes de sexe perturbantes.
Dans « The Idol », Lily-Rose Depp et Abel Tesfaye (The Weeknd) enchaînent les scènes de sexe perturbantes.

CANNES - On aurait aimé plus d’intrigue et moins de malaise. Le tout premier épisode de la série The Idol est sorti en France ce lundi 5 juin à 9h sur Amazon Prime avec le pass Warner, après sa diffusion américaine sur HBO la veille. Le HuffPost avait pu voir deux épisodes en avant-première lors du Festival de Cannes, et c’était dérangeant.

Bien avant la projection, The Idol faisait déjà couler beaucoup d’encre, pour son casting de stars (Lily-Rose Depp et Abel Tesfaye, alias The Weeknd) mais surtout pour sa mauvaise publicité. En mars, une enquête de Rolling Stone décrit le tournage comme « chaotique et hors de contrôle » et accuse la série de promouvoir la culture du viol.

La réalisatrice initiale, Amy Seimetz, a été mise en retrait pour des « différends créatifs » après avoir tourné plusieurs épisodes. Sam Levinson, le co-créateur controversé de la série qui s’est fait connaître avec Euphoria, la remplace à la réalisation. Si on ne sait pas précisément ce qu’il s’est passé en coulisses, le résultat à l’écran est sans équivoque : The Idol est l’exemple parfait du « male gaze » (à ne pas reproduire).

@lehuffpostfr On a vu les premiers épisodes de la série « The Idol » avec Lily-Rose Depp et The Weeknd à Cannes. #cannes2023 #filmtok #theidol #lilyrosedepp #theweeknd #festivaldecannes ♬ son original - Le Huffpost

Une occasion manquée

Le scénario promettait pourtant un personnage féminin intéressant. La série suit Jocelyn (Lily-Rose Depp), une jeune pop star qui se remet d’une dépression nerveuse après le décès de sa mère d’un cancer. Entourée de son armada de manager, assistants, attachés de presse, elle prépare son grand retour avec un nouveau single imposé par sa maison de disques.

Elle rencontre alors Tedros (The Weeknd), un gérant de boîte de nuit aussi dangereux qu’il en a l’air. Sous son influence, elle décide de reprendre le contrôle de sa voix et de sa musique. On tombe rapidement dans le schéma d’une jeune fille vulnérable en proie à un homme véreux plus âgé. Pas de quoi révolutionner les séries.

Lily-Rose Depp joue Jocelyn, une pop star en perdition.
Lily-Rose Depp joue Jocelyn, une pop star en perdition.

Qu’elle soit dans les mains de son équipe ou de Tedros, Jocelyn est filmée comme un objet. Lily Rose-Depp est dénudée à chaque minute des deux épisodes, et le réalisateur multiplie les gros plans sur sa poitrine ou ses fesses.

On aurait pu comprendre l’hypersexualisation du personnage de Jocelyn lorsqu’elle joue elle-même un rôle, pour correspondre à l’image de la pop star sexy qu’on attend d’elle. Mais sa nudité et sa démarche lascive n’ont pas beaucoup de sens lorsqu’elle est en train de dormir, ou de marcher seule dans un couloir. Et elle est loin d’être le seul personnage féminin à se déshabiller devant la caméra.

Des scènes de sexe malaisantes

The Idol n’échappe pas non plus à la manie de Sam Levinson de filmer des jeunes femmes désirables se faire maltraiter (comme c’était le cas pour Maddy et Cassie dans Euphoria). On comprend rapidement que pour prendre du plaisir, Jocelyn aime être étranglée. Elle s’asphyxie elle-même dans une première scène de masturbation (d’autres suivront, encore plus dérangeantes), et Tedros l’étouffe avec un kimono en soie, soi-disant pour lui permettre de développer ses compétences vocales.

Toutes les scènes de sexe avec The Weeknd sont étranges et semblent presque parodiques. Au bout de la troisième, des soupirs commencent à se faire entendre dans la salle. Par moments, The Idol donne l’impression d’être devant un mauvais film pornographique réalisé par un homme hétérosexuel pour les hommes hétérosexuels.

Et c’est vraiment dommage car si l’on met de côté la nudité et la relation sadomasochiste entre les personnages de Lily Rose Depp et The Weeknd, The Idol est une série qui fonctionne bien. Il y a quelques répliques marrantes qui critiquent l’industrie musicale, et on a même entendu des rires à plusieurs reprises dans la salle, comme lorsque la directrice de la maison de disques dit que les problèmes de santé mentale « c’est sexy ».

L’intrigue passe au second plan

On a de l’empathie pour Jocelyn lorsqu’elle se montre vulnérable, les pieds en sang d’avoir retourné des dizaines de fois la même chorégraphie en quête de la prise parfaite. On aimerait en savoir plus sur le personnage de Dyanne, jouée par Jennie des BlackPink, qui pourrait bien devenir la nouvelle pop star en vue.

Et à la fin du deuxième épisode, l’intrigue laisse planer un peu de mystère autour du personnage joué par The Weeknd. On ne sait pas trop si Tedros est un gérant de boîte de nuit, un producteur de musique ou un gourou qui embrigade de jeunes talents, et on a envie de le savoir.

Mais dès qu’on rentre dans l’histoire, une nouvelle scène de sexe montre The Weeknd faisant fondre un glaçon sur le corps de Lily-Rose Depp, et ça refroidit aussi la salle de cinéma. Peut-être que les quatre épisodes suivants s’attarderont plus sur l’intrigue et moins sur le corps de Jocelyn, on ne peut que l’espérer.

Lors d’une scène, Jocelyn découvre le décor de son clip — un club de striptease avec des danseurs torse nu — et s’inquiète que ses fans ne comprennent pas « le second degré » de la vidéo. Si Sam Levinson avait voulu dénoncer l’hypersexualisation des pop stars avec cette série, il aurait mieux fait de se poser la même question.

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